La place de la France dans le monde

Au moment de m’inscrire sur Com4news.com, je n’avais aucune idée de la tendance générale animant un tel site sur le plan des idées. Or, depuis que je l’ai lu un certain nombre d’articles et de commentaires sur ce site, je me suis rendu compte, d’une part  de la grande facilité et de la grande qualité d’écriture des intervenants – et ce dans n’importe quel domaine – et d’autre part – et cela me chiffonne un peu, de cette sorte de nombrilisme très franchouillard qui pousse les rédacteurs à écrire des tonnes d’articles sur la manière de respirer de chacun des membres du gouvernement français, comme si le monde ne se limitait qu’à lui.

Quant au reste du monde, s’il existe des articles à son sujet, ils ne représentent pas le dixième de ce qu’ils devraient être compte tenu de l’évolution du monde, précisément.

 

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Et là est le problème de tous ceux qui ont trop bien réussi dans la vie : ne pas voir qu’autour d’eux le monde est train de changer, et, qui plus est, avec une telle rapidité qu’eux-mêmes ne vont pas tarder à être dépassés.

A cette aune-là, si la France, aujourd’hui, est l’une des grandes puissances de ce monde, on peut être assuré qu’elle va perdre une telle prérogative dans les  décennies à venir, ne serait-ce que parce que l’on ne peut pas être et avoir été.

 

En d’autres termes, si la France entrera à tout jamais dans l’Histoire comme celle qui fut la mère de l’Eglise au moment de l’effondrement de l’empire romain et de la conversion au christianisme des Rois Francs; ou comme comme celle qui produisit, à l’époque du siècle des Lumières, les plus grands philosophes et les plus grands humanistes; ou comme celle qui fit faire à l’humanité, suite à cela, les plus grands progrès, avec la Révolution Française, en terme de liberté et d’égalité; ou comme comme celle qui, plus tard, produisit de très  grands talents dans le monde de la culture, de la science et des arts; enfin comme celle qui, grâce à ses ingénieurs, eux aussi très talentueux, innova dans le domaine des transports (songeons au TGV ou au Concorde), des communications ou du nucléaire; cette France-là, qui est maintenant à son zénith, va, comme le soleil, redescendre avant de disparaître au-dessous de l’horizon.

Certes, avant de disparaître, peut-être renaîtra-t-elle de ses cendres une première fois, et, éventuellement aussi, une seconde fois; mais une fois ce délai écoulé, elle disparaîtra, et ce pour un bon bout de temps, dans les oubliettes de l’Histoire.

 

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On a beaucoup glosé, ces derniers temps, dans les chaumières françaises, sur le propos de M. Claude Guéant à propos de la civilisation. Et parce que tout  ce que j’ai lu sur ce sujet, à gauche comme à droite, me paraît être à côté de la question essentielle, il me paraît bon de rappeler ici comment se formèrent les civilisations dans l’histoire du monde.

Mais d’abord, il faut partir du principe qu’il n’est point de civilisation sans empire pour la mettre en oeuvre, y compris quand cet empire repose, comme c’est le cas aujourd’hui, sur la démocratie.

La preuve que celle-ci a besoin d’un empire pour régner ?

Si l’on ôtait,  aux Américains, aux Européens, aux Australiens, et à tous ceux qui vivent aujourd’hui sous la démocratie dans le monde, les armes dont ils disposent pour faire respecter, sur leur territoire, les valeurs fondamentales auxquelles ils croient, et, parmi elles, la démocratie, celle-ci cesserait tout bonnement d’exister.

Et ceci pour une raison que les utopistes ne reconnaîtront jamais: à savoir que le monde repose, au niveau international, sur des rapports de force, et ce quels que soient le ou les domaines où ces rapports s’exercent : politique, religion, idéologie, ect.

En d’autres termes, si la démocratie a pignon sur rue, aujourd’hui, dans d’importantes parties du monde, c’est non seulement en raison de la supériorité de ses propres principes, mais aussi parce que les pays pratiquant la démocratie se sont donnés les moyens militaires de la faire respecter sur leur propre territoire.

Cela va même plus loin, si l’on considère, à l’exemple de la France, que ce pays, lorsque Charles De Gaulle était au pouvoir, dota la France d’une capacité nucléaire qui coûta fort cher au pays, en terme de bien-être refusé à la population – en raison du coût du nucléaire –  mais qui, et c’est là le point positif de l’affaire – permit à la France de conserver une parfaite indépendance vis-à-vis de l’extérieur.

C’est là un facteur à ne pas oublier quand on compare la France, par exemple, à une Allemagne qui fut occcupée par les forces alliées issues du temps de guerre, et qui fut mise sous le parapluie de l’OTAN, en terme de nucléaire, face à la menace de l’Union Soviétique.

 

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Maintenant si l’on embrasse d’un seul regard toute l’histoire du monde (ce qui ne fera pas plaisir à ces intellectuels parisiens qui considèrent que le monde se limite aux cancans de Matignon et de l’Elysée), on s’apercoit que les  hommes, parce qu’ils ne sont pas Dieu et qu’ils désirent Lui ressembler, ont créé, chaque fois que l’occasion se présenta à eux – qu’il s’agisse d’eux-mêmes ou de leurs descendants  – des empires destinés à rendre hommage à leur propre grandeur.

