« La guerre, grosse malheur ! » Des morts par millions, de la barbarie, du sang et des cris. Ce fléau s’est abattu sur le monde, il y a à peine plus de 70 ans. En pleine phase de déclin du régime allemand, les revers militaires s’enchaînant, les villes sont libérées les unes après les autres du joug de la croix gammée. Un jour, ce fut le tour de Paris, belle du monde, Paris, reine du monde, les 25 et 26 aout 1944, du moins c’est ce que l’on nous a toujours dit, répété et consigné dans les livres d’histoire. Mais des faits oubliés, transformés, altérés pour seoir aux humeurs de l’époque, pour se conformer au contexte historique, il y en a plus d’un. La libération de Paris n’y échappe pas. Car aussi éloigné de la vérité, liant les Borgia à leur attitude de débauche, les premiers à rentrer dans Paris ne sont pas des soldats tricolores mais des militaires espagnols. Faisons la lumière sur cet épisode omis de la grande Histoire.
Nous sommes en 1944, la France connait un revirement de situation, les allemands abandonnent progressivement leurs positions et laissent le champs (miné) aux Alliés. Les chars, les jeeps et les half-tracks grignotent du terrain et foncent vers Paris, la capitale, toujours sous les fers du régime nazi. A l’intérieur de la ville, il y règne une ambiance explosive, des émeutes eclatent au rythme des informations, distillées au compte goutte, affirmant que les forces Alliés avancent vers la cité. Les allemands n’ont pas intérêt à rendre cela public, cela pourrait donner de l’espoir aux parisiens.
Les jours d’été chauffent les esprits, cheminots, postiers, hospitaliers, policiers vont grève et s’insurgent. Paris est un le théâtre de manœuvres de guerilla, escarmouche, raid meurtrier, encerclement, barricades et sabotage. La situation peut se retourner à chaque instant, les balles et les munitions sont comptées, il ne faudrait pas tomber en panne sèche en plein milieu d’une fusillade.
A l’arrière, dans l’Etat Major, De Gaulle et Eisenhower perdent du temps à échaffauder des plans, mais ils ne s’entendent pas sur les tactiques à mener. La division blindée du Général Leclerc, la fameuse 2ème DB, pleine d’audace, depuis l’Afrique du Nord et son débarquement dans le sud de la Franc, fonce tout droit vers la capitale. Les victoires leur permettent d’aller vite et le 23 aout, elle est devant les murs de la ville. Parmi les hommes de la division, la neuvième unité, appelée la « Nueve » de l’officier Dronne. Un charmant groupe de 160 hommes, dont 146 d’origine espagnole. Mais d’où viennent ils ?
Pour comprendre, il faut remonter encore plus loin dans le temps. 1936, l’Espagne se soulève contre l’émergence d’un dictateur en puissance, le terrible Franco. Le tyran, aidé par le Mussolini, Hitler et Salazar, parvient à écraser les républicains après 33 mois d’âpres combats. L’Espagne sombre dans l’obscurantisme et plus de 500,000 ibères, épris de libertés, fuient vers ce qui leur paraît comme un havre de paix, un pays d’asile : la France. Mal leur en a pris, ils sont à peine considérer comme des êtres humains. Beaucoup perissent dans les montagnes pyrénéennes, sur les plages du sud, le froid, la faim et la maladie ont raison de leur état de santé fébrile. Les autorités françaises, prises de paniques en voyant cette afflux de personnes politiquement engagées pouvant être un problème, les parquent dans des camps.
Très vite, on leur trouve une utilité, ils seront de la main d’oeuvre corvéable à merci. Transférés dans des camps de travail dans les colonies d’Afrique du Nord, ils participent à l’effort de guerre. Ils construisent des pistes d’atterrissage, défrichent la foret et posent des rails pour relier les villes entre elles. Les mieux bâtis se voient l’opportunité d’intégrer la Légion étrangère et devenir par conséquent, de la chair à canon. Ceux qui acceptent sont dispatchés à travers le monde, sur les fronts norvégiens, syriens, égyptiens ou encore tunisiens. En 1943, avec l’arrivée des américains, les espagnols voient une occasion de reconquir une certaine liberté d’action. Ils se réunissent et constituent des corps francs qui seront alors intégrés dans les divisions françaises à l’image de la Nueve, l’unité d’intervention au Tchad.
Les hommes de Dronne viennent principalement des milieux anarchistes espagnols, des communistes, des trotkistes, des marxistes et des socialistes. Malgré le fait qu’ils ne soient pas tous des soldats de métier, ils mettent du cœur à l’ouvrage, ils sont courageux et déterminés. Expérimentés et toujours prompts à faire siffler les mitraillettes, ils ont le sang chaud et ne sont pas toujours obéissants. Arrivés sur le sol français, ils délogent les allemands des bourgs, des lieux-dits, des villages et troquent les otages nazis contre des biens matériels et des fournitures de guerre, aux américains.
Le 24 aout 1944, en forçant le passage et en détruisant la garnison allemande située à la Porte d’Italie, les half-tracks de la Nueve, dont la particularité est de porter des noms d’illustres batailles de la guerre civile (Guadalajara, Gernica, Teruel), pénétrent dans Paris. Un exploit mais il reste encore entre 16 et 20,000 soldats nazis dans Paris.
Il faut attendre le lendemain pour que Leclerc arrivent avec ses hommes et ses chars. Le nettoyage peut continuer, Opéra, Jardin du Luxembourg, Trocadéro, Hotel de Ville, tous tombent dans les mains des Alliés et le consulat espagnol se voit coiffer du drapeau rouge des républicains. Le lieutenant Granell est le premier officier des forces alliées à rencontrer George Bidaut, le chef du Conseil National de la Resistance. La roue tourne pour Choltitz, le gouverneur du GroB Paris, défiant les ordres du Fuhrer, il est capturé par 3 soldats espagnols, Guttierez, Navarro et Sanchez, il est prêt à négocier sa capitulation.
Le 26 aout, Paris est libérée, décrassée de son engence germanique. De Gaulle les reçoit et ils sont décorés des honneurs militaires. Durant la parade triomphale du grand Charles et de Leclerc, ils reçoivent la tâche honorifique d’assurer leur sécurité. Un nazi récalcitrant peut toujours traîner. Le 8 septembre, il est temps de quitter Paris car la guerre n’est pas finie. On retrouve la Nueve à Berschtesgaden où les hommes s’illustrent par leur courage sans faille. Ce sont également eux les premiers à pénétrer dans le Nid D’aigle, le 5 mai 1945, après avoir occis les derniers gardes nazis les plus zélés.
La guerre est finie, paradoxalement, c’est bien là leur malheur. Alors qu’ils pensaient pouvoir déplacer l’attention de la communauté internationale en Espagne pour pouvoir renverser Franco, ils ont été lâchement abandonné. La gratitude des USA envers ces hommes est nulle, ils ont autre chose en tête, évincer l’URSS. Après plus de 60 années d’une amnésie générale, savemment orchestrée par les autorités gaulliennes de l’époque, francisant la réalité pour flatter l’ego national alors que la France doit se remettre de la guerre, la Nueve se devait d’être réhabitlitée. Ils n’ont jamais été invité aux commémorations, pourtant ce sont eux les premiers à avoir parader fièrement, sous les acclamations du peuple parisien et des ressortissants espagnols, sur les Champs Elysées, lorsque la ville fut libérée. L’Histoire est une vieille dame atteinte d’Alzheimer.
[b]les réécritures de l’histoire pullulent et le mot vérité historique est un rictus à usage de la « bienpensance ».[/b]