La viande de cheval transitant par la société française Spanghero, les contrôles au Royaume-Uni, &c., avaient bien sûr retenu l’attention de la presse suisse, italienne ou espagnole. Là, le sujet ne fait que très maigrement recette. Cette fois, révélait ce matin The Financial Times, c’est Nestlé (Suisse) et JBS (Brésil) qui retirent des produits d’Europe. En  Espagne et Italie, il s’agit de produits Buitoni (groupe Nestlé) : raviolis et tortellini. En France, c’est Davigel qui est touchée. L’alerte s’est propagée au Portugal dans la soirée.

Plus question de creuser trop fort. En Suisse, quand il ne s’agissait que de la filière d’Hilcona (marque du Liechtenstein), qui faisait transiter aussi vers l’Autriche le minerai d’un fournisseur allemand, Vossko (d’Ostbevern), qui lui-même s’approvisionnait auprès de trois fournisseurs allemands « et un en Europe », et que de Coop, Lidl, Mnor, Volg, TopShop et autres distributeurs, des précisions et développements s’imposaient. On apprenait par exemple dans La Tribune de Genève que Lidl avait retiré les raviolis bolognèse Coquette de William Saurin.

Là, tout change, il s’agit du géant Nestlé. Il y a certes des raisons objectives pour ne pas crier trop fort au scandale. Selon le Financial Times, Nestlé aurait annoncé que certains de ses produits au bœuf présentaient une teneur en viande supérieure à un pour cent.
Pourquoi supérieure à 1 % et non pas à 0,5 %, et supérieure de combien ?
Dans un titre espagnol cela devient une proportion égale à 1 %. Dans d’autres titres c’est repris tel, mais La Stampa a le mauvais goût de signaler que, selon le FT, Nestlé avait communiqué la semaine dernière qu’elle n’était pas impliquée dans les circuits irlandais et français. Il fallait simplement chercher ailleurs.

Pour sa part, le groupe brésilien JBS cessera, par précaution, de commercialiser de la viande européenne en Europe ou dans le reste du monde via sa filiale belge JBS Toledo. Laquelle avait, dans un premier temps, été désignée impliquée indirectement, via un fournisseur allemand, par Nestlé : tout comme Spanghero qui affirme toujours, ce mardi, avoir fourni la Comigel en viande de cheval à l’insu de son plein, ce fournisseur H. J. Schypke considère que le problème se situe en amont.

Nestlé, avec près de 150 usines, est implantée dans 83 pays. La nébuleuse de ses marques est fort étendue et aux États-Unis, début février, le groupe avait retiré deux lots de la marque Lean Cuisine, à savoir des raviolis « Culinary Collection » : des consommateurs avaient trouvé des morceaux de verre dans des barquettes.

Nestlé Belgique a fait savoir qu’aucun de ses produits commercialisés en Belgique ne contenait de la viande de cheval. Certes, les lasagnes retirées en France pourraient « potentiellement » se retrouver dans le royaume, mais uniquement chez des professionnels de la restauration de groupe, et non pas dans la grande distribution. Nestlé Suisse a communiqué de même : les produits vendus sur le marché suisse ne sont pas en cause.

Ni la presse belge, ni la suisse, ou encore l’italienne et l’espagnole, n’ont en majorité traité l’information autrement que par la reprise de dépêches d’agence, et elle a été très peu mise en valeur sur les sites… Personne, dans les rédactions, ne semble (on ne peut vérifier tous les titres) avoir tenté de contacter les diverses autorités sanitaires : Nestlé affirme que la proportion de viande de cheval dans produits à la viande bovine est supérieure à 1 %, donc, cela suffit, pas d’autre question ni d’autre commentaire.

Cela peut se concevoir : Italie et Espagne offrent des exemples de scandales politicofinanciers de beaucoup plus grande ampleur que cette contamination de barquettes, et l’actualité est chargée.
Mais alors que dans divers autres pays, les journalistes se sont beaucoup intéressés à la composition du minerai congelé, là, tout se passe comme si un peu de viande de cheval fraîche se serait retrouvée par mégarde dans des morceaux de bœuf frais. CorriereTV ne montre que des images de bouchers maniant de bons morceaux.

