Tiens, un « nouveau lulu.com ». C’est d’ailleurs l’ancienne agence de communication de Lulu, Actual, qui représente en France Unibook, nouvel acteur, pour la langue française, du secteur de l’impression à la demande. Mais l’originalité d’Unibook est de ne pas s’adresser qu’aux auteur•e•s désirant s’autoéditer mais aussi aux maisons d’édition qui s’éviteront ainsi le pilon et les mentions « épuisé ». Le retirage, la réédition est une aventure parfois risquée pour un éditeur ou un microéditeur. Unibook propose un modèle économique qui vaut de s’y intéresser de très près.
Michel Bourdain, l’éditeur-fondateur (avec feu Jacques Bourlez, de Mons) et unique acteur de la maison d’édition franco-belge Talus d’approche, a passé la main. Pour certains titres, il ne conservait que deux exemplaires, l’un destiné à être numérisé en mode ROC (reconnaissance optique de caractères), pour d’autres il avait lui-même (re)composé ou mis en pages sous Quark Xpress et généré un PDF qu’il conservait. Mais de toute façon, il attendait d’avoir au moins cinq commandes pour procéder à un retirage et les honorer. Parfois, la seconde ne venait jamais. Autrefois, il aurait risqué un retirage de cinquante sorties. À présent, il aurait pu tenter d’honorer chaque commande, et peut-être sauver ainsi son entreprise.
Le monde de l’impression à la demande a fortement évolué. Hier, l’imprimeur vous imputait l’amortissement de son système Indigo (désormais HP) ou de sa presse numérique Xerox. À présent, les matériels sont amortis et sortir un seul exemplaire à un prix convenable n’est plus l’exception. Et c’est le modèle que propose, tant aux éditeurs qu’aux auteurs s’autoéditant ou aux entreprises, le groupe flamand Peleman Industries, avec son service multilingue Unibook.
Un coût supérieur ?
L’impression à la demande couvre deux notions : l’impression en courts tirages et l’impression d’un seul, ou de moins d’une dizaine d’exemplaires. Les deux types de sortie(s) tendent à être, du moins techniquement, similaires. La gestion des flux PDF, les « job tickets », minimisent l’intervention des opérateurs formés aux métiers du Livre. Cela vaut pour les livres, mais aussi pour les affiches, voire les conditionnements. Ainsi, pour un prix modique, Pixart.it propose désormais un service d’impression d’enveloppes très personnalisées (avec motifs intérieurs et extérieurs). Pixart.it traite surtout avec des graphistes, experts en prépresse, qui se passent de conseils techniques. Unibook sait qu’avec des éditeurs chevronnés, des entreprises dotées de services graphiques internes, les problèmes d’intervention technique seront rares. Reste qu’il s’agit de « comptes », pour lesquels la facturation peut être groupée mensuellement, et non pas au coup par coup. Car ce coup a un coût comptable et pour un peu, établir une facture revient plus cher que de sortir un livre d’une centaine de pages. C’est pourquoi le service de tirage à l’unité d’Unibook peut sembler cher à un professionnel de l’autoédition, tel Charles Duchêne, auteur et éditeur, pour BTF Concept, qui s’en remet, pour ses tirages, à un concurrent d’Unibook, Copy-Media.
« Tu comprends, expédition comprise, cela revient au lecteur, pour l’un de mes bouquins, presque deux fois ce que je lui vends dix euros sur un salon. Or, il y a des seuils à ne pas dépasser, » estime, à juste titre, Charles Duchêne.
Un prix, une évaluation « psychologique »
Le livre à un prix « psychologique ». Pour un format poche de 150 à 200 pages, il se situe idéalement à huit euros, dix à douze au maximum, s’il s’agit d’un ouvrage courant (roman, essai, témoignage). Pour un document A5 de caractère universitaire, de 300 à 350 pages, 18 à 20 euros est convenable. Bien sûr, il ne s’agit que d’une généralité, chaque ouvrage, chaque auteur est unique, et les dérogations « confirmant » la règle sont innombrables. La plupart des auteurs Unibook se conforment à ces prix. Mais pour un éditeur, qui doit consentir une forte marge au distributeur et au libraire, la marge sera d’autant réduite que le prix « psychologique » sera approché en tirage à l’unité. Le modèle économique d’Unibook implique que, sans forcément « vendre à perte » (un auteur ayant investi énormément de temps « vend » pratiquement toujours à perte en autoédition, voire en édition traditionnelle), l’éditeur se rapproche des prix pratiqués pour les livres anciens (vendus en « librairies d’anciens ») courants (le livre rare étant soumis à cotation, voire vendu aux enchères publiques ou privées). Mais il ne s’agit que d’une supposition « à première vue », chaque éditeur pouvant sans doute, en fonction du volume qu’il générera avec Unibook, moduler sa marge et obtenir le cas échéant de meilleures conditions.
