Deux grands moments de télévision hier soir à propos d’Hernani, ou l’honneur umpiste, la grande pièce montée au théâtre de la rue de Vaugirard, siège de l’UMP. Doña Sol de Silva était un aussi beau parti que la principale formation de la droite française, qui vaut bien un duel, une bataille… Dans la salle, les journalistes s’échauffent, et Olivier Mazerolle (BFMTV) s’emporte, crie au scandale. C’est aussi en coulisses que se joue le sort de la pièce, et les machinos d’A2, lors d’un sujet sur les Restos du Cœur, illustrent le passage audio sur les Enfoirés d’un immense incrustation écran de Jean-François Copé et François Fillon. Nous en sommes à l’acte IV, scène 3, avec en silhouette un huissier. Suivra la scène 4, avec le « dîner de cons » : Sarkozy, Fillon, avec Copé sous la table… Sans surprise, la Conare (commission des recours) a confirmé la victoire de Copé avec 952 voix d’avance, dues à un tiers de votes par procuration, et des bulletins de correspondance qui ne sont jamais parvenu à certains destinataires.

Totale hilarité, hier soir, au cours du JT d’Antenne 2. La voix de journaliste, en off, monte en léger crescendo pour évoquer « les Enfoirés ». Et là, sur le grand écran du fond du studio, apparaissent les deux bobines de Fillon et Copé !
Le fait sera signalé à la présentatrice qui devra, avec un flegme qui lui vaut l’admiration totale et durable de toute la profession, faire état d’une « erreur technique » pour justifier cet apparentement terrible.

Thierry de Cabarrus, journaliste honoraire (soit retraité), sur Le Plus, évoque ainsi le véritable pétage de plomb d’Olivier Mazerolle sur BFMTV. Mazerolle est fatigué, énervé, et il s’emporte au moment où Florence Duprat évoque « l’ego » d’Alain Juppé. Sur la foi d’une rumeur persistante, Mazerolle, alors directeur de la rédaction de France 2, fait annoncer par Pujadas le retrait total de la politique d’Alain Juppé qui vient d’être condamné dans l’affaire des emplois fictifs de la Ville de Paris.
Au même moment, sur TF1, Juppé annonce sa démission de ses fauteuils bordelais, mais aussi bien fort qu’il ne part pas durablement pour Canossa (Québec), il fera son retour en politique.
Mazerolle sera contraint de démissionner… Arlette Chabot le remplace.

Or donc, question ego de Juppé, Mazerolle en connaît un rayon. Jamais Juppé n’accepterait d’être le supplétif d’un certain copéiste, Yannick Paernotte, responsable de la Conarde, la Commission nationale des recours de l’UMP !

Inepties

« J’en ai marre d’être obligé de commenter des inepties (…) J’ai l’impression d’être aux Guignols », s’exclame Mazerolle. L’impression n’est pas fausse. « L’UMP pourrie » (dixit Mazerolle, hors de lui) poursuit sa bataille.

Ce matin, l’huissier dépêché par Fillon au siège de l’UMP pour récupérer les originaux des votes se voit éconduit. Un autre huissier, mandaté par la bande à Copé, a déjà fait mettre des scellés. Sur quoi au juste ? Le clan Fillon ne pourra plus le dire que par avocats interposés. Car Fillon porte plainte devant la justice. Il produira ses propres photocopies des recensions des votes. Lesquelles pourront toujours être entachées de suspicion « légitime ».

Les « neutres » et les « mous » divisés

À l’UMP, les « neutres », soit ceux qui n’ont pas pris parti avant le vote ou depuis, rivalisent d’imagination et de recettes supposées acceptables par la bande et le clan pour faire un retour médiatique. Certains semblent donner raison à Copé. Juppé pourrait bien être tenté de rester président de l’UMP jusqu’aux primaires pour la présidentielle. Ou, comme Damien Meslot (pro-Fillon), plaident pour un nouveau vote limité aux circonscriptions litigieuses afin d’éviter la formation d’un second groupe parlementaire dans les deux chambres.

Ceux, rares, qui se taisent encore, attendent que Copé ou Fillon leur promettent on ne sait quoi. Si ce n’est un poste dans les instances, du moins l’assurance de pouvoir intervenir dans les médias. Leur ralliement à l’UDI ou au FN ne leur rapporterait pas grand’ chose. Les deux formations veulent bien des adhérents, mais pas question de faire de la place visible à des ralliés trop notoires qui feraient de l’ombre aux historiques ou aux ralliés du bon moment.

