Bien sûr, un titre est toujours réducteur. Quand vous lisez dans Le Monde « Éric Woerth n’a pas bradé de terrain dans la forêt de Compiègne »,  vous comprenez, à la lecture de l’article, que l’épithète « éhontément » n’est pas rentré dans la justification du titre, on a simplifié, comme les enquêtes du Courrier Picard et surtout du Canard enchaîné (« Les démentis très cavaliers d’Éric Woerth ») le laissent penser. Là, c’est de la carrière de Florence Woerth qu’il s’agit, non de sa personne. Petit décryptage de titres de la presse déchaînée…



Quand Le Figaro titre « Florence Woerth évoque ses conditions d’embauche », comprenez qu’elle les évoque de manière détaillée, ne laissant rien dans l’ombre. Mais comme le titre s’étale déjà sur deux colonnes, il faut se reporter à l’article pour le comprendre. Elle a quitté la Compagnie 1818, filiale du groupe Banques Populaires – Caisse d’épargne, parce que, ayant contacté Patrice de Maistre dans le cadre de ses fonctions, celui-ci s’est ensuite souvenu « inopinément » d’elle. Sur la relation entre de Maistre et Éric Woerth, elle n’a rien su jusqu’à ce que son contrat chez Clymène soit signé. De même qu’on ne saura pas pourquoi elle quitte une banque, et tous les avantages que lui apporte son ancienneté, la possibilité d’obtenir des prêts à taux réduits, &c., pour se lancer dans le privé, qu’on ne sait si l’offre était ou non si alléchante, on ne comprend pas pourquoi Éric Woerth se serait tout à coup préoccupé de la carrière de sa femme. Me Antoine Beauquier, qui a porté plainte le 24 juin dernier pour le compte de sa cliente victime d’allégations mensongères, l’affirme : « jamais Monsieur Woerth ne s’est occupé de la carrière de sa femme. ».  Mais il ne faut pas en conclure, comme je l’avais fait hâtivement, que la carrière de Florence Woerth ait été, comme celle de la marionnette de Richard Virenque, coureur cycliste qu’elle n’a jamais rencontré sur le Tour de France qu’elle affectionne pourtant, « dopée à l’insu de son plein gré ». C’est l’équipe de modération du site du Fig’ qui m’en informe. Après trente ans de journalisme, de procès évités – non pas pour avoir été timoré, mais au fait de ce qui constitue la diffamation, les injures publiques, l’incitation à rompre la paix civile – j’en apprends encore et que l’équipe des « modos » du Fig’ en soit ici chaleureusement remerciée.

 

De toute façon, dans les milieux que fréquente, dans le cadre de son travail ou de sa vie privée (fondatrice d’une écurie de courses, Diam’s), Florence Woerth, pas plus que son mari ou d’autres, ne se départit guère d’un quant à soi de bon aloi. Tout juste, aux caisses de Lidl ou d’Ed l’épicier, si l’on s’y est parfois croisés, se salue-t-on d’une légère inclinaison du chef. Tenez, prenez par exemple Antoine Gilibert, de la Société des courses de Compiègne et gérant du gîte d’étape La Cavalerie (appelée aussi Villa Mauresque) au Cap Nègre, avec l’aide d’un « lointain » parent, son fils, Alban. S’il venait à croiser Mesdames Bruni-Tedeschi ou Bruni-Sarközy, il ne s’adresserait à Éric Woerth, maire de Chantilly, qu’il dit ne pas connaître, que si on le lui avait auparavant présenté. Si, venus retrousser leurs manches à la déchetterie pour vider un débarras, ces dames et Antoine Gilibert venaient à parler de tuyaux, il s’agirait d’assainissement (on ne dit pas « égouts ») et non pas de tuyaux hippiques ou de bonnes affaires comme la revente d’un golfe. Nous ne sommes pas chez « ces gens-là » que chantait Jacques Brel, il faut bien 29 ans de gestion de fortunes privées pour qu’un de Maistre et une Florence Woerth se connaissent. Jamais, par exemple, n’organise-t-on des rencontres entre banquiers et gérants, par exemple dans le cadre d’une soirée récréative dont les participants sont dotés gracieusement de jetons permettant d’acquérir de grands crus au terme d’une parodie de vente aux enchères, c’est bon pour les petits séminaires des petits hôtels proches de Chantilly dont les participants sont dotés de jetons de casino, mais ce n’est pas un casino, bien sûr, les jetons sont offerts, on joue « pour rire » et les mises sont converties en canevas, broderies, boules de neige, bibelots en faïence, et autres produits de ventes de charité…

