On est des consommateurs, on est des sous-produits d'un mode de vie devenu une obsession, meurtre, banditisme, pauvreté, ces choses me concernent pas. C'qui me concerne moi, ce sont les revues qui parlent des stars ! La télévision avec cinq cent chaines différentes ! Les slips avec un grand nom marqué dessus !… / Tout est provisoire. Tout s’achète : l’amour, l’art, la planète Terre, vous, moi. Surtout moi…

J' étais assis au milieu de la foule. Les gens me frôlaient et parfois me poussaient sans interrompre leurs conversations. Personne ne s'inquiétait de croiser un type assis là, en plein milieu d'une rue piétonne, et tout le monde me contournait sans vraiment s'en préoccuper. Sûr que certains me voyaient, et peut-être même s'interrogeaient-ils un instant? Pourtant…je ne dérangeais en rien le rythme soutenu de leurs occupations…

Je suis le sentiment de rejet exacerbé de Jack…

L'exploration de l'espace intersidéral est maintenant en plein essor et ce sont les multinationales qui mènent tout. La sphère stellaire I*M, la galaxie Mic*osoft, la planète aux cafés Starb*cks. J'avais moi aussi envie de gouter de nouveau à cela. Envie de me comporter comme une rock-star en plein lèche-vitrine. Passer une demi-heure à essayer toutes sortes de lunettes de soleil en m'imaginant dans ce foutu miroir aux cotés d'une play-mate siliconnée, de chercher quelles couleurs de chemise, tee-shirt ou pantalon révèleraient mes magnifiques yeux aux monde sans penser ni à ce que cela avait valu comme sacrifice à l'espèce humaine ni à ce tout le mal que ça faisait. Envie d'attendre mollement mon tour pour la cabine d'essayage, armé de blouson de cuir et de paires de chaussures, sans avoir l'impression d'avoir en main des corps morts d'animaux ensanglantés. Envie de m'arrêter dans n'importe quel Fast-food à n'importe quelle heure de l'après-midi, et de me taper le plus gras des méga Big-M*c, accompagné d'un litre de soda-sur-sucré. Envie de m'affaler à une terrasse de café pendant des heures, pour ne rien faire mise a part mettre mes charmes sous les regards du sexe opposé. J'avais envie de rouler en bagnole, bras sur la fenêtre et musique à fond, sans me répéter que les pétro-dollars sont la pire des maladies qui ait jamais rongé le monde. J'avais envie d'être beau, comme tout le monde. J'avais envie que tu m'aimes.

Et puis mon animal porteur de force a dit:NAGE!

J'étais encore assis, mais plus pour longtemps. Je regardais les visages, écoutais les voix. Je pouvais sentir l'excitation de la consommation dégouliner le long des murs de publicités. J'étais invisible au milieu d'une foule d'enfants à la veille de noël. J'ai levé la tête au ciel pour chercher un soleil masqué par les buildings. J'ai vu un homme tomber du haut d'une tour pour s'écraser sur un présentoir à colliers en toc. J'ai imaginé une voiture lancée à toute allure écraser les piétons avec des points bonus comme dans un jeu vidéo. J'ai regarder un point immense venu du ciel frapper le sol, arrachant toute une partie de la planète. Je me suis remis à marcher, d'un pas soutenu. Toutes les visions cauchemardesques du monde occidental vues et lues de ma jeunesse étaient devenues réalité. Notre réalité. Je souriais. Le monde n'a pas de but. Ceux qui le dirigent non plus. Tout le monde ne pense qu'à profiter du jour présent, se contentant de rêver du lendemain. Notre siècle a décidé de vivre au-delà de ses moyens, en empruntant sur le futur. Nous vivons actuellement l 'âge d'or dont parle toutes les prophéties. Notre guerre est commerciale. Notre ennemi, le capitalisme.

Il y a un adage qui dit qu'on fait toujours du mal à ceux qu'on aime, mais il oublie de dire qu'on aime ceux qui nous font du mal.

J'ai marché, longtemps, malgré la pluie. J'ai croisé le bonheur, la joie de vivre et le respect. Mais j'ai surtout croisé la résignation, la honte et le mensonge. J'ai vu l'espoir sur certains visages. Mais j'ai surtout constaté de la dépendance, de la soumission, et du chagrin de ne pas être vraiment conscient de ce que nous sommes. Nous sommes des somnambules accrochés aux distributeurs-dealers automatiques des banques. Nous participons tous à la destruction d'un mur recouvert par la photo d'un couché de soleil Hawaïen. On se voit tous en héros différent et donc unique de cette vie, persuadé que les explications qui apparaîtront à la fin donneront un sens à tout cela.

Sur une durée suffisamment longue, l'espérance de vie tombe pour tout le monde à zéro.

Fight Club de David Fincher. 99 Frs de Yan Kounen, des films à voir ou à revoir.