Primaire à droite – « Je suis de gauche et j’irai voter Juppé »

Chez les sympathisants de la gauche une idée fait son chemin pour éviter un duel entre Marine Le Pen et Nicolas Sarkozy au deuxième tour de la présidentielle 2017. Voter pour Alain Juppé ! Ne nous attardons pas trop sur ce sondage d’Ipsos commandé par Cévipof / Le Monde paru le 6 juillet, sur un échantillon de 19 100 personnes. Mais plutôt sur la réalité de ce détournement d’une primaire qui appartient à la droite et au centre. L’étude prétend qu’ils seront 270 000 électeurs de gauche à « Squatter » les urnes de l’opposition. Ce chiffre n’est probablement pas très fiable, car combien changeront encore d’avis et combien se déplaceront réellement pour barrer la route à l’insupportable Sarkozy.

D’ailleurs, qui peut dire combien de sympathisants de droite, sans honte, ont déposé un bulletin de vote pour François Hollande pour éviter Martine Aubry lors des primaires socialistes de 2011. Oui, dans une moindre mesure des gens de droite sont probablement aussi responsables de l’élection de notre Président de la République, aujourd’hui à un piteux 15%. Ont-ils le rouge au front, faudrait leur poser la question, si jamais vous en trouvez un pour avouer son honteux méfait.

Certes, voter est un acte citoyen, mais voter dans une primaire serait plutôt une affaire de famille. Moralement n’est-ce pas répréhensible ? Encore que, la morale en politique…Surtout que voter le plus discrètement possible dans le camp de l’ennemi peut devenir une opération stratégique. Combien de socialistes donneront leur voix à Sarkozy, simplement parce qu’il est le seul que Hollande pourrait battre lors d’un improbable deuxième tour. Selon le sondage et un article sur Slate, ils seraient très peu nombreux à choisir cette option. Le « chouchou » des électeurs de gauche est incontestablement Juppé.

Le tout sauf Sarkozy va encore frapper à l’occasion de la primaire des Républicains, à gauche comme à droite d’ailleurs, car ils sont nombreux à vouloir l’achever définitivement. Pourtant, il n’y a pas l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarette entre les projets des principaux deux prétendants à la fonction suprême. Le rejet de l’ancien président est surtout une question de personnalité, mais n’oublions pas ses casseroles judiciaires, même si Juppé n’est pas irréprochable dans ce domaine. De plus, le maire de Bordeaux ne fera qu’un mandat et après cinq ans d’un régime droitier, le bon peuple de France dépouillé d’une grande partie de ses acquis sociaux, de ses chers fonctionnaires, de ses années en moins de retraite et de ses RTT, se précipitera dans les isoloirs pour réclamer le pouvoir pour la gauche. Ce n’est bien sûr qu’une hypothèse qu’il faudra vérifier, le peuple est si changeant.

Eviter à tout prix un 21 avril bis

C’est l’angoisse qui tétanise l’électorat de gauche qui ne veut pas avoir à choisir entre Le Pen et Sarkozy. Essayez un instant d’imaginer ce que pourrait promettre Sarkozy s’il se retrouvait face à la présidente du Front National dans la dernière ligne droite. Avec Sarkozy impossible n’est pas français, et si les électeurs préféraient l’original à la copie.

Le vote de la gauche à la primaire de droite, peut-il être décisif ?

Qui peut le dire sans risquer de se tromper lourdement, c’est bien là toute la vulnérabilité de ce genre de sondage. Le 20 et 27 novembre, combien d’électeurs masqués des gauches se déplaceront finalement pour éviter ce qu’ils considèrent comme le pire. Et si en définitif l’électorat providentiel d’Alain Juppé décidait de ne pas fausser la primaire de la droite et se disait… « Ce n’est pas mon problème, qu’ils se débrouillent entre eux ! « .

C’est oublier un peu vite que le gagnant de la primaire de droite sera presque sûrement le prochain chef d’Etat. C’est donc l’affaire de tout le monde.