En fait, quand on vient à la « messe en plein air avec son gospel près de la roulotte provençale » (avec enfants de chœur rroms et gitans chers à Nicolas Sarközy pour figurants ?), on ne parle que d’élévation de l’âme à la Villa Mauresque de la plage de la Cavalerie du Cap Nègre. Tout autre type de conversation serait déplacé et l’association des Amis de la Villa Mauresque ne sauraient le tolérer.
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C’est un peu pareil pour les sondages. « Les Français épargnent Éric Woerth », titre Le Point, fort d’un sondage Ipsos. « Pointant à la 25e place du classement, il gagne tout de même 4 points par rapport au mois de juin, 31 % des Français étant favorables à son action. Toutefois, Éric Woerth, arrivé sur le devant de la scène davantage en raison de l’affaire Bettencout que de la réforme des retraites qu’il mène, gagne 14 points d’opinions défavorables, 49 % des Français désapprouvant son action, contre 35 % en juin. L’affaire n’est donc pas sans conséquence non plus. Reste que s’il perd une place (et un point) chez les sympathisants PS, passant du 30e au 31e rang de leur classement, il gagne… 18 points chez les sympathisants UMP, passant de la 15e à la 10e place, à 67 % d’opinions favorables. ». Un petit détail, des Picards, si l’on en croit une consultation en ligne du Courrier Picard, estiment à 80 % (puis 81 %) qu’Éric Woerth, ministre du Travail, devrait démissionner. Mais le titre du Courrier Picard n’est  pas « Éric Woerth doit démissionner » mais « doit-il démissionner ? », et l’article ne tire aucune conclusion de cette consultation. Surtout, ne faisons pas dire à la presse ce qu’elle ne dit pas.  Pour le moment, on attend les  résultats de la consultation  d’OpinionWay  « Donnez votre avis sur  l’affaire Woerth-Bettencourt ». On verra si les répondants considèrent ou non qu’Éric Woerth doit démissionner le plus vite possible, ou à la faveur d’un remaniement, ou conserver son portefeuille (ou changer de ministère… du culte ? oui, mais lequel ?).

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Ainsi, de même, de ce titre du Monde sur la vente d’un domaine forestier à Antoine Gilibert. Éric Woerth n’a pas bradé le terrain de l’hippodrome et du golf de manière abusive. Tout cela se discute. Pour leur part, Le Courrier Picard et le Canard enchaîné ont une autre opinion, qui s’exprime sous des titres aux mots soigneusement pesés. Le Canard enchaîné, sous le titre « Les démentis très cavaliers d’Éric Woerth », confirme et amplifie l’enquête de Pascal Moreau dans Le Courrier Picard.
1) le domaine ne pouvait être aliéné qu’au profit d’une opération d’intérêt général ayant fait l’objet d’une déclaration d’intérêt public (ce n’est pas le cas de l’hippodrome) ;
2) Le terrain, classé, est constructible, on pourra donc y ériger un établissement hôtelier ou autre convenable, pourvu qu’il ne s’agisse pas d’un truc estimé inesthétique par les Bâtiments de France, ce qui serait le cas d’un MacDo un peu classieux ;
3) des acheteurs émiratis auraient été écartés de la vente passée au galop de gré à gré ;
4) Les conseillers du ministère de l’Agriculture avaient désapprouvé formellement cette vente.

« Moralité » (couverte par le bouclier moral, au delà d’un certain seuil, il n’y a plus lieu de s’offusquer), Éric Woerth, « l’épris du président de la République » se voit décerner trois prix par Le Canard : Prix du Roquet-Club, Prix des boniments historiques, Prix Pari-Tartuffe. Comme l’aurait exprimé Mac-Mahon, voire le duc d’Aumale, quel palmarès : que de trophées, que de trophées !

 

Mais il ne faut pas croire que tout cela soit si facile. Ainsi, on ne doute pas qu’Éric Woerth ait tenté, avant cette vente, de contacter Farhad Vladi, qui avait repéré l’île d’Arros pour le compte de Liliane Bettencourt, pour le mettre en relation avec quelques lointains émirs amateurs de course de chevaux. Il faut au moins trois décennies pour entrer en relation avec des connaissances communes et se risquer à évoquer de possibles cessions de terrains. Que voulez-vous, c’est ainsi.

 

On peut se demande pourquoi le président de la République, en conviant les uns et les autres dans sa résidence de La Lanterne, ne mouille pas davantage sa chemise pour mettre en relations acheteurs et acquéreurs potentiels. C’est que c’est délicat. On ne convie pas non plus de récentes connaissances à des chasses en Sologne. Et malheureusement, le déficit de la France fait que les chasses présidentielles (ou tel ou tel avocat obtenait la grâce présidentielle pour un client condamné à la peine capitale autrefois), ont dû être supprimées. C’était pourtant parfois commode : en traquant le gibier, ce ne sont pas les codes en vogue au Jockey Club ou au Fouquet’s qui s’imposent, c’est bien plus détendu, « relax » comme l’exprime le populaire… Peut-être serait-il temps d’atténuer ces codes quelque peu désuets, d’y mettre un peu davantage de « bonne franquette ». Cela aurait fait que les Français s’étonnent moins des bonnes relations nouées trop lentement, trop précautionneusement, entre les protagonistes de diverses affaires du Woerthgate.

 

P.-S. : derniers développements du Woerthgate à ce jour… Dexia aurait refusé un retrait de 500 000 euros à Liliane Bettencourt quatre mois avant l’élection présidentielle. On se doutait peut-être qu’Éric Woerth, soldat riz-pain-sel de l’UMP, n’aurait su se contenter d’un pourboire, mais il ne s’agit que de supputations. De même, le nom de de Maistre aurait-il figuré sur la liste des 3 000 évadés fiscaux que brandissait le « pourfendeur de l’évasion fiscale » sans en révéler les patronymes. Pures allégations… La délation remémore de tristes pages de notre histoire, qu’il vaut mieux oublier… et qu’il est malséant d’évoquer à la sortie de la messe en plein air autour de la « roulotte provençale » (et non gitane ou rrom) du Cap Nègre.