Dimanche 7 avril 2013 s’est couru le Marathon de Paris, record d’affluence pour cette 37e édition avec  50 000 dossards vendus,  près de 40 000 coureurs au départ et,  parmi les pros de la discipline (les Elites comme on les appelle), les personnalités du PAF et du monde sportif, bon nombre d’anonymes dont moi, p’tite tortue, dont c’est le 1er marathon.  Récit d’un week-end pas comme les autres…

SAMEDI

Après 2h30 de train, j’arrive donc dans la capitale accompagnée de Jérôme, un ami coureur, de sa femme Elodie et de mon mari, David, venus jouer les supporters.  Nous prenons possession du  2 pièces loué pour l’occasion dans le 17e et filons à Running expo, Porte de Versailles, pour récupérer nos dossards. Il est temps ensuite de nous rendre à la « Rice-Party » organisée au sein même du salon où nous retrouvons Stéphane et Philippe, deux autres copains runneurs, attablés avec les membres de leur club.  Après un dernier tour dans le salon avant la fermeture des portes, nous rentrons nous détendre dans notre appartement parisien d’un soir en ayant pris soin, au préalable, de repérer la bouche de métro qui nous amènera avenue Foch le lendemain.

 

DIMANCHE

6h, le réveil sonne…  Après une nuit « couci-couça », je sors de mon lit et prépare méthodiquement ma tenue. Le petit déjeuner a du mal à passer mais je me force, ce n’est pas le moment de faire l’impasse… 

7h30, en route ! il fait frais mais le vent est tombé et le soleil commence à pointer, ce devrait être une belle journée. La rame de métro est bondée de coureurs, il y fait chaud… Heureusement il n’y en a pas pour longtemps.  Nous arrivons face à l’Arc de Triomphe et, en petite provinciale qui découvre Paris, je lâche un grand « WAHOU » devant cet imposant et magnifique édifice.  

Quelques photos plus tard, je me déshabille, laisse mon sac  à  la consigne et direction le SAS de départ…  Le mien est vert, c’est celui des 4h, celui aussi où il y a le plus de monde. Jérôme est parti en avant, il est dans  le  SAS des 3h15. Un dernier bisou à mon chéri et je rentre dans l’arène… où plutôt dans la file d’attente des WC  qui est presque aussi longue que la largeur de l’avenue des Champs Elysées !  Il y a de l’ambiance, de la musique. A 8h45 c’est le départ des Elites, les coureurs handisport, eux,  sont déjà en train d’en découdre. Les vagues se succèdent : 3h, 3h15, 3h30, 3h45… Vers 9h10 on fait avancer les  4h  vers la ligne… Quant à moi,  j’attends toujours mon tour aux toilettes ! Finalement, comme d’autres filles, j’opte pour l’option « pipi dans le caniveau ». Je rejoins ensuite ce que je pense être mon peloton avant de m’apercevoir que je suis parmi les coureurs du SAS des 4h15… Les  4h sont en train de partir…sans moi !!! J’arrive à me faufiler, passe sous la rubalise qui retient les  4h15  et rallie enfin la ligne de départ… Une aventure avant l’aventure !  Je balance mon poncho et ma vieille polaire et pars avec la dernière vague des 4h, plus de 43mn après le départ officiel.  A une centaine de mètres sur ma gauche, j’aperçois la flamme verte du dernier meneur d’allure du SAS, je n’y prête pas attention plus que ça, j’ai prévu de réguler mon allure…seule…

 

LA COURSE

Me voilà donc dans le vif du sujet, je foule les pavés l’avenue des Champs Elysées … Je suis heureuse d’être là et de participer à l’un des plus beaux marathons du monde ! Mais, je ne cède pas à l’euphorie pour autant,  je suis concentrée, d’autant plus que le peloton est dense et que dès l’entame de la rue de Rivoli, l’allure ralentit fortement, on est les uns sur les autres, puis ça repart… La faute au rétrécissement de la chaussée sans doute.

Vient le 1er ravitaillement un peu avant le 5ekm.  J’ai fait le choix d’alterner sucre et gel énergétique et de prendre ces « munitions » sur moi pour n’avoir qu’une bouteille d’eau à attraper sur les tables. Dès ce 1er ravito, je comprends  que j’ai fait le bon choix car c’est la bousculade ! Pas de panique, dans ma tête tout est calculé : j’avale le solide entre 500m et 1km avant le ravitaillement puis je prends une bouteille que je garde avec moi pendant un 1km pour boire régulièrement par petites gorgées. Je m’en tiendrai à ce plan jusqu’à la fin.  

A partir du 10ekm le peloton commence à s’étirer, j’ai plus d’espace, je respire ! J’arrive près du château de Vincennes où je tente de repérer David et Elodie qui devraient être là mais je ne les vois pas, il y a beaucoup de monde…  Il y en aura tout le long du parcours ; Les groupes musicaux sont aussi de la partie : groupes de rock, fanfares, tambours sans oublier les pompom-girls… et les pompom-boys ! Je les salue de la main. Aïe, mon genou gauche commence à me gêner, c’était prévisible, il me titille depuis quelques semaines mais tout est sous contrôle.

