On les avait mésestimés : ce sont aujourd’hui les dijonnais les plus célèbres dans le monde, battant d’un coup Kir (le chanoine), Amora (la moutarde) et même Rude ou Eiffel, sans parler des ducs eux-mêmes et du collier de la Toison d’Or dont ils étaient si fiers. Belle revanche pour ces petits bonhommes en albâtre que personne n’avait trop pris au sérieux, pendant des siècles.

On les prenait même de haut, naturellement. Seuls les enfants les regardaient attentivement (question de taille) en tournant autour du tombeau des ducs et se doutaient qu’ils n’étaient pas ce qu’on imaginait : un cortège de pleurants suivant la dépouille de leur dernier maître, dont les restes reposaient au dessus d’eux.

Grâce à Sophie Jugie, directrice du musée des Beaux Arts et ses collègues américains qui ont eu la bonne idée d’emmener en balade ces petites statuettes, le monde entier (ou presque) a pu les voir des près sans avoir à se pencher pour découvrir, sous leur capuchon de moine, des êtres remarquables au chagrin tout relatif. Rude coup pour l’ego des grands hommes, et oui, il faut le dire : si ces statues nous émeuvent, c’est plus par la perfection des traits, l’émotion qu’elles dégagent que par l’affliction dont elles témoignent.

On peut le dire ouvertement, maintenant que la tournée a été un succès, de New York à Berlin en passant par San Francisco, Dallas et Bruges. « Les Pleurants. Tant d’amours et tant des larmes » qu’ils disaient, nos amis Flamands. A Berlin, on a été plus prudent. « Die Pleurants vom Grambal des Herzogs Jean sans Peur in Dijon ». Assez pleuré comme ça : la fête des Pleurants, c’est maintenant !

Pleurez les princes qui nous gouvernent n’a qu’un temps. Libérez les Pleurants, tel semble être le langage caché d’une exposition remarquable présentée jusqu’en février au Bode Museum à Berlin, sur cette Ile des Musées qui sera demain l’équivalent du Grand Louvre à Berlin.

La délégation dijonnaise menée par Yves Berteloot, adjoint à la culture, a pu découvrir la façon dont le conservateur du Bode Museum a tenu à placer les Pleurants, sur un piédestal aux dimension d’un tombeau, dans une salle aux murs recouverts de peintures des quinzième et sixième siècles.

Muséographie sobre, soulignée par un travail sur la lumière qui a permis à tous de découvrir les détails souvent cachés de ces personnages muets qui auraient tant de choses à raconter.

Nos Pleurants se font photographier, admirer tout à loisirs, qu’ils profitent de l’adulation des foules, dans un an la fête sera finie… Retour au pied des maîtres qu’ils ont tant pleuré. Soi-disant. Car on a eu le temps de les regarder de près ces bougres, et de s’y attacher. Bonne leçon pour les grans hommes : les petits qui les pleurent sortent grandis de l’épreuve.

De quoi rendre le sourire à Sophie Jugie, partie faire la tournée des capitales avec les petits hommes qui va bientôt, tout comme eux, retrouver le chantier du musée de Beaux-arts, qui est loin d’être terminé (horizon 2020 en étant optimiste).

La réouverture de la salle des tombeaux et l’inauguration de la fin des travaux de la première tranche, à l’automne prochain, devrait déjà donner  envie à des milliers de visiteurs de rendre visite à ces ambassadeurs de la Grande Bourgogne, qui méritent mieux qu’une condamnation éternelle, désormais, au pied de ces ducs au nom célèbre alors qu’ils restent pour tout les pleurants méconnus.

 

Dates utiles :

Bode Museum à Berlin : Jusqu’au 3 février 2013

Musée de Cluny à Paris : « Lamentation pour un prince défunt » du 27 février au 27 mai 2013

Septembre 2013 : retour à Dijon, pour retrouver leur place au cœur du musée des Beaux-arts.