C'est un des nombreux pavés lancés dans la mare de notre quotidien, une énième réforme inutile et décalée de nos vrais problèmes. La suppression possible de la publicité sur les chaînes publiques n'en pose pas moins de vraies questions.
 
On saluera la pertinence politique de notre Président d'utiliser un argument jadis porté par la gauche pour justifier aujourd'hui son action. Je m'interroge juste si cette habileté politique suffit pour gouverner un pays.

On peut aussi reconnaître que l'annonce tombe bien notamment pour TF1 don
t les résultats ne sont plus en phase avec ses ambitions et qui voit là une perspective quasi monopolistique de capter de nouveaux budgets publicitaires. Pas tous si l'on veut bien considérer que France Télévision représente un budget de l'ordre d'un milliard d'euros par an.

C'est dire que les chaînes privées se verraient offrir de tout autre moyen, se dont se félicitent les groupes financiers qui les dirigent : Bertelsmann (M6 et W9); Bolloré (Direct 8) ; Bouygues(TF1, TMC, NT1) ; Lagardère (Europe 2 TV et Gulli) ; Vivendi (Canal+ et I Télé)… des noms bien familliers !

Certains se veulent résolument optimistes comme Jacques Chancel "La suppression de la publicité dans le service public représente à la fois une chance historique et un danger" tout en avançant l'idée que radios et presse pourraient profiter de l'aubaine financière. Il faut se souvenir que c'est en 1971 que la publicité apparait sur la deuxième chaîne pour ne plus la quitter. Depuis elle gagnait peu à peu du terrain au nom des nécessaires moyens à l'expression et au développement de la qualité. Et pour être en mesure de concurrencer les nouvelles chaînes.
Bernard Pivot, autre figure emblématique télévisuelle, ne cachait pas son enthousiasme "Lorsque j’ai entendu Nicolas Sarkozy annoncer la suppression de la publicité sur les chaînes publiques, j’ai crié “Bravo! Enfin, me suis-je dit, la télévision va permettre à ceux qui en ont le goût et le désir d’avoir accès à des programmes culturels », avant de se raviser (!) « Je me suis vite ravisé. N’est-ce pas trop tard ? N’est-ce pas trop complexe ? En plus, je me demande ce que signifie une télévision sans pub pour les jeunes générations."
Les producteurs s'interrogent sur les modes de financement, les politiques craignent l'annonce de taxes nouvelles, les directeurs de chaines publiques s'inquiètent de privatisations à venir…
Des critiques que balaye José Freches, conseiller spécial du Président sur la question. Cet ancien du Midi Libre et du Cabinet de Jacques Chirac veut restructurer face à la TNT et internet en finançant le secteur public par une ponction des recettes publicitaires des chaines privées et des bénéfices des opérateurs de téléphonie mobile. Une ponction "indolore" d'après l'auteur à même d'orienter notre télé vers le modèle anglo-saxon, la reine de toutes, la BBC.
Je vous invite à tenter de regarder ces chaînes publiques anglaises pour mieux vous rendre compte de ce qui nous attend (un exemple de programme : http://www.eurotv.com/2abbc1.htm). Disons le tout net c'est inregardable les 3/4 du temps entre séries à rallonge et émissions sur la nature. Par contre les journaux télévisés sont incroyablement professionnels et indépendants. Professionnels et indépendants comme jamais le pouvoir politique français de droite ou de gauche ne l'accepterait… alors pourquoi vouloir réformer ? car l'essence de ce qui fait la qualité de la BBC, nos politiques n'en veulent surtout pas…Cependant ne nous leurrons pas, "On ne fera pas l'économie d'une augmentation de la redevance". Quelle nouvelle ! quelle rupture !
Qu'importe l'ami Frèches est lancé : "Il faut que France 2 innove. Qu'elle contribue à l'émergence d'une nouvelle génération d'animateurs et de producteurs". On pense bien entendu à Jean-Luc Delarue, Guillaume Durand, Mireille Dumas, Eve Ruggieri, Laurent Ruquier, Nagui et… Michel Drucker qui doivent en faire partie ? ou doivent partir ?
Plus lyrique il ajoute "Qu'elle fasse la part belle à l'innovation, à la création, à l'investigation journalistique et aux nouveaux formats d'émission". Une télévision du troisième type quoi, qui n'existe pas trop. Alléchant. Mais ne vous emballez pas car on revient vite sur terre avec cet aveu étonnant : "Pour ma part j'ai toujours regretté que France 2 se soit refusée à faire de la télé-réalité et tourne le dos à des programme comme la Star Academy qui n'ont rien d'infamant".
Innovation, création et télé-réalité, quel curieux cocktail…
De la bouche d'un ancien candidat malheureux à la présidence de France Télévision tout cela sonne bien faux et ressemble plus à un règlement de comptes qu'à une ambitieuse et positive évolution.
D'ailleurs il confirme "Si j'estime que la nouvelle configuration de l'audivisuel public, telle qu'elle découlera de la loi, est conforme à mes convictions, je n'exclus pas, en effet, d'être candidat à la direction de l'ensemble". Outre la modestie du propos, on retiendra que tout ce bruit est finalement surtout destiné à se construire un avenir doré. Qui fait des envieux puisque Jean-Marie Cavada s'y verrait bien jouer le premier rôle. On comprend dès lors mieux son départ avec fracas du Modem pour rallier l'UMP avec de telles perspectives : le voilà grand organisateur d'une conférence nationale de l'audiovisuel, sorte de Grenelle de la téloche si vous voulez…
Faut il s'en inquiéter ?
pas forcément, Groucho Marx développait une théorie à sûrement remettre au goût du jour :

"Je trouve que la télévision est très favorable à la culture. Chaque fois que quelqu'un l'allume chez moi, je vais dans la pièce à côté et je lis".