"Je me demande s'il ne faut pas accepter de mettre sur la table la question de la suppression de la durée légale du travail", a déclaré Laurence Parisot, Présidente du MEDEF. Une phrase qui sonne comme une déclaration de guerre !

Le patronat fait ainsi une nouvelle surenchère vers toujours plus de déconstruction sociale. L'échec du CNE, mis hors-circuit par l'Organisation internationale du travail, ne l'a pas découragé.

Dans ses tuyaux, le projet de "séparation à l'amiable" entre salarié et employeur, conçu pour faciliter le licenciement, et à présent donc la suppression de la durée légale du travail : plutôt qu'augmenter les salaires, rallongeons les journées, les semaines, les années… Voici venir la contre-réforme dans toute sa splendeur, qui compte comme enthousiaste soutien et promoteur l'homme du "travailler plus".

"C'est vrai qu'il y a un problème de pouvoir d'achat (…), c'est un ressenti totalement objectif", compatit cette brave Laurence Parisot, patronne du MEDEF si concernée par le sort des malheureux pauvres. Va-t-elle alors préconiser qu'on augmente leur salaire?

Vous plaisantez : les entreprises déjà tellement exsangues, persécutées par les taxes bolchéviques, ne pourraient continuer à distribuer des fortunes à leurs actionnaires et dirigeants survivre si le coût de la main d'oeuvre augmentait !

Vous savez combien gagne un Chinois ? Alors la solution envisagée par la pasionaria du grand patronat, comme toujours, est de nous faire avaler une nouvelle copieuse lampée de potion ultralibérale, en s'appuyant sur cette affirmation hautement idéologique : "La vraie question n'est pas comment je contribue à ce qu'il y ait plus de pouvoir d'achat, mais comment je contribue à ce qu'il y ait plus de croissance". Ce que notre camarade Charançon libéré traduit ainsi : "l'important n'est pas que les salariés soient mieux payés, mais que les chiffres d'affaire des entreprises continuent à grimper".

Toujours la même conception paternaliste du patronat de droit divin de qui attendre tous les bienfaits : ce qui est bon pour l'entreprise est bon pour tout le monde ! Sauf que, dans le monde réel, ladite entreprise ne redistribue, au mieux, que des miettes. Ca n'empêche pas la Parisot de réclamer qu'on fasse confiance à nos bons maîtres. Ils savent ce qui est bien pour nous. Par exemple, imposer une durée maximale d'heures de travail, quelle insupportable pesanteur !

Pour que la sainte entreprise puisse exiger que ses salariés triment toujours davantage, la patronne des patrons a sa petite idée : "Je me demande s'il ne faut pas accepter de mettre sur la table la question de la suppression de la durée légale du travail". Eh ben voilà !

On connaissait l'escroquerie intellectuelle de la "séparabilité", vertigineux concept parisotien, qui file la métaphore du divorce pour faire mine de considérer salarié et employeur comme deux partenaires égaux – pure fiction, naturellement. En l'occurrence, leur permettre de se quitter plus facilement autoriserait simplement le second à licencier l'autre sans contrainte.

Pour le bien de l'entreprise, la main d'oeuvre n'est qu'une variable d'ajustement. Sur ce dossier, le MEDEF tient le bon bout : venu en personne sceller l'alliance entre le pouvoir et le patronat au congrès de son organisation syndicale, à Jouy-en-Josas fin août (lire à ce sujet Sarko à Jouy : les patrons aussi), le Président Sarkozy a repris à son compte la proposition, prière de ne pas rire, de "séparation à l'amiable" entre salarié et employeur.

 Les tenants de la déconstruction sociale ont par contre enregistré un sérieux recul avec la mise à mort définitive du CNE, contrat qu'ils paraient de toutes les qualités : fin janvier, Parisot le jugeait comme "un succès" prouvant la nécessité de faire sauter "le carcan" actuel. Comprendre les intolérables lois qui se mêlent de protéger les salariés d'être jetés à la rue du jour au lendemain sans motif. Et devinez qui se trouvait pleinement en accord avec elle ?

Le candidat UMP, qui déclarait : "Le CNE est un progrès, il ne faut pas y toucher". Pire : il souhaitait la mise en place "d'un contrat unique, inspiré du CNE". Mais patatras : la Cour d'appel de Paris, en juillet, confirmait la décision des prud'hommes de Longjumeaux jugeant le CNE contraire au droit international, l'expliquant en des termes on ne peut plus clairs : "durant une période de deux années, le CNE prive le salarié de l'essentiel de ses droits en matière de licenciement", dans la mesure où c'est à lui qu'il revient de prouver l'abus de la rupture du contrat de travail. "Cette régression, qui va à l'encontre des principes fondamentaux du droit du travail dégagés par la jurisprudence et reconnus par la loi, prive les salariés des garanties d'exercice de leur droit au travail".

Le coup de grâce a été asséné le 14 novembre dernier par l'Organisation internationale du travail elle-même, qui s'est affirmée "dans l’incapacité de conclure (…) qu’une durée aussi longue que deux ans soit raisonnable", ajoutant qu’un contrat de travail ne pouvait être rompu "en l’absence d’un motif valable", selon la convention nº 158 de l’OIT, signée et ratifiée par la France. Exit donc le CNE. Mais le MEDEF ne désarme pas pour autant, pensez-vous, et persiste à réclamer un rallongement de la période d'essai (on parle désormais de 6 mois pour tout le monde et d'un an pour les cadres).

On ne peut certes pas lui reprocher son inconstance ! Gageons dès lors qu'on entendra bientôt reparler du terrible "carcan" de la durée légale du travail. Au nom de la modernité et de la flexibilité, rognons méthodiquement les acquis sociaux, précarisons à loisir les salariés – ils ont déjà de la chance d'avoir un travail, n'est-ce pas ? -, tandis que denis_kessler les entreprises accumulent des profits toujours plus gigantesques. Voilà le projet de Laurence Parisot et ses sbires.

Denis Kessler, grand ponte de l'organisation patronale, n'a-t-il pas écrit début octobre, dans le magazine Challenges : "La liste des réformes ? C’est simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952, sans exception. Elle est là. Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance !" On ne saurait être plus explicite.

Le patronat obtiendra-t-il ce démantèlement total de la protection sociale française ? L'on peut trembler, quand on sait à quel point l'Omniprésident épouse ses thèses. Il va falloir lutter pied à pied.