Du bon et du mauvais opposant

Par Sami BEN ABDALLAH

 « Je suis devenu un renégat en m’attaquant dans mes écrits à Mohamed Charfi, Saadoun Zmerli et Khemais Chammari, des fondateurs de la LTDH, et à Mohamed Moada, leader du MDS, le principal parti d’opposition, des hommes canonisés par les démocrates tunisiens et les deux grosses boites des droits de l’Homme. J’ai touché à leur capital, à leurs investissements, à leurs cotations en Bourse sur le marché des droits de l’Homme en Tunisie. (..) Que puis-je faire, face à ces gens qui ont une réputation d’intellectuels indépendants, et qui le sont ? Comme pris dans un filet, je me résigne, si je bouge, je m’étrangle…Même mes plus fervents alliés, dans ces situations, m’abandonnent. Je n’ai pas usurpé ma réputation d’emmerdeur, tunisiequement incorrect. Dans les rapports des organisations de l’orthodoxie démocratique, je n’avais plus droit de cité. Les manitous de la presse internationale m’évitaient. « il n’est pas crédible…laissez tomber, il est brouillon, incapable d’analyser..il cherche à tout vampiriser… méfiez-vous, c’est un manipulateur. ».

Depuis Londres ou Paris, ils sont briefés par leurs chevaux de Troie : Kemal Jendoubi, Donatella Rovera…ces bons militants des droits de l’homme canalisent toutes les missions d’enquête et d’information, établissent les listes des personnalités « à voir absolument », « à éviter », « à éviter absolument »… généralement, c’est dans cette dernière  case que je figure ».

Taoufik BEN Brik, Le Rire de la baleine, pp 81-83, Éditions du Seuil, Novembre 2000.

M. Sahbi Amri était jusqu’à récemment un « bon opposant », il  exprimait avec des articles d’une rare violence, toute son opposition à M.Ben Ali. Il fût un temps où le net tunisien accouchait, presque quotidiennement, de ces dernières aventures avec la police politique tunisienne. Un jour, il est violemment agressé, un autre, menacé et un troisième interdit de travailler. Aujourd’hui, il est devenu un «mauvais opposant », il est accusé de «jouer le jeu du régime et de diviser l’opposition ». Sacrée union que M. Sahbi Amri risque de remettre en question !  Certains l’accusent même d’être «un flic »…on connaît la chanson qu’un quarteron de barons et de baronnes qui squattent les devants de la scène médiatique, nous chantent depuis des années. Un flic ? Et pourquoi faire ? y’a -t-il des secrets au sein de l’opposition ?  Ceux qui connaissent le microcosme tunisien ou parisien, savent pourtant que rien ne se cache, tout se communique.

Selon la terminologie officielle du pouvoir, M.Sahbi Amri était dans son passé, un «traître », «allié à des puissances occidentales », il a «vendu sa conscience à l’étranger » et «s’est fait le vecteur du mal contre son propre pays ». On croirait la Tunisie en guerre ! On connaît aussi la chanson du pouvoir tunisien. Les officiels ? « Ils sont des patriotes qui s’investissent, jour et nuit (ils ne dorment pas ?) pour le bien de la Tunisie et des Tunisiens, la gloire de la Tunisie et son image rayonnante dans le concert des nations..D’autant plus que la Tunisie -grâce à la clairvoyance de ses officiels- fait désormais partie des « rares pays »…personne ne vous expliquera quoique se soit ! Ce sont des «expressions » que les officiels répètent à volonté. Une sorte de distraction  et de défoulement. L’exemple le plus  criant de ce verbiage creux est l’appellation du dernier congrès du RCD, « le Défit » ! L’avant dernier Congrès fut appelé « l’Excellence ». Un non-sens ! Il y a des années, le pouvoir disait qu’on était «excellent » ! Aujourd’hui, on vous dit, « le défit ». On n’est plus excellent alors ?  Et puis, défier qui et quoi ? Défier la torture ? Les agressions lâches ? La corruption ?

Sahbi Amri n’est plus aujourd’hui un «traître » ou un «vendu ». Officiellement, il a retrouvé «le droit chemin ». Le Parti au pouvoir va-t-il le récompenser en lui offrant un an d’abonnement au journal du Parti, « Le Rounouveau » dans ses deux versions arabe et française ?  On ne le saura pas ! Mais ce qui est sûr, c’est qu’il lui serait difficile de continuer à publier ce qu’il écrit dans les journaux de la dissidence qui sont dissidents car ils militent pour «la liberté d’expression ».

