Timbuktu, le film de Abderrahmane Sissako

Ce film qui dénonce le  terrorisme nous transporte à Tombouctou dans une région vierge, d’une beauté époustouflante où confrontés à ce fléau, les Maliens tentent de résister. Des autochtones qui n’ont pas à avoir de complexe "pour n’être pas rentrés dans l’Histoire ; pour ne connaître que l’éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes, des mêmes paroles". Cette totale symbiose avec la nature doublée d’une foi saine leur confère une sagesse inestimable.  

L’entrée en matière du film donne vite le ton : toute cette plénitude est mise en péril suite à l’intrusion dans ce havre de paix des jihadistes, investis de la mission de redressement des moeurs ici-bas. Séparer le bon grain de l’ivraie ! Ce n’est pas une belle gazelle du désert qui sera épargnée par ces obscurantistes à la gâchette facile encore moins les vestiges culturels. A bord d’une jeep, ils sillonnent les lieux et invectivent les populations jugeant leurs accoutrements, leurs modes de vie non conformes à leurs lois. Même les mosquées où des croyants pratiquent humblement sont prises pour cible. Ils sévissent, forts d’un arsenal dissuasif dans lequel se mêlent lapidation, coups de fouet, mariages forcés, horreurs de tous genres ! Comble de l’ironie, ces nouveaux maîtres des lieux ne parlant pas le dialecte local, communiquent par l’intermédiaire de traducteurs. 

Sous le joug de leur tyrannie, nombreux indigènes prendront le chemin de l’exode. Esseulés, un couple de Touaregs, Kidane, Satima et leur fillette Toya, perdus dans une tente au milieu des dunes tentent de résister jusqu’au jour où surviendra un malheur : Issan leur petit berger parti abreuver au bord d’une rivière leur troupeau de vaches, en perd une, sa préférée ; dénommée GPS, la bête est morte, victime des foudres d’Amadou le pêcheur, pour avoir eu le malheur de se prendre les pattes dans ses filets. 

Kidane le pacifique que rien ou presque ne trouble se rend sur les lieux du crime pour comprendre et les choses tournent de travers. Un peu comme Meursault, Kidane lui, tuera Amadou, peut-être à cause du coucher du soleil, de l’humiliation, du vertige… Déjà que la justice ne pardonne pas, que dire quand elle vient d’imposteurs purs et durs qui se prennent pour des délégués de Dieu sur terre ! 

Par son incessant va et vient entre paisibles scènes de vie quotidienne et  opérations barbares des dénommés jihadistes, la mise en scène a couru le risque de saccader le film au profit d’une certaine atténuation de la dureté ambiante… Il y a aussi la beauté du désert ocre, des visages, des lumières, des troupeaux, du silence, de la simplicité, de la bande son. Film à voir ! 

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