Or, à chaque fois aussi,  ces empires sombrèrent à la mort du fondateur ou peu après, sous la pression, entre autres, des autres empires en formation, lesquels disparaîtront, à terme, pour les mêmes raisons; ce terme qui parfois durera plusieurs siècles durant lesquels le premier empire renaîtra de ses cendres sous la forme d’un second empire, et, éventuellement aussi, sous la forme d’un troisième empire, avant de sombrer pour très longtemps dans les oubliettes de l’Histoire.

Et ce qui vaut pour les empires au sens politique du terme, vaut également pour les empires au sens économique, et, finalement pour toutes les sortes d’empire possibles et imaginables (art, mode, idéologie, etc, etc.).

 

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 C’est ainsi que, sur le plan économique et commercial, certaines cités dominèrent leurs consoeurs pour des raisons x ou y, qu’il s’agisse des cités phéniciennes au premier millénaire avant JC, ou des cités ioniennes durant le même millénaire, ou des cités de la Flandre au 13e siècle de notre ère, ou des cités hanséatiques durant les siècles suivants, ou des cités italiennes (Venise, Florence, et, plus tard, Gênes) à l’époque de la Renaissance, ou d’une cité comme Amsterdam au 17ème siècle.

Toutes ces cités dominèrent leurs consoeurs avant de rentrer dans le rang, voire de régresser sur le chemin de l’Histoire.

Et ce qui vaut pour les cités vivant du commerce vaut également pour les Etats  au sens politique de ce terme.

C’est ainsi que certains princes ou certains rois, tous dirigeant une cité-Etat, créèrent des cités-royaumes ou des cités-empires sous l’Antiquité – qu’il s’agisse de Babylone en Mésopotamie, de Thèbes en Egypte, de Rome en Italie, et, plus près de nous, des rois Francs ou  Carolingiens.

Des empires furent également constitués par des gens qui furent de grands politiques et de grands stratèges sur le plan militaire : qu’il s’agisse d’Alexandre le Grand, de Gangis Khan, de certains empereurs romains, de certains dirigeants du monde musulman en formation, et, plus près de nous, de Napoléon Bonaparte.
 
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Ceci dit, quel que soit le domaine ou s’exerce l’empire (politique, religion, idéologie, art, langue, etc.) celui-ci, avant d’être ce qu’il est devenu, avait la taille d’une secte en concurrence avec d’autres, elle qui, en dominant les autres et en les intégrant dans son giron, parviendra à croître et à devenir, au maximum de sa croissance, un empire.

Puis une fois cet empire constitué, les luttes internes, la corruption, et tout le reste, sans parler de la concurrence soutenue par les autres empires en formation, fera que l’empire sortant finira par éclater et se morceller en de petits royaumes ou sous-royaumes (songeons, par exemple, aux royaumes de Juda et d’Israël issus du grand royaume de Salomon), eux-mêmes étant promis, avec le temps, à la disparition.

Et si, comme on l’a vu plus haut, l’empire connaîtra une nouvelle embellie, puis, éventuellement, une troisième (à l’exemple de l’Egypte ancienne gouvernée par les rois pharaons, ou à l’exemple de la cité de Gênes, à l’époque de la Renaissance, sur le plan commercial),  il finira par disparaître totalement de l’avant-scène qui le fit connaître au monde.

 

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Voilà pour ce qui concerne la loi générale.

S’agissant de la France et son avenir, celle-ci va, durant les siècles prochains, reculer tant et plus, dans l’échelle des nations, que tous les discours sur la grandeur de la France ne vaudront plus rien.

Ce jour-là, en effet, les chroniqueurs français, si le pays existe encore, parleront de leurs ancêtres avec le respect de ceux qui admirent ceux-là mêmes qui furent, à l’époque, des innovateurs ou des pionniers, qui  en développant les sciences, qui en instaurant la République, qui en innovant dans certains secteurs de la haute technologique, pemettant ainsi à l’humanité de faire d’importants progrès.  

 

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Pour l’heure, heureusement, nous n’en sommes pas là. Pour l’heure, les Européens, ces habitants du Premier Monde, regardent, avec la condescendance qui sied à tous les parvenus, ceux qui, de par le monde, ont moins bien réussi qu’eux.

Mais là est le problème de tous les parvenus : ne pas voir que le sablier de l’histoire finit toujours par se renverser, avec ce résultat que les derniers deviendront les premiers, et inversement.

A titre d’exemple, si l’on pouvait interroger, avec le recul de l’histoire, un Espagnol ou un Portugais  contemporain du 16 ème siècle, en lui demandant ce qu’il pense des Hollandais, des Allemands ou des Nordiques de son temps, il vous répondrait que ce sont des culs terreux sans culture, sans éducation, sans moyens financiers, et sans rien qui témoigne chez eux d’un semblant de civilisation.

Or, durant les trois siècles suivants, ces mêmes culs terreux vont faire la lecon à ces Espagnols et à ces Portugais qui avaient dominé le monde au 16ème siècle, en dominant eux-mêmes le monde.

CQFD

 

Claude Gétaz