Copé a pris l’UMP à la hussarde. Ses militantes de bases raffolent d’un chef, d’un reitre, et elles avaient plébiscité Sarkozy, qui leur avait plus ou moins fait le même coup sur des coins de table. Saillies par un Bonaparte, elles se voyaient déjà dans la couche d’un Napoléon. Vive le successeur.
Pendant cinq ans, Sarkozy n’a guère fait autre chose que leur donner des coups de langue. Qu’importe son réel bilan, il a su donner le plaisir de voir et entendre. Qu’on ne s’étonne pas qu’elles en redemandent, tout comme les militants qui, faute de pouvoir scander « Marine, Marine » ou « Nicolas, Nicolas », veulent entonner des « Jean-François, Jean-François ! ».

Car le François, certes mieux vu de l’électorat que Jean-François, n’enthousiasme pas. Trop tiède. Voire fadasse. Pas du genre à saisir le grognard par l’oreille, ou à claquer la bise en palpant le bourrelet de la cantinière.

Ce qui précède est en tout cas le prolongement de l’analyse de Jack Dion (Marianne) qui titre que Copé est le fils spirituel de Sarkozy, « père de la “droite décomplexée“ ». Copé se calque sur la méthode Sarkozy, qui a profondément intoxiqué la base de l’UMP. C’est addictif. Ce n’est pas qu’une question de formule, mais d’attitude, de stature, de coups de menton mussoliniens.

Dominique Dord (pro-Fillon), successeur de Woerth, n’a pas envie de combler le déficit de l’UMP (50 millions d’euros à trouver avant juin) en tant que trésorier. Il dénonce la gabegie dispendieuse de la campagne de Copé qui a rétribué des aides et collaborateur pour 200 000 euros, multiplié les déplacements, les notes de frais, &c. La base copéiste applaudit. Tous les moyens sont bons pour l’emporter, c’est là l’héritage de Sarkozy, bravo !

Revoter, comme le suggère Kosciusko-Morizet ? Bis repetitam. Qui contrôlerait l’équipe de Copé ? Selon Yves Thréard, l’éditorialiste du Figaro, il faudrait que le vote s’organise sous la tutelle d’un collège de personnalités irréprochables. Sous le tutu de la tutelle, des Balkany irréprochables ? Allons donc ? Qui voudrait encore se mouiller ?
Le même Thréard feint de croire que les électeurs de droite veulent encore entendre parler de croissance, de réduction du chômage, de compétitivité, d’éducation. Après un Sarkozy, oui, peut-être que des électrices et électeurs de droite s’y intéressent encore. Mais à l’UMP, la base veut entendre parler de pains au chocolat, d’Auvergnats, et, décomplexée, nourrir ses fantasmes.

Exit Juppé

Alain Juppé est rentré à Bordeaux et se refuse à toute déclaration publique. Morano estime que 20&bnsp;% de l’appareil de l’UMP était favorable à Fillon. Sinon, « si l’appareil avait été favorable à Copé, il aurait gagné à 70 % ». C’est donc les deux-tiers de l’appareil qu’il faut virer. De quoi nourrir des ambitions.

C’est pourquoi des députés, comme Lionel Tardy ou Michel Piron, veulent la formation de groupes parlementaires fillonistes à l’Assemblée ou au Sénat. Sinon, plus de temps de parole.

On comprend bien que Balkany ne veuille pas que Fillon attaque Copé en justice, tout comme Morano. Fillon, après avoir déjeuné avec Sarkozy (cela durait encore à 14:30 ce jour, huit minutes plus tard, Fillon sortait sans un mot), l’annoncera ou l’infirmera dans une conférence de presse, avant 18 heures, par la voix de Jérôme Chartier.

Son problème, à Fillon, est le suivant. Il conserve la confiance des encartés mécaniques, qu’on ne voit jamais dans les permanences, très rarement aux réunions, celle de l’appareil, mais la base militante s’est donnée à la motion La Droite forte, donc à Copé. Cette base a toujours pesé très peu, mais, là, avec Copé, Morano, elle s’y croit. Elle n’est pas prête à se rallier à Fillon et veut Copé.
Elle ne s’en remettrait pas ou plus, à un improbable médiateur. Et d’ailleurs qui ? Lefebvre ? Mickaël Vendetta qui a préféré claquer la porte ?

