Ils sont près de 200 000 à s'être réuni sur la place Saint-Pierre à Rome ce dimanche, en soutien au pape Benoit XVI, suite à l'annulation volontaire par sécurité de sa visite prévue initialement le 16 janvier à l'université de la Sapienza, où des manifestations laïcistes d'une soixantaine de professeurs, ainsi que de certains étudiants, qui avaient décrété un déjeuner social avec porc et vin à volonté. De leur propre aveu, les 200 000 personnes viennent soutenir le pape, mais aussi "la démocratie italienne". « Benoît XVI, on t'aime et on te fait confiance », et parfois « Le Christ, la vraie Sagesse », disent-ils, sagesse par opposition au nom de l'université (sagesse =sapienza). Les manifestations laïcistes ont parfois choqué en Italie, d'autant que le pape ne venait pas en position d'imposer, mais simplement, selon son discours, qui finalement a été envoyé malgré cela à l'université, donner simplement une "leçon".

Le 17 janvier, l'Osservatore Romano, publiait le texte intégral que le pape aurait du prononcer, lui donnant pour titre: "Je ne viens pas imposer la foi, mais solliciter le courage de la vérité", entamant une série de témoignage de soutien au pape dans tout le monde italien. Le ministre de l'Université et de la recherche, Fabio Mussi,est intervenu pour dire: « Donner la parole au pape, ce n'est pas attenter à la laïcité ». « L'université est laïque, c'est-à-dire, a-t-il dit, libre, tolérante, ouverte. S'il y a un lieu où la règle est la parole, la parole de tous, c'est l'Universitas », et Le représentant des étudiants, Gianluca Senatore, a également expliqué: « Je veux exprimer le mécontentement sincère et profond de la très grande majorité des étudiants, laïcs et catholiques, croyants et non-croyants, du fait que Benoît XVI ne soit pas présent ici », le maire de Rome, repris par radio Vatican et l'agence "Zenit" : "Vous qui enseignez dans une université prestigieuse, vous savez bien que le devoir de rappeler par les principes de votre discipline, quelle qu'elle soit, qu'il ne doit jamais arriver que l'intolérance enlève la parole à quelqu'un. En aucun cas (applaudissements) et encore moins lorsqu'il s'agit de thèmes qui ont à faire avec les droits universels de l'homme, et lorsque celui qui exprime une telle opinion est une figure comme Benoît XVI qui, pour des millions et des millions de personnes (applaudissements) du monde entier représente une référence spirituelle, culturelle et morale d'une très grande élévation et incontournable". D'autres réactions ont suivi, en soutien au pape, dans leur quasi totalité, et toute la presse italienne a voulu défendre la liberté d'expression, à ce sujet.
 
Que s'est-il passé? Tout semble parti d'une parole attribuée au pape mais qu'il n'aurait jamais prononcée au sujet de Galillée, alors qu'il était cardinal en 1990, au cours d'une conférence à laquelle il était présent, dans la même université, et où il l'aurait justement défendu. Pour l'un des professeurs qui manifestait, la visite du pape représentait une "incroyable violation de la tradition d'autonomie des universités". Pourtant, à lire le discours de Benoit XVI, il venait en effet simplement disserter comme il le fit à Ratisbonne, où déjà on lui avait attribué une citation qu'il faisait. Dans ce contexte, le pape n'est pas "infaillible", il peut comme tout autre intervenant être contredit, et il ne se présentait pas non plus comme une autorité hiérarchique dans l'établissement. Son discours, qui finalement aurait dû ne pas dépasser l'enceinte de l'université, a été lu dans le monde entier à présent, et dans la soirée de sa parution avec le texte intégral de l'intervention prévue, l'Osservatore Romano était épuisé, et introuvable. Le pape y rappelle l'attachement du vatican à cet établissement, créé par un de ses prédécesseurs par le passé, et offre une réflexion sur sa propre présence en ces lieux. Qu'est ce qu'un pape a à faire dans une université? Quel est son rôle en tant que pape? Quel est celui de l'université? Que peut-il apporter à la recherche de vérité dans une école, etc, etc. Le discours parle surtout de la recherche de la Vérité, et comme à Ratisbonne, il rappelle l'importance de la raison dans la foi, et de la foi pour la raison, notamment dans le domaine de l'éthique, après une réflexion sur l'histoire de la science, son utilité pour le christianisme et son histoire avec lui.
 
Quelques extraits du discours: "Le Pape parle comme le représentant d'une communauté de croyants dans laquelle, au cours des siècles de son existence, a mûri une sagesse déterminée de la vie ; il parle comme le représentant d'une communauté qui conserve en soi un trésor de connaissance et d'expérience éthiques, qui est important pour l'humanité tout entière : en ce sens, il parle comme le représentant d'une raison éthique." Et son discours finit par: "Je retourne ainsi à mon point de départ. Qu'est-ce que le Pape a à faire ou à dire à l'université ? Assurément, il ne doit pas tenter d'imposer aux autres de manière autoritaire la foi, qui peut seulement être donnée en liberté. Au-delà de son ministère de pasteur dans l'Eglise et sur la base de la nature intrinsèque de ce ministère pastoral, il est de son devoir de maintenir vive la sensibilité pour la vérité ; inviter toujours à nouveau la raison à se mettre à la recherche du vrai, du bien, de Dieu et, sur ce chemin, la solliciter à découvrir les lumières utiles apparues au fil de l'histoire de la foi chrétienne et à percevoir ainsi Jésus Christ comme la lumière qui éclaire l'histoire et aide à trouver le chemin vers l'avenir."
 
Le pape ne représente donc bien sûr pas un parti politique, mais juste une raison éthique dans ce cadre. Sur la place Saint Pierre, les 200 000 personnes ont ovationné un pape ému, tout au long de son discours, après l'angélus "En tant que professeur émérite, explique-t-il, pour ainsi dire, qui a rencontré beaucoup d'étudiants tout le long de sa vie, je vous encourage tous, chers universitaires, à être toujours respectueux des opinions d'autrui et à rechercher – ( Ndlr: longue ovation) -, avec un esprit libre et responsable, la vérité et le bien."
Les professeurs de l'université ayant manifesté leur opposition à la visite du pape, ne représentent que 65 professeurs sur 4500, et les étudiants qui les ont suivi ne représentaient qu'une petite minorité, suffisante toutefois à créer une gène à la venue du pape.