Il y a des procès populaires que l’on fait sans aucune connaissance, la vindicte populaire abat souvent son verdict sans saisir les tenants et les aboutissants de l’affaire. L’émotion faisant souvent place à la raison au moment de rendre la sanction. Un exemple tout simple, l’araignée, elle a dans l’imaginaire collectif, elle a une très mauvaise image et pourtant elle est d’une grande utilité. De par ses fils, on pourrait construire des matériaux d’une solidité exceptionnelle et de par son venin, qui ne tue qu’une dizaine de personnes par an à travers le monde soit dit en passant, on pourrait confectionner des remèdes contre des maladies tel le cancer.
Depuis 2007, le petit reporter belge est accusé d’être la figure de proue du racisme colonialiste des années 1930. La plainte vient de M.Mondodo, un ancien élève de science politique, qui milite pour que Tintin au Congo, sa deuxième aventure, soit retiré des rayons des magasins. Il est vrai que dans les cases de l’album, les autochtones sont représentés par des traits grossiers et caricaturaux, baragouinant un langage archaïque et d’une stupidité à toute épreuve. Heureusement que Tintin arrive dans ses terres, considérées comme le terrain de chasse personnel du roi Léopold, pour apporter le savoir à ses gentils « sauvages ».
Nous assistons de pleine vue à ce que l’on appelait à l’époque « le fardeau de l’homme blanc ». Les occidentaux sensés apporter la civilisation dans ses régions sombres et obscures. L’œuvre d’Hergé est le parfait miroir des clichés et des a priori qui pouvaient véhiculer vis à vis des peuples vivants dans les territoires régis par l’Etat belge. En couchant son pinceau sur le papier, Geroge Rémi jouait le rôle d’observateur de son époque et ne montrait pas ses propres idéaux. Il s’inspirait des revues et des livres qu’il avait parcourus pour forger son scénario. Il ne s’est nullement déplacé sur le terrain pour dépeindre la réalité des choses.
Georges Rémi n’est pas exempt de tous défauts non plus, ses amitiés sont plus que douteuses. Il a noué dans sa jeunesse des liens avec Léon Degrelle, un personnage peu reluisant, fondateur du mouvement nationaliste et catholique, Rex, et ancien membre des Waffen SS.
Malgré ce côté obscur, Hergé est un humaniste qui a beaucoup dénoncé les inégalités. N’a-t-il pas décrié le régime nazi et notamment l’Anschluss dans le Sceptre d’Ottokar ? Ou encore, n’a-t-il pas signalé les exactions japonaises en Mandchourie dans le Lotus Bleu ? Bref, Hergé est un homme complexe avec des aspects louables et ayant une part d’ombre.
La justice belge a finalement tranché et a n’a pas entendu la requête de M.Mondodo. Le plaignant a été débouté. Les juges ont justifié leur verdict par le fait qu’Hergé quand il a réalisé sa BD était influencé par l’ambiance de l’époque et par les idées qui étaient communément acquises. Il n’était pas plus raciste qu’un autre belge ou qu’un français. Juste une illustration des préjugés.
Les magistrats ont également rejeté l’ultime demande de M.Mondodo qui était de mettre un bandeau tout autour du livre en précisant qu’il a été créé à un moment de l’Histoire où les mœurs tendancieux étaient de cours. La décision désole le CRAN, le Conseil Représentatif des Associations Noire, il n’en démord pas et reste noir de rage.