15ekm… une autre douleur fait son apparition, connue elle-aussi, une douleur au niveau du foie, me transperçant le tronc de part et d’autre,  la même qui a transformé les 20km du Touquet l’été dernier en calvaire…. Je force un peu l’expiration pour essayer de détendre un peu tout ça… comme avec le genou, tout est sous contrôle mais il faudra que je fasse avec… jusqu’à la fin… 

Depuis le départ, je pense beaucoup à mes 2 filles, aux  vidéos  surprises qu’elles ont faites avec leur papa pour m’encourager ainsi qu’à tous les petits mots que j’ai reçus de la part de ma famille et de mes amis…. Ces pensées ne me quitteront pas, elles m’aideront à  avancer, y croire, peu à peu .

Passage au semi-marathon, déjà une moitié de faite  ou… encore une moitié à faire… c’est selon… Pour moi, ça va… toujours heureuse, toujours concentrée, toujours dans l’allure, toujours positive mais pour certains, c’est déjà difficile. Je double des gars qui courent pour l’association Laurette Fugain. Ils sont dans un drap qui forme une chenille… chapeau messieur, pas facile, faut être synchro… J’échange quelques mots avec l’un d’entre eux…  Je passe aussi un concurrent avec un déguisement en forme de tour Effel sur le dos, il transpire à grosses gouttes sous son attirail ! Depuis l’avenue Daumesnil, j’aperçois la colonne sur la Place de la Bastille, c’est une très belle vue, je regrette de ne pas avoir mon appareil photo ! Sur les quais de  Seine, les spectateurs sont très enthousiastes, parfois j’entends mon prénom (il est écrit sur le dossard) et je lève un pouce en l’air pour dire MERCI.  Sur la gauche… la Tour Effel, je ne l’ai jamais vue d’aussi près !  Puis, le 1er tunnel arrive… interminable… un coureur  scande un « PONPONPONPONPONPONPONPON » et d’autres répondent  en cœur « OLE »… sans moi… les cris résonnent dans ma tête,  ma montre GPS perd le satellite…  j’ai hâte de revoir la lumière du jour… A la sortie, je regarde ma montre qui est devenue folle et indique 55km/h…  PRENEZ-GARDE LES KENYANS, J’ARRIVE !! – LOL  – Les 2 autres tunnels sont heureusement plus courts, l’ami boute-en-train est toujours là : « vous êteeees fatigués » / « on n’est pas fatigués »… un coureur près de moi lance tout haut  « bah si, un peu quand même »… je souris…  

Depuis le début, je l’attends…. Le voilà… le 30ekm… Vais-je rencontrer le fameux « mur » tant redouté des marathoniens ??  Tout à coup, j’entends une voix familière dans la foule, c’est mon mari David, et Elodie qui m’encouragent !!!

Pendant les  prochains kilomètres je n’aurai de cesse de slalomer entre les coureurs qui se trainent tant bien que mal. Je suis parfois très fortement ralentie, le temps d’arriver à me frayer un passage… après il faut relancer, ça fait mal aux jambes… Je suis agacée, j’ai envie de crier « MAIS POUSSEZ-VOUS, LAISSEZ-MOI COURIR !!! » mais je ronge mon frein ; si ça se trouve, je serai peut-être dans la même galère dans peu de temps et puis, pas la peine de perdre son énergie à gueuler… Une coureuse est en revanche moins patiente et compréhensive que moi : elle bouscule les concurrents en peine en lançant un « PUTAIN » excédé… pas très sympa…  

38ekm, toujours aucun "mur" en vue 39ekm, un moment de grâce…  C’est incroyablement facile… je regarde ma montre : 11km/h… oula… doucement cocotte… « I believe I can fly, I believe I can touch the sky ». Je pense un instant à zapper le ravito du 40ekm pour voler vers l’arrivée mais je n’en ferai rien, je ne vais pas déconner si proche du but !

40e km, David et Elodie sont là à nouveau !! la foule hurle : BRAVO, BRAVO, VOUS Y ETES, VOUS ALLEZ LE FAIRE !!!!!! oui, j’y suis, je vais le faire, maintenant je le sais…

41ekm,  le meneur d’allure des 4h, dont j’avais aperçue la flamme au départ, est maintenant à une dizaine de mètres devant moi,  je ne m’étais pas rendue compte que j’étais sur le point de le rattraper…

42ekm, j’accélère… 12.5km/h…  Je double le meneur d’allure sans même le voir (je le constaterai, à ma grande surprise sur la vidéo), l’émotion me submerge… un de ces moments de bonheur qu’on se prend en pleine tête et qui nous fait venir les larmes…. Je passe la ligne d’arrivée, la main devant la bouche pour tenter d’étouffer mes sanglots…. des sanglots de joie, de fierté….

J’ai relevé le défi, MON défi, je suis marathonienne, finisher en 4h00 et 38secondes…  17378e au classement et 902e de ma catégorie sur 3678 participantes… Je retrouve mon mari, je pleure dans ses bras…  Jérôme a terminé en 3h17, il est exténué mais heureux lui-aussi…  C’EST UNE BELLE JOURNEE !