Le magazine Internaute(s) Micro, bimestriel informatique, a interrogé les quatre principaux candidats à l'élection présidentielle. Un dossier «Spécial 2007» qui s'est exclusivement intéressé aux débats et enjeux liés à la dynamique Internet et Nouvelles technologies, une thématique souvent absente, étrangement, de leurs programmes.
François Bayrou, Jean-Marie Le Pen, Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy y développent leurs réflexions et prises de position sur les grandes questions qui font aujourd'hui débat.
INTERNAUTE(S) MICRO EST EN KIOSQUE CE SAMEDI 3 MARS
Retrouvez l'intégralité des interviews dans ce numéros 4, daté Mars / Avril 2007
Ils ont tous fait de l'œil aux blogueurs, ont prononcé leux vœux sur la Toile ou lancé des campagnes de e-mailing sans précédent. Leurs partisans ont alimenté le Web de vidéos militantes ou dénonciatrices et tous les candidats ont clamé à qui voulait l'entendre qu'Internet était un merveilleux outil de débat et d'information citoyenne. Très bien.
Mais quid de leurs idées et propositions ? Étrangement, la thématique «Internet et nouvelles technologies» fait partie des grands absents de leurs programmes. À peine quelques lignes, tout au plus.
Les quatre principaux candidats à la magistrature suprême ont accepté de répondre aux questions de Internaute(s) Micro, le premier magazine Internet français. Nouvelle économie, cybercriminalité, peer-to-peer, liberté d'expression : jugez sur pièces leurs réflexions et les mesures qu'ils souhaitent engager en cas d'élection.
LES POSITIONS ET PROJETS DES CANDIDATS
Présentation et confrontation des interviews réalisées par Internaute(s) Micro sous forme d'extraits. Texte pouvant être repris en partie ou en intégralité, en mentionnant la source de ces informations et en indiquant que ces citations sont extraites d'interviews réalisées par et pour Internaute(s) Micro.
4 DADVSI et Peer-to-peer
Très attendus sur ce sujet par les internautes, les candidats ont notamment précisé leur position quant à la très polémique loi DADVSI. On se rappelle que ce texte, très décrié, insiste sur la répression des utilisateurs de réseaux «peer-to-peer», dédiés à l'échange illégal de fichiers. Neuf millions de Français seraient concernés !
Ségolène Royal, qui avait fustigé le texte en mai 2006, s'était depuis montrée beaucoup plus discrète sur la question. Influencée par Jack Lang, on a cru, un temps, qu'elle renoncerait finalement à abroger la loi comme elle s'y était engagée. Dans Internaute(s) Micro, elle clarifie enfin sa position : «Nous devons reprendre ce dossier avec les acteurs du secteur (…). Nous devrons assurer les droits d'auteurs et la rémunération des usages qui ne peuvent être interdits : redevance pour copie privée et licence globale pour les téléchargements.»
La licence globale, cette taxe forfaitaire censée légaliser le téléchargement gratuit d'œuvres sous copyrights et rémunérer les artistes-interprètes, Jean-Marie Le Pen estime même qu'elle devrait être «de l'ordre de 5 euros» et «payée exclusivement par les internautes qui téléchargent beaucoup».
Une hérésie selon Nicolas Sarkozy qui affirme qu'un tel dispositif aurait «gelé et asséché» le secteur des offres légales en lignes. Si sa position sur la question «n'a pas changé», il indique que «le dossier n'est pas clos pour autant, le bilan prévu pour fin 2007 sera bien réalisé, de la façon la plus ouverte possible». La question de l'interopérabilité est pour lui une «priorité stratégique industrielle européenne».
La surprise vient en fait de François Bayrou, le héraut de la lutte anti DADVSI au premier semestre 2006. Il avait notamment séduit les internautes par ces argumentaires précis et ses contre-propositions équilibrées. Son opposition au gouvernement avait été frontale, un «début de campagne» diront certains. Aujourd'hui, le ton est plus nuancé. Il confirme que «la loi DADVSI n'a rien réglé, et qu'il faudra bien sûr la corriger et l'améliorer» mais prend aussi ses distances avec le téléchargement massif et gratuit d'œuvres protégées. «Mon intuition», explique-t-il, «c'est que deux secteurs vont vivre en même temps : celui des droits protégés, sous forme d'achats en ligne, moins chers qu'aujourd'hui, et un secteur dédié au partage gratuit, comprenant les œuvres libres de droits et celles que leurs créateurs auront mises à disposition.» Et entre ces deux options ?
4 Fracture numérique
Autre sujet abordé par Internaute(s) Micro, la fameuse «fracture numérique». Jean-Marie Le Pen, très ambitieux, affirme sans rire qu'il souhaite «fixer comme grand objectif national que 80 % des Français accèdent à l'Internet par fibre optique, les autres ayant l'ADSL». Un triple quinquennat en perspective pour honorer cette promesse ?!
François Bayrou, lui, préfère évoquer un dispositif original : «les offres Internet haut débit par carte Internet prépayée». Il rappelle qu'une partie de la population, paupérisée ou nomade (comme «les gens du voyage») pourrait ainsi voir leur accès à l'Internet facilité.
Ségolène Royal, tentant d'expliquer comment elle compte garantir «L'accès universel à l'Internet Haut débit», comme le prévoit le programme du Parti Socialiste, reste finalement assez floue sur la stratégie et les moyens à mettre en œuvre.
Nicolas Sarkozy, lui, estime que la fracture numérique n'est pas qu'une question d'accès mais aussi de «pratique». Il souhaite «renforcer considérablement l'usage d'Internet dans l'éducation ; mais aussi créer un véritable réseau de formation de proximité».
