Les placards, c’est pratique. On peut y ranger tout ce que l’on veut, pourvu qu’ils soient assez spacieux, y dissimuler des objets honteux que l’on ne souhaite pas exposer à la vue de tous et y tapir des secrets inavouables. Bien fermé à clef, le meuble, avec ses beaux atours, peut les protéger de façon hermétique. Cependant, il arrive que la serrure se déverrouille, laissant les portes s’entrouvrir et par un entrebâillement, laisser percevoir un sombre contenu.
L’Allemagne est réputée pour ses marques, vrai gage de qualité. Acheter allemand et c’est la certitude que le produit restera dans vos mains plusieurs années. Une garantie qui a perduré malgré les années. Cependant les entreprises au long passé revêtent des aspects peu reluisants, un trauma causé par la conjoncture temporelle, une marque déposée par une connivence avec le monde politique.
C’est ainsi que la lumière a été fait sur le passé nazi de deux grands industriels germains, Hugo Boss et BMW, propriété de la famille Quandt.
Un cadavre dans le placard qu’il faut assumer, c’est la tâche qui incombe aux directeurs des deux entreprises. Une révélation provenant d’un historien américain, Joachim Scholtyseck, qui au cours de ses recherches, est tombé sur une vérité fracassante. Durant la Seconde Guerre Mondiale, le constructeur automobile et le fabricant de vêtement ont eu recours au travail forcé pour faire fonctionner leurs usines. Ils ont exploité la force manouvrière de milliers de prisonniers venant des terres occupées et embarqués pour effectuer le fameux STO (Service du Travail Obligatoire).
On parle souvent des "victimes du nazisme", des industriels forcés de coopérer avec le gouvernement d’Hitler pour éviter de se retrouver à casser des cailloux dans des camps de la mort. Ce n’est pas le cas de ces deux-là, ils étaient intégré au parti et côtoyaient de leur plein gré les notables du NSDAP.
Günther Quandt, en réel tyran, a fait travailler jusqu’à la mort plus de 50000 ouvriers afin de construire des armes et des batteries servant à tuer des millions de personnes. Profitant des rafles et d’une désertification du milieu industriel, les juifs n’étant plus là pour faire de la concurrence, il a pu construire son empire et le faire croître à sa guise.
Le seul désaccord avec le régime nazi, se place sur le plan personnel et non pas idéologique. La femme dont il avait partagé la vie, et avec qui il avait eu des enfants, était allée trouver refuge dans les bras du Ministre de la Propagande, Joseph Goebbels. Le fils de Günther, Herbert, le successeur à la tête de l’entreprise, la sauvant de la faillite dans les années 1950, est lui aussi entaché par le collaborationnisme. Alors que la guerre semblait être pliée, il continua à faire trimer des prisonniers dans ses usines strasbourgeoises.
Malgré ces crimes atroces, les descendants font preuve d’une grande piété filiale et voient dans leur grand-père, un grand homme qui, bien sûr, aurait pu s’indigner un iota davantage contre cette entreprise de mort menée par Hitler. L’amour rend aveugle dit-on.
Hitler, fou et habité par un esprit malin, dans le sens propre du terme, admirait M.Boss. Le jugeant apte à endosser le rôle de couturier idéal pour habiller ses troupes. Les chemises brunes arborées par les soldats marchant au pas de l’oie, étaient conçues par Ferdinant Hugo Boss et ce, dès le début de la phénoménale ascension du Führer. Son marché s’agrandit au fur et mesure que le petit homme autrichien augmentait son pouvoir. Il reçut le privilège officiel de fournir en costume la Wehrmacht et les membres des SS.
Quand la guerre prit fin, les Alliés mirent la main sur Ferdinand, il avoua sa culpabilité et se défendit d’avoir suivi le courant nazi pour préserver le bien-être de ses usines et de ses employés. Parlons-en de ces petites mains, souvent des femmes, plus de 140, victimes de rapts en Pologne, par les troupes de la Gestapo, tissant des habits dans des conditions épouvantables.
L’heure des punitions arriva, Boss fut privé de droits civiques, dut payer une amende très élevée. Il mourut peu de temps après la fin du conflit. Toutefois, comparée à BMW, les communiqués d’Hugo Boss ont fait part du profond regret pour les agissements de son fondateur.
L’entreprise est à l’origine des investigations sur son Histoire, voulant se repentir, elle a opté pour une position franche et honnête même si la vérité est difficile à assumer.
La majorité des entreprises teutonnes, présentes durant les années sombres de l’Allemagne, ont eu recours au STO. Afin de laver cette tâche indélébile, ou du moins d’en faire pâlir les couleurs, un grand nombre d’entre elles, tournant encore de nos jours, ont créé l’association « Mémoire, responsabilité et avenir » (EVZ) dont le but philanthropique a permis de reverser aux victimes et à leur famille, plus de 4 milliards d’euros. Un geste louable même si l’argent ne fait pas revenir les morts.