Woerthgate : la justice instrumentalisée ?

Éric Woerth poursuivra-t-il le Canard et le Courrier picard? Fais-toi mal, Éric, et poursuit réellement le Canard enchaîné et le Courrier picard pour leurs articles sur ton rôle dans la vente de l’hippodrome de Compiègne. Ton épouse attaquait les Bettencourt aux Prud’hommes (elle paiera ses 35 euros la prochaine fois ?), elle a d’autres plaintes supposées en cours contre des médisants, tu ne peux rester en reste.

Deux qui doivent sourire, c’est Claude Angéli (Canard enchaîné) et Didier Louis (Courrier picard). Jean-Yves Le Borgne, avocat d’Éric Woerth, considère que son client n’a pas « vendu les terrains de l’hippodrome de Compiègne pour un prix préférentiel et sous-évalué ». D’accord, mais il ne faut pas en rester là et donc poursuivre aussi les fonctionnaires, voire les ministres, qui n’avaient pas voulu d’une telle vente, plus ou moins à la sauvette, et à ce prix.

Étonnant, il a fallu que la Cour  de justice de la République fasse saisir, au ministère des Finances, des documents pour qu’ils parviennent, par voie de presse, à la connaissance de l’ancien ministre. Mais pourtant, pourtant, le ministre à la « tête d’honnête homme » aurait pu les produire aux feuilles de chou qui présumaient qu’il  aurait pu favoriser cette vente et que son montant était une bonne affaire pour l’État. Quand on a rien à se reprocher, on a rien non plus à dissimuler.

Et pourquoi ces deux seuls titres devraient-ils être poursuivis ? Parce que le Courrier picard avait, en plein Woerthgate, lancé une consultation en ligne et que ses lecteurs estimaient massivement qu’Éric Woerth aurait dû démissionner de lui-même ? Il faut attendre le Canard du daté du 3 août pour réellement saisir la justice ?

Évidemment, ce jour, Gautier Lecardonnel, du Courrier, en remet une couche en révélant les fac-similés parus dans Le Canard. Pourquoi donc avoir attendu le 13 juillet pour faire savoir qu’on allait faire « un malheur » et poursuivre le Courrier ? Dès le 6 juillet, le Courrier reprenait le Canard de la veille qui donnait déjà la teneur de ces documents administratifs. Et pourquoi s’arrêter là ? Pourquoi ne pas poursuivre Corinne Lepage, présidente de Cap 21, qui écrit « je ne savais pas que ma plainte était si justifiée quand j’ai saisi [le] procureur général de la Cour de cassation il y a un an. » ? Ce ne serait pas une dénonciation calomnieuse ? Et pourquoi pas attaquer le JDD de « frère Lagardère » qui écrivait voici peu « contrairement à ce qu’il a dit, Éric Woerth avait bien été renseigné de la véritable valeur de Compiègne » ?

Amusant aussi, le titre interrogatif de TF1 sur son site : « De nouvelles pièces contre Woerth ? ». Là, c’est clairement laisser entendre que Le Canard aurait falsifié des pièces administratives. Cela va chercher loin, une telle supputation. Ah, non, ces pièces ne seraient pas si nouvelles, c’est ce qu’il faut sans doute comprendre. Dans ce cas, pourquoi l’Élysée et Nicolas Sarkozy ont-ils attendus un remaniement pour remercier le ministre Woerth, et non pas en plein Woerthgate ? Trop Tro(gno)n…

Il faudrait songer aussi à poursuivre l’Agefi. Elle suggère à Valérie Pécresse de nommer Woerth à la tête d’une mission d’appui aux Grecs pour lutter contre l’évasion fiscale. Mais les méthodes « du politicien français » agréeraient-elles la Grèce, ces méthodes qui ont conduit « à une amnistie qui ne voulait pas dire son nom » ainsi qu’à faire estimer illégale cette tac-tac-tique du fisc par la justice française ?

« Si j’avais à refaire ce que j’ai fait sur Compiègne, je le referais immédiatement aujourd’hui, » avait déclaré Woerth. Mais faites donc, faites donc, de suite. Le Canard conclut : « Si Woerth nous fait vraiment le cadeau d’un procès, Le Canard se fera une joie de citer à la barre ces trois haut fonctionnaires. ».

Arrêt sur images titrait déjà, aux lendemains du remaniement de novembre 2010 : « Woerth/hippodrome : délit de favoritisme ». Sans point d’interrogation, sans conditionnel. De Maître Leborgne à l’époque : « Il n’y a rien dans ce dossier de Compiègne concernant Monsieur Woerth. Il y aura peut-être une enquête mais, entre une enquête et une inquiétude, il y a une différence… ». Oh, ne soyons plus inquiets. Non seulement l’enquête ne suscite plus aucune inquiétude, mais pour hâter les choses, un référé devrait, d’un instant à l’autre, permettre à Woerth de s’expliquer en traînant Le Canard et le Courrier picard devant les tribunaux.

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !

2 réflexions sur « Woerthgate : la justice instrumentalisée ? »

  1. Mediapart semble avoir abandonné son feuilleton de l’été 2010 au profit de révélations sur les relations de la Sarkozie avec Ziad Takieddine, mais le succès n’est pas au rendez-vous…

    Libé vient de sortir un compte rendu synthétique de l’ensemble de ces mises au jour :

    [url]http://www.liberation.fr/monde/01012352302-takieddine-chronologie-d-une-liaison-dangereuse-avec-la-sarkozie[/url]

    Egalement intéressant, cet article d’un média que d’aucuns diront « nauséabond », quoiqu’il ne soit pas moins pertinent que les précédents sur ce sujet :

    [url]http://www.medialibre.eu/france/sarkozy-bientoteclabousse-par-laffaire-karachi-par-jerome-bourbon/8220[/url]

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