Le vrai problème de Copé à présent, c’est Guillaume Peltier, Camille Bedin, Geoffroy Didier, de la motion La Droite forte : les dauphins ont les dents longues. Ils concluent : « Nous vous proposerons dans les prochaines semaines un mode d’organisation pour poursuivre notre travail au service de notre famille politique, au service de l’UMP, au service de la France. ». Au service d’eux-mêmes aussi, bien évidemment. Ils se posent en appareil-bis.

A-t-on besoin de l’UMP ?

Mais le plus grave problème est peut-être révélé par la chute de l’article de Thomas Legrad, sur Slate. « Ce que nous montrent Copé et Fillon par leur attitude, c’est peut-être que le paysage politique français n’a plus besoin de l’UMP… sinon pour nous distraire. ». Dans ce cas, deux UMP valent mieux qu’une. Une « forte » (comme le veut la motion majoritaire), une molle, de caciques, pour en revenir aux raffarinades, aux bons mots d’un Mariani ou d’un Santini. Si, ensemble, plus rien n’est possible, s’il y a bien, en dépit des déclarations, deux lignes à l’UMP, autant que cela soit clair.
Enfin, au moins jusqu’aux municipales, lors desquelles d’âpres négociations pour les investitures révéleront qui se prononce pour qui ou quoi…

Pour l’instant, où en sont-ils ? Fillon doit d’abord saisir un tribunal en référé, puis une instance qui pourrait dire si le vote est entaché d’irrégularités (non prise en compte des votes de l’outremer). Mais les magistrats peuvent aussi s’en laver les mains et renvoie de nouveau vers la Conare (la commission nationale des recours). Il faudrait alors faire valoir que des détournements de fonds (ce qu’affirme Dord, le trésorier démissionnaire) entraîneraient de faire condamner X qui pourrait être Copé et consorts, pénalement.

Ce n’est plus seulement la saisie judiciaire des données électorales qui serait réclamée (Me  Jean-Pierre Versini-Campinchi, pour Copé, euh, pardon, pour l’UMP, veut retarder la saisie conservatoire pour ne pas « paralyser l’activité du parti » – quelle activité au juste ?), mais la saisie des comptes de cette association particulière qu’est un parti tel l’UMP.
Un beau déballage en perspective.

Christian Estrosi (pro-Fillon) déclare crument : « comment être légitime quand le trésorier du parti démissionne en dénonçant l’utilisation abusive des moyens du parti par l’un des candidats ? ».
Rigolo, une formation qui a tout mis en œuvre pour que les abus de biens sociaux soient masqués, amnistiés, frappés de prescription, et très peu sanctionnés, se retrouverait à déplorer la trop grande mansuétude de la justice à cet égard ? On aura tout vu.
Et par la voix de Sarkozy ? Eh non, ce dernier préfère se taire. Il préfère jouer les conciliateurs en coulisses entre les Enfoirés. Peut-être craint-il aussi que les Françaises et les Français n’aient pas la mémoire si courte, contrairement à ce qu’estimait De Gaulle.

Mais faire comprendre à la base de l’UMP qu’il se retrouve dans la position d’un capo mafieux ayant encouragé, pour mieux régner, la guerre entre ses seconds couteaux, et se retrouvant impuissant, serait une toute autre histoire. Elle ne veut pas entendre parler de bilan.

Au fait, trois législatives invalidées (Hérault, Val-de-Marne, Hauts-de-Seine) vont être rejouées, peut-être quatre avec Hénin-Beaumont (voir en commentaire). De qui se réclamer ? De l’UMP Canal historique ou de l’UMP originelle, traditionnelle ou rénovée ? De Sarkozy ? Au fait, elle viendra les soutenir, Carla Bruni, dans leurs réunions publiques ?

Fillon, lui, sera-t-il sollicité pour se déplacer ? Il est de nouveau officiellement battu. Par 952 voix d’avance. Fastoche : un tiers de votes par procurations, des bulletins de vote par correspondance sous plis mal affranchis pour que La Poste les retienne, et tout plein d’irrégularités en sa défaveur qui ont fait les délices du Canard enchaîné. Mais la Conare a préféré invalider les bulletins de Nice et de Nouvelle-Calédonie. C’était plus rapide et plus net pour Copé. Mais rien n’empêchera des élus ou des candidats de s’afficher plutôt avec Fillon.