Cela peut valoir le coup de tenter un très court tirage (moins d’une cinquantaine d’exemplaires), chez Unibook ou d’autres (voir les liens, infra), si votre livre ne s’adressera qu’à la famille ou aux proches ou si vous visez l’édition traditionnelle ultérieure en cas de très bon projet (un manuel, par exemple, un précis s’adressant à une population particulière, comme les joueurs de bridge, de poker, d’échecs, de grands amateurs, des collectionneurs), ou un nombre réduit de maisons d’édition.
Après le manuscript, le tapuscrit (dactylographié), voici l’avènement de l’imprimuscrit. Présenter à des éditeurs un livre imprimé peut influencer favorablement ou défavorablement un comité de lecture (réduit parfois à la personne du seul éditeur). Favorablement si tout est impeccable (pas de coquille, mise en page conforme au gabarit d’une collection, PDF certifié bon à tirer). Sinon, toute imperfection saute véritablement aux yeux et plaide en votre défaveur.
Unibook propose, pour les auteur•e•s débutant•e•s, des gabarits, des modèles de couverture, et la possibilité de couler son texte kilométrique (ou copié depuis un texteur évolué, style OpenOffice ou MSWord), dans un gabarit généré par un « assistant de publication ». Ce type de fonctionnalité, proposé aussi par des concurrents tel lulu.com, évite les erreurs courantes (empagement – soit la disposition des marges – disgracieux ou obligeant à casser le dos de l’ouvrage, par exemple).
Mais la technique n’est pas tout, loin de là, lorsqu’il s’agit de choisir un partenaire pour imprimer soi-même son livre. Imprimer mon livre, certes, c’est facile ; mais comment vais-je le vendre ?
Unibook, une structure internationale
Tout comme Imprimer mon livre, filiale d’un des plus grands groupe d’imprimerie français, Jouve, Unibook est un groupe puissant. Tout comme Lulu, il est implanté internationalement. Peleman Industries, qui a 70 ans d’existence, avait d’abord lancé le service Wwaow (pronouncé wow!, à l’américaine, ou ouaoh !, au choix), soit la Worldwide Alliance of Writers (l’Internationale des écrivains). Proche de l’unité de reliure Unibind, en Flandre belge, la maison mère a implanté des filiales accotées sur des partenaires d’impression en Pologne, en Amérique du Nord (en Géorgie, à proximité d’Atlanta, en Californie), et au Japon. Il existe d’autres unités au Bénélux et des partenaires seront trouvés en France même. Le site est disponible, localisé partiellement ou totalement, en onze langues et ce n’est qu’un début. Pour un ouvrage universitaire en français, être livrable au Québec, depuis les É.-U., en Roumanie, pays francophone, depuis la Pologne, constitue un franc avantage qui se traduira en euros. Pour un essai, un roman, c’est moins évident. Mais pour des entreprises qui ont besoin de localiser en diverses langues des manuels d’utilisateurs (de logiciels, par exemple, actualisés par versions successives), ou des rapports d’activité ou des bilans, c’est crucial.
Un schéma de distribution améliorable
L’offre réservée aux éditeurs qui vont pouvoir se passer de stock, de pilonner, est attrayante, et sans doute négociable en fonction du volume. À la base, c’est gratuit. L’éditeur fixe sa marge nette et peut soit faire livrer son distributeur ou son dépôt (un point central dans une très grande ville où les libraires dépêcheront des coursiers, par exemple), soit avoir recours à un distributeur partenaire d’Unibook. « Envoyer directement aux libraires, c’est multiplier les petites factures, et cela ne sera pas rentable pour nous, » relève Luc Spooren, directeur des Ventes et de la mercatique pour l’Europe.