C’est un peu différent en Allemagne où l’autorité sanitaire relève que, sur 360 échantillons analysés (sur des millions en hypermarché, mais aussi dans des abattoirs, chez des transformateurs, des cuisines collectives de cinq des États fédéraux), 24 ont déjà révélé la présence de viande de cheval dans des lots ou des préparations au bœuf. Holger Eichele, du ministère allemand de la Consommation, a présenté ces chiffres et d’autres à la presse en soulignant que des sanctions seront prises.

L’eurodéputé britannique Chris Davies s’est inquiété de la disparité de niveaux de sanctions entre pays européens. Certains sont très laxistes, d’autres beaucoup plus sévères… C’en est à se demander si les pays destinataires de viandes de cheval mélangées à celles de bœuf ne sont pas livrés en fonction d’un risque de détection (faible, car il faut une alerte pour que les autorités ne se contentent pas de très peu de tests, faisant confiance aux acteurs de la chaîne) et du niveau des amendes.

De la Finlande à l’Autriche, en passant bien sûr par l’Irlande et le Royaume-Uni, la plupart des pays européens sont désormais affectés mais un « effet Nestlé » est peut-être en train de se produire : la société a communiqué, la page se tourne ?

Pas tout à fait totalement puisque, en fin de soirée de ce mardi, on apprenait que la filiale portugaise de Nestlé procédait cette fois au retrait de lasagnes bolognese. Peu de précision est donné, mais comme il s’agit de produits Nestlé professional, on peut penser qu’il s’agissait de préparations destinées aux restaurants, cantines d’entreprises, cantines scolaires et centres hospitaliers. Pour les lasagnes françaises, elles seraient vendues sous le label Davigel.
Davigel propose de tout : entrées et salades, viandes fraîches, desserts, glaces, &c. Pour les lasagnes gourmandes, elles sont présumées contenir 24 % de viandes de bœuf: « bel égrainé de bœuf qui permet de retrouver un grain de viande avec une texture bien présente, » lit-on. Davigel livre plus de 10 000 restaurants quotidiennement.

Donc, qu’il s’agisse de Findus ou de Nestlé, de la Scandinavie à la péninsule ibérique, c’est la totale.

En France, des perquisitions et saisies de documents se poursuivaient dans la soirée de mardi chez Spanghero, menées avec le soutien des gendarmes de l’Aude.

Anecdote qui en dit long. Acculé par un journaliste néerlandais, le propriétaire du restaurant Piet de Leeuw d’Amsterdam a fini par admettre avoir servi des steaks de cheval depuis… 1949. Il ne faisait pas figurer la mention « cheval » ou « bœuf » sur sa carte : « les gens étaient satisfaits de ce qu’ils mangeaient, les affaires tournaient bien, alors quoi ? », a-t-il interrogé en indiquant que la pratique avait été instaurée par son père.

En Italie, dans la soirée, divers ministres ayant pris le pouls de l’opinion ont dénoncé un scandale et exigé que des contrôles indépendants soient menés par les autorités sanitaires. Les carabiniers ont perquisitionné au siège milanais de Nestlé ainsi que dans un centre de fabrication à Moretta. Le ministre de la Santé, Renato Balduzzi, a incité les régions italiennes à procéder à des contrôles.
Nestlé dispose aussi en Italie d’une usine à Sansepolcro. Dans un premier temps, les autorités italiennes avaient critiqué les décisions européennes, estimant que l’Italie était épargnée par le problème et que les tests étaient trop coûteux.
Au fur et à mesure des réactions des divers lectorats, la presse italienne, qui avait traité tout d’abord l’information avec des pincettes (Nestlé ou ses marques, de café, de lait, de tout, sont de très gros annonceurs), s’est enhardie. Les Italiens commencent aussi à douter de la qualité des chevaux de compétition (courses, concours d’équitation) qui pourraient avoir reçu de nombreux traitements avant de trouver le chemin des abattoirs.