(à la manière de JM…)

Mal nommer les choses, c’est ajouter aux malheurs du monde.

Les humoristes sont dans l’air du temps : après le duo d’hier (Pierre Morel et François Desproges ?), voici que s’avance ce jour un autre tandem inattendu.

 

 

Dans la cohorte des humoristes contemporains, il est un couple pour lequel j’avoue une certaine tendresse : les Chevaliers du Fiel. Il est vrai qu’à force de « faire pêter le petit jaune », sans doute, ils n’en manquent pas, de fiel, et nous l’exposent d’une manière qui nous convainc qu’il s’agit d’une matière hautement corrosive. Leurs parodies des employés municipaux sont plus vraies que nature (je réalise soudain que par cette simple phrase, me voici en passe de me faire d’innombrables et indéfectibles amis parmi cette sympathique confrérie…)

 

Les encore plus chenus qu’hier, parmi les lecteurs de C4N, se souviendront, éventuellement, du début de la décennie 60, à l’époque où LA chaîne de télévision diffusait (le samedi après-midi, si j’ai bonne mémoire) les sketches de Fernand Raynaud en point d’orgue d’une émission de Jean Nohain. Parmi ceux-ci, m’en revient plus spécialement un à l’esprit, que ma mémoire aurait intitulé « Y’a un motard qui nous suit ! » (prononcé « moteur » par l’aïeule), si le pic-de-la-mirandolien Internet ne m’avait impitoyablement démenti -foin de la plus élémentaire délicatesse-, au prétexte avéré qu’il s’agissait en fait de « la Prévention routière » (« Fous-moi la paix, mémé ; des moteurs, y’a en cinq cent mille derrière,cent mille devant ! »).

 

Le miracle qu’accomplit notre XXIème siècle, c’est de permettre la rencontre et l’’interfécondation de leurs univers. Les deux sketches, improbable union, s’épousent et se fondent : de nos jours, là où « exercent » des employés municipaux, il y a forcément, nécessairement, un moteur qui nous suit ; et plus probablement une cohorte, ces bêtes-là (je veux parler des engins motorisés) évoluant rarement en solitaires.

 

Adieu pelles,pioches, râteaux, balais, vestiges anachroniques d’une époque à jamais révolue ;c’est à se demander comment notre civilisation a pu atteindre le niveau de développement que nous lui connaissons, alors que pendant tant d’années seule l’huile de coude lui a tenu lieu de carburant…

 

Vienne l’automne, et la soufflette distribue à l’envi (et alentour), un incertain cocktail de feuilles mortes, de décibels et les volutes de fumée et de poussière mêlée qu’elle soulève avant de la laisser délicatement se déposer plus loin. Allergiques aux pollens, passez votre chemin !

Vienne l’hiver, dont on s’étonne désormais des chutes de neige qui l’accompagnent. Et voici les soufflettes de ressortir, vains instruments mécanisés dont le passage n’aura pas même laissé sa trace dans la couche demeurée intacte ou à peu près.

 

Aucune trace dans le moyen et long terme, car sur l’instant, ce passage ne manque pas de se matérialiser à grand renfort de décibels, dans une autre symphonie des joués, pour tondeuses, tronçonneuses, balayeuses et autres débroussailleuses, celle-là.

Quelle que soit la saison, une seule chose est absolument certaine : l’heure choisie sera celle où l’engin pétaradant causera une nuisance maximum ; un peu comme si l’important était qu’il soit bien attesté de l’héroïque travail accompli par ces chevaliers sans peur et sans reproche « modernes ». Remarquez bien qu’il est écrit « un peu comme si… », car il ne peut s’agir bien entendu que d’une simple image, et pas le moins du monde d’une hypothèse !…

On tolèrera, je l’espère, les ratiocinations de l’anachorète impie (oxymore) qui se révèle dans ces lignes, passablement agacé de ces dérives caricaturales, au même moment où l’on nous rebat les oreilles d’écologie, d’économies d’énergie et (exécrable pléonasme) autres tris sélectifs.

Ce matin, me promenant sur les quais de La Trinité sur Mer en compagnie de l’adorable Eliott, je me suis cru victime d’hallucinations en croisant (je vous le jure, j’étais à jeun, art d’être grand-père oblige) un engin sur roues qui se déplaçait à 500 m/h (à vue de pif, car une bonne dizaine de minutes lui furent nécessaires pour parcourir une petite centaine de mètres), transportant sur son dos un employé qui semblait affairé à le piloter (enfin, « affairé », tout est relatif). Il s’agissait d’une sorte d’échelle pliante et motorisée ; pas la grande échelle des pompiers ; non, une échelle raisonnable permettant de monter, au moins, à 2,5 mètres de hauteur !

J’oubliais un « détail » : si vous observez dans son intimité l’illustration présentée supra, vous constaterez que le Robocop en charge d’accompagner l’ersatz mécanisé est dûment équipé, LUI, d’un casque antibruit. Un peu comme si le bruit (« un peu comme si… », bis) était une pollution sélectivement acharnée à sa seule personne.

Alors, je ne vois guère qu’une solution, que m’a soufflée, je l’avoue, un énarque : que tous ceux que ces agressions multi-quotidiennes insupportent se hâtent vers les bureaux de recrutement, afin de devenir acteurs protégés (et non plus auditeurs forcés) de ces spectacles de rues !

PS : à une autre occasion, je vous conterai les précautions dont s’entourent les services municipaux de voirie, pour ne pas déranger les riverains.