Les propos sur la nationalisation de Florange remettent aussi au cœur de l’actualité l’importance de certains principes essentiels de notre modèle économique.

 Comme pour la composition de l’équipe nationale de football, les débats, qui ont entouré ces dernières semaines, l’avenir de la  sidérurgie lorraine ont vu l’apparition de 60 millions d’économistes en herbe. Nous avons tous alors défini une stratégie.  La nationalisation, la contrainte d’Arcelor Mittal, le recherche d’un repreneur sérieux et investi….Mais contrairement à ce que l’on pourrait croire, le libéralisme économique, qui régit nos sociétés occidentales, obéit à des règles, auxquelles nul ne peut se soustraire. A ce titre, le ouf de soulagement peut alors être poussé lorsque l’on sait que l’on est passé à côté de la nationalisation.

 
 Car le monde dans lequel on vit accorde des droits et des devoirs aux entreprises. Ces dernières se conforment aux dispositions légales (je vous l’accorde, les grands groupes profitent de ces dispositions et tirent profit de la moindre faille) mais disposent en retour d’un droit de propriété sur leurs biens. Une nationalisation aurait eu une conséquence catastrophique, puisqu’elle aurait produit un cataclysme auprès de ces groupes industriels. Une nationalisation n’est rien d’autre que l’appropriation (par l’Etat) de ce qui ne lui appartient pas (en l’occurrence les hauts fourneaux). On aurait alors vu des entreprises craindre de se voir appliquer cette spoliation.

Plutôt que cette voie, le gouvernement a donc préféré faire confiance à Arcelor Mittal et ainsi garantir le maintien des emplois. On peut bien évidemment craindre, que la société ne respecte pas ses engagements, mais dans ce cas-là, on ne négocie plus rien. Souvenez en 2003, lorsque le gouvernement a décidé de nous imposer (il n’y avait alors aucune concertation) une journée de solidarité pour venir en aide aux personnes âgées, on pouvait aussi tout aussi légitimement douter que les fonds recueillis à cette occasion soient exclusivement dédiés aux personnes âgées. Le contrat a-t-il été rempli ? Chacun y apportera sa réponse.

Ce qui est essentiel, dans un cas comme dans l’autre, c’est que la négociation débouche sur un accord précis, et dans quelques semaines ou dans quelques mois, il sera temps d’ en tirer les conséquences. Mais revenons un instant sur cette nationalisation annoncée…

 

Non seulement, elle  aurait eu une conséquence désastreuse sur l’image de notre pays (vis – à – vis des multinationales) mais elle aurait entraîné l’Etat dans une voie, qui ne lui est pas spécifiquement favorable. Pourquoi nationaliser Florange (et donc sauver les emplois) si on ne nationalise pas toutes les autres entreprises en difficulté ? L’Etat ne peut être à la fois juge et partie. L’acier  serait alors, à en croire certains, un enjeu essentiel de notre développement. Permettez-moi d’en douter très fortement ? L’acier et la sidérurgie a permis à des familles françaises de construite de véritables empires. Mais il suffit d’observer attentivement où ces empires se sont réfugiés dans le placement de capitaux, pour comprendre qu’eux – mêmes ne croient plus en cette prépondérance.

 

Bien évidemment, le sort des salariés du site de Florange n’est pas anecdotique et doit être considéré avec le plus grand sérieux.  Mais la fin ne justifie aucunement tous les moyens. Préserver l’emploi coûte que coûte, quitte à créer des filières subventionnées, n’est pas une solution pérenne. Dans quelques années, on s’effraiera d’apprendre que tel emploi dans tel secteur coûte x milliers d’euros aux pouvoirs publics. Il y a quelques décennies, pour s’acheter une paix sociale précaire, l’Europe a investi massivement dans sa politique agricole commune (P.A.C.) et aujourd’hui la remise en question de ces fondements irrite (à juste titre) les agriculteurs. Car, qu’on le veuille ou non, on ne paie plus les produits agricoles à leur juste valeur, et on a pris l’habitude de bénéficier de ces subventions et de ces aides. Si demain, les agriculteurs devaient vendre leurs produits au prix du marché, l’inflation ferait un bond incroyable….et pourtant, ne serons – nous pas, dans un avenir plus ou moins éloigné, contraint de revenir à un marché équilibré ?

 

La nationalisation n’est pas une solution, tout comme le libéralisme sauvage n’apporte aucun élément de réponse. Je ne prétends pas disposer d’une réponse. Mais peut-être une nouvelle époque s’ouvre-t-elle ?