C’est bien le problème des petits auteurs. Lesquels aimeraient bien que leurs livres, dotés d’un ISBN, d’une inscription au répertoire Electre, dont le système est accessible depuis les postes de vente et les caisses des principales librairies en France et Belgique, puissent être acheminés directement chez les libraires. De même, si Lulu, et d’autres, proposent de commercialiser deux versions, l’une en PDF, téléchargeable et imprimable au besoin à l’unité localement par l’acheteur, l’autre imprimée, Unibook ne propose pas encore ce service. « C’est à l’étude, » précise Luc Spooren.
La librairie en ligne d’Unibook devrait proposer de 2 500 à 3 000 titres autoédités fin 2009. En juin 2009, un blogue-notes sera créé pour promouvoir différemment les livres, permettre des échanges entre auteur•e•s, dispenser des astuces et conseils. Toujours en juin, un service de dépôt légal et d’obtention de codes ISBN sera proposé.
Moins de souplesse que d’autres ?
Techniquement, éditeurs et auteurs ne sont pas servis à même conditions sous la même enseigne. Pour les éditeurs, des possibilités ad hoc peuvent être étudiées. Pour l’autoédition, les lignes de production, des Xerox ou Océ, deux chefs de file du marché avec HP, font « rouler » (le terme, issu de l’offset rotatif, est impropre) soit Munken blanc 90 g, soit du Magnosatin 115 g, les possibilités étant plus diverses pour les couvertures (240 g pour le modèle de base) et les modes de reliure. Des possibilités de faire fabriquer les « livres-objets » à couverture très rigide, pour des albums de photos ou des agendas, sont aussi proposées. Mais on remarquera que le choix des formats (cinq dont deux normalisés ISO, deux « US » et le 21×21 cm) est moins étendu que ce que proposent divers concurrents. Cela ne sera plus nécessairement le cas dans un proche avenir. Unibook est fort d’une expérience internationale mais le groupe est prêt à s’adapter aux usages français « hexagonaux ». Il constitue déjà une option à étudier de très près, tant pour le retirage à la demande (pros de l’édition) que pour la microédition ou l’autoédition.
Savoir ou visiter aussi :
* Le MOTif, Oberservatoire du Livre et de l’écrit en Île-de-France
* Une liste de maisons proposant la publication à compte d’auteur (sur le site del’Oieplate)
Divers liens de concurrents (liste non exhaustive et sans garantie d’aucune sorte)
* Lulu.com
*Les adhérents du Syndicat de l’impression numérique (France)
Le recours aux professionnels de l’écrit
En tant qu’auteur co-édité, micro-éditeur, et professionnel du Livre (Pao, correction, orthotypographie, secrétariat de rédaction, communication et graphisme, &c.), je ne peux qu’inciter les adeptes de l’autoédition à s’appuyer sur l’expérience de professionnels de l’écrit et de l’édition. Certains sites individuels ou associatifs proposent des aides à la conception et à la fabrication de livres (et Jouve en recommande quelques-uns qui sont ses partenaires et lui soumettent des devis de réalisation) et une gamme de service qui peut inclure la recherche de devis (via Graphiline ou d’autres sites). Un « vrai » livre, même s’il n’est destiné qu’à des proches, mérite sans doute des soins professionnels. Ce qu’un imprimeur, numérique ou offset, peut vous apporter, c’est une bonne réalisation ; ce n’est souvent pas suffisant. Pour certains types de courts tirages, l’offset peut être une alternative au numérique. Et il n’est pas inenvisageable de réaliser un tirage de tête en offset, puis, pour un lectorat plus diversifié, d’avoir recours à du tirage numérique, voire de déposer un PDF qui sera imprimé à la demande.
Super
Ce site est vraiment génial, merci !
Petit rappel historique
J’ajoute qu’à l’origine de Talus d’approche, outre Michel Bourdain, il y avait aussi Jacques Bourlez, grand amateur de bonne littérature.
Jacques Bourlez… (pour Pierre de la Grande Île)
Ce n’est sans doute pas que j’ignorais, c’est que j’avais sans doute oublié. Il est fort possible que, lors de nos trop rares rencontres, Michel Bourdain m’ait évoqué Jacques Bourlez. Mais ce n’était pas une omission commise sciemment et j’ai donc rectifié, en mentionnant son nom. Merci de m’avoir signalé ce fait.