Depuis quelques mois, un mouvement d’orientation politique visant à rassembler la tranche jeune de la population est sous les feux de l’actualité : « Génération identitaire » aime-t-il à se désigner. Créé en 2002-2003, il connait un essor relativement important depuis 2009, et cette année même seront organisés, au cours du mois de décembre, de grandes manifestations dans les grandes villes de la région Rhône-Alpes (Lyon, Valence, Bourgoin-Jailleux) mais aussi dans la Nord, à Lille ! La notion d’identité est à la base du mouvement. C’est vague. Car une idéologie dite « identitaire », c’est quoi exactement ? Une génération qui veut faire connaître son identité dans le monde ? Des jeunes en recherche de qui ils sont ? Ou bien tout simplement des étourdis qui ont perdus leurs papiers ? Un peu des trois …

En jetant un simple coup d’œil au site internet, on est d’entrée frappé par une forte volonté d’impressionner le visiteur, qui vient ici par curiosité, par habitude, pour la première fois ou pour la centième fois de la journée. Ah non, il n’en ressort par indemne, dans tous les cas, alors prenez-en garde. On vous y impose une définition quelque peu bouleversante de l’identité, comme quoi quiconque n’est lui-même qu’en tant qu’il appartient à un sol, à un territoire donné et qu’il est issu de parents de ce même territoire. Tiens donc ! Déjà entendu ça ! Et ça a fait 20% aux élections présidentielles, en plus. Mais qu’est-ce donc, voyons ? … Une tête blonde peut-être ? Ah vraiment non, ça ne revient pas. Bah tant pis, après tout peu importe, ça ne devait pas être grand-chose. Ces premiers termes se heurtent à une erreur, et non des moindres : l’identité, nous en conviendrons, est relative à l’individu, en premier lieu et avant toute chose. Je ne peux me résoudre à me définir uniquement par le sol sur lequel je marche et « l’ethnie » à laquelle j’appartiens, je me réduirais en ce cas à me considérer sur les seules données extérieures. Et moi alors ? Où suis-je dans tout cela ? Au pire un bouton d’eczéma parmi d’autres. Au mieux un loup au milieu d’une meute. Oui, oui j’entends, ça manque d’intériorité. L’identité, c’est ce qui est propre à moi, mes affects, mes états d’âme, mes pensées. Et puis toutes ces petites choses. Et tout cela forme un tout : vous. En d’autres termes, vous n’êtes pas déterminés par le lieu que vous habitez, le sang qui coule dans vos veines, les mœurs sociales, … Vous êtes quelqu’un ; vous êtes tout court.

Ah mais attention, progrès ! On s’élargit à l’Europe, cette fois, on dépasse les frontières de l’hexagone, on a compris que la France avait des voisins pas si différents, finalement ! Les photos c’est mieux quand on enlève le cache… Bon, par contre, niveau pixels, c’est encore ça. Mais l’élan de la jeunesse, cela ne résout-il rien ? Un peu de crédibilité, éventuellement… Nouvelle contradiction que l’on rencontre après une lecture plus approfondie : le refus des conventions. Progressiste donc ? Non, non. Car la « génération identitaire » se veut profondément conservatrice en matière « d’ethnie » (vous aussi, vous trouvez étrange que l’on parle encore d’ethnie en France ?), de coutumes, de territoire… Si cela ne saute pas aux yeux, faites vous-mêmes l’expérience : dites d’abord que vous êtes communiste, puis que la mondialisation et ses effets ne vous dérangent pas ; affirmez votre penchant écologiste au volant d’un puissant 4X4 ; chantez votre passion pour la musique avec une place pour un concert de Rihanna dans les mains. Bref, vous voyez le principe. Exaspérant non ? Au moins. L’ethnie, qu’est-ce alors ? Des hommes et des femmes qui parviennent à un accord disant qu’ils font partie du même groupe. Le territoire ? Le fruit d’une longue négociation entre deux puissances politiques sur une limite donnée. Les coutumes ? Sincèrement, y a-t-il vraiment besoin…

Bref, on la sent, après avoir longuement parcouru la présentation du mouvement, cette haine profonde d’on ne sait quoi, ce fiel qui naît de la frustration, du souvenir irritant, cette névrose, cette colère que l’on extériorise parce que l’intérieur est tout détruit, ou n’est rien tout simplement. Car voir chez l’autre (parce que celui qui ne partage pas votre identité est autre, par définition) un danger, cela équivaut à ériger les barreaux de sa propre cage. Or, puisque l’identité n’est pas statique, et qu’elle ne se définit qu’en tant que le moi se transforme continuellement, nous conviendrons que l’enfermement de celle-ci conduit à sa perte. Coincé dans une bulle, on manque rapidement d’air…

Ainsi est la « génération identitaire », et je n’invente rien, c’est tout écrit ! Lycéen, Etudiant, jeune travailleur, toi qui regardes cet article en te demandant quel genre de demeuré a bien pu le rédiger, tu es convié à te rendre dès à présent sur le site internet de ce mouvement, et si tu habites en région Rhône-Alpes, peut-être auras-tu la chance d’assister à ces grands rassemblements qui auront lieu d’ici peu ; alors admire le spectacle, et la foule, et regarde ces jeunes gens, déjà tellement ridés ! Et si c’était ça « l’identité » ?