On dit que nous vivons sous un « Etat policier ». Officiellement, vous êtes libre de tout dire et le Président est monté au créneau plusieurs fois pour « appeler les Tunisiens à s’exprimer en toute liberté ».  Officieusement, il y a des limites rouges qu’il ne faut pas dépasser ! Vous voulez critiquer ? On vous dira : « Eviter le Président, critiquez les ministres à volonté, Attention ! De préférence, évitez les Ministres de la Justice, de l’intérieur et de la défense ! Il s’agit de Ministères de souveraineté. Evitez aussi, le ministre du Tourisme, le Ministre des affaires religieuses, le Secrétaire d’Etat aux nouvelles technologies !  Evitez les sujets de la torture, de la corruption, des droits de l’homme, mais sinon pour le reste, vous êtes libres de critiquer ! ». Peut-on par exemple critiquer la réaction des autorités à propos du «sort » subi par l’ancien footballeur Tarek Dhiab pour avoir refusé de serrer la main du Ministre ? C’est du sport ! « Bien sûr ! C’est un acte grave car il remet en cause l’autorité et le prestige du Ministre ! Et le Ministre a été nommé par le Président ! Et le président a été élu par le peuple souverain en vertu de la Constitution ! L’affront fait au Ministre est un affront contre tout le peuple tunisien ! Et la Tunisie est un pays arabe. C’est donc un affront à la Nation arabe ? Et la Nation arabe fait partie de l’Humanité! C’est donc un affront à toute l’Humanité? Voilà, il faut dire cela, vous êtes libre de l’écrire ou de ne pas l’écrire ! À vrai dire, pourquoi critiquer ! Soyez constructif !  Personne n’a prétendu que le régime est parfait ! Il y a un processus démocratique, soutenez le plutôt que de le critiquer ». Mais ce processus durera combien  d’années encore?

Durant 31 ans, Bourguiba a réprimé toutes les libertés sous prétexte qu’il fallait se consacrer à la lutte contre le sous-développement ! 50 ans après, le sous-développement est là et tous regrettent l’absence des libertés ! Depuis 20 ans, pas un jour ne passe sans qu’on évoque les droits de l’homme en Tunisie. La  révision de la Constitution en 2002 a été officiellement justifiée par le fait d’inscrire les droits de l’homme dans la Constitution et probablement, une autre révision de la Constitution aura lieu dans un an ou deux -officiellement-pour inscrire les «droits de l’Homme » encore dans la Constitution… Mais sauf la parenthèse démocratique de 1987-1990, il y a cette impression que rien n’a changé ou presque ! Les mêmes flics, qui tabassent les mêmes dissidents qui confisquent les mêmes passeports.

Du coté de l’opposition,  c’est un tir nourri contre tous ceux «osent » formuler la moindre critique ! Untel c’est un Flic ! Untel est en mission commandée ! Officiellement, nous militons tous pour une liberté d’expression. Officieusement il y a une minorité qui impose à la majorité des limites à ne pas dépasser ! Si vous critiquer les islamistes ou le voile, on vous traitera d’éradicateur de Gauche et Ennahdha publiera le lendemain un Communiqué dans lequel  « il vous présentera comme l’instigateur d’une nouvelle croisade contre l’Islam » ! Si vous critiquer La Gauche, on vous traitera d’islamiste ! Et si vous l’êtes pas, on vous dira «  tu réfléchis comme un islamiste et tu n’en es  pas conscient » ! Si vous critiquez les féministes, l’ATFD vous gratifiera d’un Communiqué dans lequel elle vous accusera d’être « un machiste, sexiste, voulant atteindre aux acquis progressistes et civisationnels de la femme tunisienne ». Evitez donc  les islamistes, la Gauche, les féministes, les journalistes, les militants des Droits de l’Homme, sinon pour le reste, vous êtes vraiment libres de vous exprimer!

Allons y  donc pour la liberté d’expression mais attention à ne pas dépasser les limites. Et pourquoi donc ?  Ceux qui se prennent pour les martyrs vivants de la liberté d’expression vous expliqueront que «le régime risque de tirer profit de telle dénonciation et par conséquent, il faut se taire ! Ce n’est pas le moment » (j’ai connu des opposants qui depuis 10 ans déclarent : ce n’est pas le moment !).

