En réponse à la plainte de producteurs d'émissions de télévision, en octobre 2006, la police espagnole avait fait fermer le site Sharemula.com qui proposait des liens P2P permettant aux internautes de télécharger de la musique et des films. Les propriétaires du site avaient été arrêtés. Or, la semaine passée, le juge De Porres a fait relaxer les détenus et a déclaré que les internautes qui avaient utilisé ce site pour télécharger de la musique ou des films n'étaient pas coupables, eux non plus.

Les explications du juge semblent cohérentes : d'après lui, le site Sharemula.com ne déroge pas à la Loi de propriété intellectuelle puisqu'il n'abrite aucune oeuvre, seulement des liens qui sont en fait les adresses des ordinateurs de particulier possédant ces oeuvres. D'après De Porres, si ce site était illégal alors, tous les journaux ou magazines offrant à leurs lecteurs un programme de télévision indiquant où et quand les téléspectateurs peuvent enregistrer des films ou des émissions protégées par la Loi de propriété intellectuelle seraient eux aussi illégaux ! Sharemula.com ne vend ni ne donne du contenu protégé, il propose seulement des adresses où se trouve ce contenu.

Toujours selon ce juge, si l'on considère que les internautes sont " coupables " de téléchargement illégal, alors, serait aussi coupable toute personne ayant enregistré de la musique à la radio, ou ayant enregistré un film présenté à la télévision qui aurait ensuite prêté la cassette à une autre personne. Selon cette interprétation du juge De Porres, ne seraient réellement coupables que les personnes faisant commerce de ces oeuvres. À ce même titre, jamais on n'a accusé quelqu'un parce qu'il avait prêté un livre qu'il avait déjà lu.

Apparemment, en Espagne, les juges refusant de fermer des sites P2P n'ayant pas de vocation commerciale et refusant d'inculper des internautes indélicats seraient de plus en plus nombreux. Cette attitude modifiera-t-elle la vision que les autorités françaises ont du problème du téléchargement illégal, j'en doute, mais comme Internet n'a pas de frontières, si cette décision du juge De Porres fait jurisprudence, ne risque-t-on pas de voir fleurir les sites P2P en Espagne ?