Finalement, on est bien rétribué sur C4N. Come4News devrait s’adresser à l’ANPE, pardon, au Pôle emploi, pour recruter à ce tarif… D’une part, il y aurait toutes les chances que l’annonce passe (le Pôle emploi, comme autrefois l’ANPE, ne refuse pas les annonces d’employeurs, pratiquement quelles qu’elles soient), et cela ferait de la visibilité à bon compte… C’est sans doute idiot, irréfléchi, mais en voyant qu’une société rémunérait 15 euros de la journée pour aller taper des plaques sur toute la France, j’ai réagi comme devant un chiffon rouge.

Quinze euros de la journée. Cela fait combien de l’heure si, au volant ou guidon de votre véhicule, on vous envoie à trois ou quatre heures de route de votre domicile, ne serait-ce que pour couvrir, l’espace d’une petite heure, un sujet quelconque ? Et dans la presse, la pub, la com’, c’est bien connu, on ne doit pas compter ses heures… En revanche, c’est parfois de sacrées responsabilités : la personne qui se retrouve citée dans un fait-divers se suicide, un chauffard irascible vient perturber pendant des heures, parfois armé, la rédaction,  après un compte-rendu qui lui fait craindre que son assurance n’accordera pas foi à son constat « amiable », la profession vino-viticole champenoise entre en émoi parce qu’un confrère à qualifié, en gros titres, de champagne des effervescents (sparklers) californiens, &c. Bref, il convient de vérifier soigneusement ses infos. Là, je n’excluerais pas une coquille, et à cette heure tardive de la nuit, qui se poursuivra à traquer les infos sur Haïti, il est sûr que je devrais différer, attendre lundi pour obtenir la fameuse tonalité du standard du Pôle Emploi…
Haïti attendra. Je sais, c’est futile. Voici donc une société de production audiovisuelle institutionnelle et publicitaire du Val-de-Marne (mais elle pourrait être du Neuf-Deux) qui a besoin d’un photographe pour un mois. L’expérience souhaitée est de deux ans, mais il n’y a pas de conditions de diplôme. Bah, on a vu pire. Des mentions Celsa, Sciences Po, CFJ-CPJ, pour des postes en grande banlieue, des cinq ans miminum, et toujours, comme c’est le cas, l’exigence de disposer d’un véhicule.
Cela s’adresse à des précaires, issus d’écoles qu’ils ont parfois, voire le plus souvent intégrées à Bac+3 et davantage, qui ont fait, deux années durant, des stages trimestriels en sus de celui d’été, &c. Parfois, enseignant dans l’une de ces multiples écoles qui vont faire grossir aussi le tiers de chômeurs que comptent les professions du journalisme, je me demandait ce qu’il adviendrait d’une promotion. Au Cuej de Strasbourg, me retrouvant OS3 sur presse aux Forges de Strasbourg en compagnie d’une condisciple qui a très vite opté pour une toute autre voie, je me disait que les petits boulots n’auraient qu’un temps. Ce fut le cas, jusqu’au premier licenciement.
Les petits boulots m’avaient permis de financer, à mes frais, une formation de dactylo, mon permis de conduire, mais pas vraiment l’achat (à un prix d’ami dérisoire) d’une 4L trois vitesses âgée d’une bonne vingtaine d’années. Mais en général, ce sont les parents qui payent les formations, puis le véhicule afin de pouvoir aller faire des stages en petites locales (au mieux, on bénéficie d’un véhicule de service, donc pas question de rentrer chez soi à moins de prendre le bus, puis le train, et souvent encore un bus). Bref, les parents subventionnent les entreprises.
Si l’école est agrée par la profession, le stagiaire est à peu près correctement rémunéré. Mais même les plus grands titres « embauchent » sur des stages dits d’observation, non rémunérés. Pour les boîtes ne disposant que d’un·e jeune redchef·fe, la rémunération de stagiaires est parfois préférée à l’emploi de pigistes (à moins de 50 euros le feuillet, lequel peut exiger déplacements, heures de travail). On se souvient du magazine 20 ans qui avait une très jeune stagiaire pour redcheffe au minimum légal de 300 euros du mois. Les piges étaient payées de cinq à dix euros, non pas le feuillet (la plupart des sujets, hormis les dossiers, très, très mal rémunérés, ne dépassent guère le feuillet dans ce type de presse, cependant) mais l’article. Le gratuit 20 minutes s’était offert méchamment 20 ans. La rédactrice en chef, 19 ans, menait ses conf’ de rédac via MSN, le directeur de la publication, Frédéric Truskolaski, ne savait pas qui avait émis un courriel proposant dix euros pour deux pages, mais tout a dû sans doute rentrer dans l’ordre. Ordre moral ? Aux dernières nouvelles, en mai 2009, la nouvelle redcheffe, Anne-Lise, 24 ans, avait été embauchée en CDI. Depuis, silence radio.
Bah, les écoles de journalisme, cela ne manque guère. C’est sur Categorynet (.com) que j’ai appris que Jean-Pierre Foucault allait ouvrir, avec Pape Diouf, une école de journalisme à Marseille. Je ne sais si on y verra Foucault plus d’une fois par mois…
Actuellement, si les propositions de collaboration en droits d’auteur ne se tarissent pas, c’est le statut d’auto-entrepreneur qui gagne du terrain : vous facturez vos collaborations, l’entreprise est moins « chargée » et ne vous doit rien en cas de maladie, interruption des piges, &c.
Bon, allez, l’actualité heureuse me le rappelle : le Centre opérationnel des médias de Port-au-Prince, soutenu par ce qu’il subsiste du gouvernement haïtien et la ministre de la Culture, Marie-Laurence Jocelyn-Lassègue, vient d’ouvrir rue Cheriez, au Canapé-Vert. Mickaëlle Jean, gouverneure générale du Canada, s’est adressée depuis le centre, en créole, hier 22 janvier 2009, au « peuple haïtien ». J’imagine qu’il s’en trouvera bien quelques-uns pour tenter le coup de financer le trajet vers Haïti en espérant rentabiliser avec des feuillets payés 30 euros pièce…