A la vérité, toutes « ces histoires » sont des prétextes. Dans un cas comme dans l’autre. Il y a un ordre et il ne faut pas le remettre en cause car tout changement risque de nuire à ceux qui en tirent profit. Que gagnent-ils ? Le pouvoir et le fric. Cela est très visible du coté du pouvoir. Il est moins visible du coté de l’opposition car rares sont ceux qui se sont aventurés à évoquer ces sujets tabous ! La majorité ne méconnaît pas pourtant qu’une minorité d’opposants a instrumentalisé les luttes des tunisiens pour les libertés et les droits de l’homme.  Salaires, avantages en nature, remboursement de frais, subventions, billets de voyages gratuits, séjours  dans des hôtels luxueux (tout comme les officiels du régime) pour discourir sur « la misère que vivent les prisonniers politiques » ! Il n’y a rien de honteux de percevoir des subventions ! Mais rien ne remplace la transparence ! Rien ne remplace la liberté d’expression.

Note – Pour consulter l’intégralité du Texte de Sami Ben Abdallah, voir : TUNISNEWS 15 08 2008

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Tunisie : des sites contestataires hackés et bloqués

Le 16 juin 2008, le site d’informations Nawaat.org a connu sa plus lourde attaque informatique depuis sa création. Ses bases de données ont été effacées et sa page d’accueil modifiée (voir photo). Les blogs des défenseurs des droits de l’homme Sami Ben Gharbia (http://www.kitab.nl/) et Astrubal (http://astrubal.nawaat.org/) ont également été touchés. Leurs blogs sont restés inaccessibles car leurs bases de données ont été partiellement détruites. Les sites ont été restaurés depuis mais quelques dysfonctionnements subsistent.

Le 11 juin, les blogs samsoum-us (http://samsoum-us.blogspot.com/2008/06/2eme-mort-virtuelle-je-mhabitue.html), romdhane (http://romdhane.maktoobblog.com) et RoufRouf (http://roufrouf.blogspot.com) ont été rendus inaccessibles suite à leur traitement des manifestations qui ont eu lieu en avril à Redeyef, dans la région minière de Gafsa (ouest du pays). Des affrontements entre l’armée et des ouvriers qui dénonçaient le chômage et le coût de la vie, avient entrainé la mort par balle d’un manifestant.

Source : RSF – 17 Juin 2008

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Ce que dit sur la Tunisie le rapport où elle « ne figure même plus »

Selon Bernard Kouchner ce matin sur France Inter, « il y a un gros livre de (l’organisation de défense des droits de l’Homme) Human Rights Watch qui paraît tous les ans pour faire l’état des droits de l’Homme dans le monde : la Tunisie n’y figure même plus ». Human Rights Watch a démenti auprès de Libération.

Voici comment commence et se termine la page Tunisie du rapport sur le site de l’ONG :

« Le Président Zine el-Abidine Ben Ali et le parti au pouvoir, le Rassemblement constitutionnel démocratique, dominent la vie politique tunisienne. Le gouvernement utilise la menace du terrorisme et de l’extrémisme religieux comme prétexte pour réprimer la contestation pacifique. Des témoignages dignes de foi mettent continuellement en lumière l’usage de la torture et des mauvais traitements aux fins d’obtenir les dépositions de suspects placés en garde à vue. Les prisonniers condamnés sont également exposés à des mauvais traitements délibérés. (….)

Le 10 juillet, le président nouvellement élu, Nicolas Sarkozy, s’est rendu en Tunisie en compagnie du ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, et de la secrétaire d’Etat chargée des Affaires étrangères et des Droits de l’Homme, Rama Yade. Dans ses commentaires publics, Sarkozy n’a pas tari d’éloges sur les autorités tunisiennes mais il a déclaré aux journalistes qu’en privé avec le Président Ben Ali, il avait soulevé certains cas relatifs aux droits humains, notamment celui de Mohamed Abbou. Lors de cette première visite, le président français n’a guère cherché à se distancier du soutien fidèle que son prédécesseur, Jacques Chirac, accordait au Président Ben Ali, en dépit des pratiques de ce dernier en matière de droits humains. »

France Démocrate – le 07 Mai 2008

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MAROC : Découverte des restes de 15 corps à Nador

