Xavier Monnier, de Bakchich.info, n’est pas loin de s’indigner de la manière dont Stéphane Hessel se voit exposé à la vindicte d’une partie de « leaders d’opinion » salissant sa réputation. L’auteur du désormais fameux Indignez-vous suscite des détracteurs qui n’y vont pas avec le dos de la cuillère. Stéphane Hessel ne mérite certes pas cette opprobre fort intéressée qui sert de son nom comme d’un prétexte.
Tout d’abord, mettons les choses au point. Juiverie, ici employé en tant que nouveau néologisme visant à désigner plus qu’autre chose un processus de fabrication et l’entreprise qui le met en œuvre, ne se réfère qu’à une communauté, parmi tant d’autres, qui se rattachent soit à la culture juive, soit à la religion israélite, soit à l’actuel sionisme (si peu conforme à ses origines), soit à je ne sais quoi. Stéphane Hessel, d’ascendance juive comme nous le sommes toutes et tous à des degrés divers en Europe (et ailleurs), voudra sans doute bien le comprendre, tout comme divers groupes de groupes de culture juive ou hébraïque qui ne me méconnaissent pas plus que je peux les connaître ou les avoir fréquentés (salutations amicales au passage).
Mais c’est à se demander si les nouveaux thuriféraires du Front national de Marine Le Pen ne cherchent pas à favoriser le vote Carl Lang (dissident du FN, plus ou moins proche de Mégret, et candidat à l’élection présidentielle).
J’ai tout lu et son contraire sur Stéphane Hessel.
Ce serait (conditionnel s’impose) un « prétendu résistant ».
Plus résistant en tout cas que le prétendu démolisseur du mur de Berlin, Nicolas Sarkozy. C’était déjà du lourd. Mais voici qu’un certain Gilles-William Goldnadel, ashkenaze, avocat défenseur d’Arcadi Gaydamak, de Maurice Arreckx, de Samuel Flatto-Sharon, auteur du Nouveau Bréviaire de la haine, s’en prend quasi-haineusement à Hessel. Décoré par Sarkozy de l’ordre national du Mérite, il a cependant à son actif d’avoir plaidé pour Oriana Fallaci contre le MRAP et la Ligue des droits de l’Homme.
Voilà que Le Vieil Homme m’indigne. C’est le titre de son pamphlet publié chez Jean-Claude Gawsewitch. Passons sur le fait, dérisoire, que Hessel ait pu ou non inspirer à Cassin des formulations de la Déclaration des droits de l’Homme. Perso, je ne saurais jamais, si, via Bernard Stasi, j’ai pu faire réfléchir Mitterrand sur la reconnaissance officielle de la Croatie. Hessel, 94 ans, est peut-être un « judéo-médiocre » (comme le qualifie Goldnadel), mais, franchement, on s’en fout totalement. Je ne sais si l’avenir me classera dans les « européano-médiocres » (la reconnaissance de la Croatie me semblait, à l’époque guerrière, un prélude à celle de la Serbie, ce qui est en passe de se vérifier, semble-t-il, et je peux m’être lourdement trompé sur ce que cela pourra impliquer pour l’Union européenne, dans je ne sais combien d’années).
Ce qui motive Goldnadel, outre sa publicité, c’est de favoriser un vote Le Pen ou Sarkozy, point. Pour des raisons personnelles que j’ignore, sans doute aussi parce qu’il pense sincèrement que tout ce qui conforte le peuple palestinien fragilise la classe possédante israélienne. C’est du moins ce que je tente de comprendre, sans être forcément sûr de la validité de mon raisonnement.
Proche, selon Xavier Monnier, de Patrick Buisson, le très droitier conseiller de Sarkozy, transfuge du Front national, Goldnadel, qui avait œuvré pour que Marine Le Pen soit reçue ès-statut de figure politique française en Israël, n’a qu’une obsession. Hessel serait anti-israélien. Ce qui reste à démontrer.
Il est reproché à Hessel de ne pas dénoncer toutes les atteintes aux droits de par le monde. Mais de se concentrer sur le sort des Palestiniens. Que Goldnadel donne l’exemple et s’inquiète du sort de certains musulmans en Chine. Dieu (dont je doute très fort de l’existence) serait censé savoir ô combien je ne porte pas plus l’islam que le judaïsme ou le christianisme dans mon cœur. Mais des femmes et des hommes, avant d’être des musulmans, des chrétiens ou des israélites, sont des humains, non ?
Humains, donc disposant de ce que la vulgate chrétienne nomme un libre-arbitre. La seule question que pose Goldnadel, c’est bien celle-là : où se situe son libre-arbitre ? Du côté du portefeuille (de clients, aussi…) ?
Cela frôle l’abject. Des gens de culture juive se retrouvent sommés d’abonder dans la défense et l’illustration de la politique de la droite israélienne actuelle ou de se voir dénier toute identité rattachée à leurs racines ou des modes de pensées valorisant des conceptions d’une, ou de variées, judaïté. Lesquels sont forcément très divers, contrastés, voire parfois antagonistes.
On a connu aussi cela en Bretagne. Le totalitarisme à la Goldnadel, sous un autre nom, bien breton. Les Juifs, de toutes origines, de Bretagne, qui ont survécu, s’en souviennent… Et ceux-là savent faire la différence entre un Goldnadel et un Hessel.