4 Cybercriminalité, contrôle et libertés
La première attaque directe vient de Ségolène Royal qui «entend revenir sur les dispositions des lois Sarkozy votées depuis 2002» qui «ont fortement déséquilibré notre système de protection des données personnelles.» Elle défend «les principes de protection des libertés démocratiques auxquels nous sommes attachés : l'interopérabilité, l'ouverture et la préservation et la neutralité d'Internet». Quant à la lutte contre la cybercriminalité, elle affirme vouloir «revaloriser les fonctions techniques par la formation des policiers et en leur adjoignant des porteurs de compétences techniques».
Nicolas Sarkozy évoque lui, la création de «cyberpatrouilles» pour enquêter sur les délits, «les moyens existent mais leur organisation actuelle souffre de dispersion et de manque de coordination». Au-delà de ces moyens, il estime que «la première ligne de défense, c'est l'utilisateur». Un utilisateur qui a des droits et des devoirs : le candidat de droite prend finalement ses distances face à la culture «libérale» du Net, estimant que la «régulation ne s'oppose pas à la liberté, elle la permet».
Une position assez proche de celle de Jean-Marie Le Pen, pour qui «il ne faut pas opposer la sécurité à la liberté : la première des libertés, c'est la sécurité !». Il en profite pour s'attaquer aux autres candidats : «Ceux qui sont incapables de combattre la délinquance dans notre vie concrète le sont évidemment aussi dans le monde virtuel». Le président du Front National veut aussi faire «confiance à la liberté et au discernement des Français» et s'oppose «à toute entrave à la liberté d'expression», évoquant notamment le développement de la blogosphère.
François Bayrou préfère, lui, s'appuyer sur des exemples concrets, invoquant la nécessaire adaptation des réglementations existantes sur «la concurrence (problème de la vente liée), sur l'activité commerciale (question posée par la vente sur eBay), sur les monopoles et les achats publics (libre concurrence entre logiciels et systèmes d'exploitation), etc.» Prenant de la hauteur et évoquant le dossier «cybercriminalité», il estime que «les États européens, avec leurs frontières, leur droit pénal toujours différent de celui du voisin, leur police séparée», c'est «un boulevard pour la cybercriminalité» ; «Seule l'échelle européenne permettra de résoudre ces questions.»
4 Economie
Les jeunes entrepreneurs français ne manquent pas de talents (Netvibes, DailyMotion, Bounty, Wikio, etc.) mais toutes les grandes réussites Internet mondiales sont étrangères… ou financées à l'étranger. Une fatalité ?
Dans Internaute(s) Micro, François Bayrou relève fort justement que le problème, ce n'est pas tant que ces talents partent à l'étranger, «la recherche, l'innovation se jouent à l'échelle du monde», mais que «beaucoup entreprennent là-bas et ne reviennent pas chez nous, ce qui est un drame national». Il estime que la France ne permet pas assez à une «jeune pousse» de passer au stade d'«entreprise moyenne, capable de travailler avec et pour le monde entier».
Nicolas Sarkozy, partant du même diagnostic, pense que c'est le financement privé de ces jeunes structures qui n'est pas adapté, appelant à favoriser, notamment fiscalement, les «business angels» qui sont les plus à mêmes de soutenir une start-up.
Une vision plus étatique est défendue par Ségolène Royal, qui veut soutenir directement les PME, contrairement, selon elle, à la Droite, qui aurait davantage financé «la R&D des grands groupes», «alors que l'innovation est, dans ce domaine plus qu'ailleurs, souvent le fait de petites structures au développement très rapide.»
Face à «la domination des États-Unis sur Internet», Jean-Marie Le Pen veut «créer les conditions de l'émergence de champions nationaux et mondiaux !». Pour le candidat du Front National, ce sont les charges et la réglementation qui écrasent les créateurs d'entreprise. Il affirme qu' «il faut libérer notre économie, baisser les impôts et relancer notre économie».
4 Clins d'oeil
Internaute(s) Micro a demandé aux quatre candidats de citer trois sites qu'ils aiment à consulter régulièrement et qu'ils pourraient conseiller à ses lecteurs. Ségolène Royal ne semble n'avoir qu'une obsession en ce moment, ce que les Français ont à lui dire !, puisqu'elle ne mentionne qu'un seul site, www.desirsdavenir.org, sa propre plateforme de campagne. Jean-Marie Le Pen, lui aussi, fait de l'autopromo en citant www.lepen2007.fr et www.frontnational.com mais parle aussi du site de l'INA (www.ina.fr) pour «rechercher des vidéos intéressantes».
Heureusement, François Bayrou est un peu plus prolixe, évoquant Wikipedia, «la plus grande encyclopédie que le monde ait jamais connu» et www.manicore.com, le site de Jean-Marc Jancovici, «l'un de nos grands spécialistes du réchauffement climatique». Grand amateur de chevaux, le président de l'UDF avoue enfin visiter www.france-galop.com, «quand il me reste quelques minutes».
Nicolas Sarkozy, lui, fait l'impasse et n'a pu communiquer aucune adresse à Internaute(s) Micro.
PRÉSENTATION DE INTERNAUTE(S) MICRO :
Internaute(s) Micro est un généraliste informatique grand public. Ce titre haut de gamme s'adresse à un lectorat pour qui Internet et usage informatique sont indissociables. Il s'appuie sur une ligne éditoriale qui, sans oublier la technique, réserve donc une large place à l’usage : conso, multimédia, information et citoyenneté, loisirs, rencontres, humour, communautés…
Internaute(s) Micro est une publication du groupe ID Presse.
Internaute(s) Micro
Format : 16,2 x 21,8 cm ; 148 pages ; Dos carré collé.
Prix : 2,90 euros.
Diffusion nationale, 75 000 exemplaires.
Périodicité : bimestrielle.
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