Rabat – Le Conseil Consultatif des Droits de l'Homme (CCDH) a annoncé, mardi, la découverte des restes de 15 corps dans la caserne de la protection civile à Nador, qui ont été transférés à la morgue de l'hôpital Hassani de la ville. Un communiqué du Conseil indique que les opérations d'exhumation de ces restes se sont déroulées sous la supervision du parquet général, du service provincial de la police judiciaire de Nador et d'experts de la police scientifique relevant de la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN), ajoutant que le transfert de ces restes à la morgue s'est déroulé conformément aux ordres du Procureur général du Roi afin de déterminer avec certitude les causes de la mort.
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L’économie tunisienne, miracle ou mirage ?

    Autant la Tunisie a une image négative en matière de droits de l’homme, autant elle a bonne réputation dans le domaine économique. Le « pays du Jasmin » – où Nicolas Sarkozy se rend en visite officielle du 28 au 30 avril – est le bon élève des institutions multilatérales et de l’Occident : il honore ses dettes, est stable et rassure. Sans disposer des fabuleuses réserves en hydrocarbures de ses voisins, la Tunisie est un peu le modèle du Bassin méditerranéen. Un pays propre, doté d’infrastructures, éduqué, où les droits des femmes sont les plus avancés du monde arabo-musulman. La Tunisie est l’une des destinations favorites des Français. Ils sont chaque année 1 350 000 à aller y passer leurs vacances, pour peu cher, en toute sécurité. Pas de bidonvilles (tout juste quelques « gourbivilles » dus à l’exode rural), pas de misère criante.

  Faute de pouvoir commercer avec ses voisins (l’Union du Maghreb arabe ne réussit pas à décoller), la Tunisie s’est tournée vers l’Union européenne, notamment dans le cadre de l’accord d’association qui a abouti, en janvier 2008, au libre-échange des biens industriels. « Nous avons la culture de l’export dans nos gènes depuis la Carthage phénicienne », rappellent les Tunisiens en souriant. Les deux principaux moteurs de l’économie sont les exportations et la consommation des ménages. Les premières sont stimulées par les investissements étrangers dans le cadre du régime dit « offshore » pour les produits de la sous-traitance (les intrants et les exportations sont libres de droits et taxes). Ce secteur fournit des emplois à bas prix. La consommation est encouragée par les crédits, dont l’encours a doublé depuis 2004, avec pour conséquence un lourd endettement des ménages.

HAUSSE DES PRIX

    La classe moyenne tunisienne est souvent considérée comme le facteur-clé de la croissance. Pourtant, les détracteurs du président Ben Ali, au pouvoir depuis 1987, assurent depuis des années que « la classe moyenne s’érode ». « Faux », répond le ministre du développement et de l’investissement extérieur, Mohamed Nouiri Jouini, pour qui, au contraire, elle ne cesse de croître et englobe aujourd’hui 80 % de la population active.

    Si l’on entend par « classe moyenne » ceux qui possèdent leur logement, ils sont effectivement plus de 80 % à en faire partie. Si l’on prend en compte les revenus et le pouvoir d’achat, il y a un doute. « La classe moyenne s’amenuise, mais de façon imperceptible. Cela n’apparaît pas clairement pour deux raisons : les Tunisiens ont de plus en plus tendance à multiplier les petits emplois, quitte à avoir des journées de forçat, et ils vivent à crédit », souligne Hacine Dimassi, professeur d’économie à l’université de Sousse. Pour lui, la classe moyenne est « laminée » non par l’impôt direct, mais par l’impôt sur la consommation. « On grignote les gens petit à petit. Ils sentent bien que leur pouvoir d’achat diminue, mais c’est flou », note-t-il. Exemples : l’eau, le téléphone ou l’électricité, sur lesquels la TVA est de 16 % ; l’alimentation, qui a fait un bond de 10 % en un an. Ou encore l’essence, augmentée à la pompe à huit reprises en deux ans, soit de 40 %.

    Pourtant, la Tunisie est un pays producteur d’or noir. L’exploitation de ses petits bassins pétroliers a longtemps été jugée trop coûteuse, mais la situation a changé avec la hausse vertigineuse du cours du baril et les recettes à l’exportation augmentent nettement depuis 2006. Dans l’immédiat, la Tunisie continue d’exporter tout son brut (qu’elle n’a pas la capacité de raffiner) et d’importer la totalité de sa consommation. Aussi la facture pétrolière reste-t-elle l’obsession des autorités.

« DIPLÔMÉS CHÔMEURS »

    L’autre plaie de la Tunisie, c’est la question des « diplômés chômeurs ». S’ils sont dépourvus de relations, ces jeunes sortis de l’Université tunisienne se voient offrir, dans le meilleur des cas, un emploi dans les hôtels à touristes ou de standardiste dans les centres d’appels. Officiellement, le pourcentage de diplômés chômeurs est de 17 %. Il serait en fait beaucoup plus élevé.

    Bien plus que les libertés bafouées, le chômage des jeunes exaspère la population, provoque rancoeurs et envies d’exil. A cela s’ajoute la médiocre qualité de l’enseignement dispensé dans le secondaire et le supérieur. « Nous avons gagné le pari de la quantité : 75 % des jeunes Tunisiens obtiennent aujourd’hui le bac. Il nous faut maintenant gagner celui de la qualité », admet le ministre du développement. Une réforme destinée à réhabiliter la formation et l’enseignement professionnels a été engagée en 2007. Pour l’heure, la frustration est grande. Nombreux sont ceux qui se sentent écartés du « miracle » économique tunisien, dans lequel ils ne voient qu’un « mirage ». La réussite fulgurante des proches du président Ben Ali et de son épouse attise ressentiments et rumeurs. Pour les Tunisiens, il y a d’un côté une poignée de très riches qui bénéficient de la mondialisation et surtout du « système » Ben Ali, basé sur le clientélisme, comme l’a décrit l’universitaire Béatrice Hibou dans son livre La Force de l’obéissance (La Découverte, 2008). Et de l’autre côté, une masse de presque pauvres, condamnés aux bas salaires et à la « débrouille ». En réalité, le vrai problème en Tunisie n’est pas tant la création de richesse que la bonne répartition de cette richesse.

Florence Beaugé – Le Monde

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Tunisie: examen « grotesque » du Conseil des droits de l’homme, selon des ONG

GENÈVE – Des associations internationale et tunisiennes ont vivement dénoncé mardi l’évaluation de la Tunisie par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, estimant « grotesques » les avancées évoquées par certains pays.

« Nous avons été choqués d’entendre des délégations décrire des avancées en matière de droits de l’homme absolument grotesques » en Tunisie, s’est indigné Antoine Madelin, de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), au deuxième jour de l’Examen périodique universel (EPU).

« J’ai été particulièrement choqué par la description du Japon qui a dit que la Tunisie était un modèle de démocratie, alors que le président Ben Ali a été élu à plus de 90% des voix, en étant le seul candidat« , a-t-il poursuivi.

De son côté, le ministre tunisien de la Justice et des Droits de l’homme, Béchir Tekkari, s’est lui félicité devant la presse que « les Etats (aient) salué les avancées du pays en matière de droits de l’homme » lors de cet examen.

Pour Khadija Chérif, présidente de l’Association tunisienne des femmes démocrates, « la déception était telle, que je n’ai pas pu rester dans la salle« . « Ce nouveau mécanisme (du Conseil) a complètement échoué dès le départ« , a pour sa part estimé Mokhtar Trifi, président de la Ligue tunisienne des droits de l’homme. « Les Etats se disent qu’il faut être gentils avec les autres Etats pour qu’ils ne soient pas critiqués lorsque viendra leur tour d’être évalués« , a-t-il ajouté.

Le Conseil a adopté en juin 2007 le principe de vérification périodique. Il prévoit, pour la première fois de l’histoire de l’ONU, que chaque pays y soit soumis une fois tous les quatre ans. Le Conseil actuel a été mis en place l’an dernier en remplacement de la Commission des droits de l’Homme, qui s’était, de l’avis général, discréditée.

Le régime du président Zine El Abidine Ben Ali est accusé par les ONG de défense de droits de l’Homme et des opposants d’avoir imposé un « Etat de non droit » où la torture est pratiquée et les médias sont censurés. Sur ce dernier point, le ministre tunisien de la Justice a affirmé « assumer la censure contre certains sites internet mais seulement parce qu’ils incitent à la violence ou à la pédophilie« .  (AFP, mardi 8 avril 2008)

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Commentaires relatifs au rapport du Comité de droit de l’homme de l’ONU du concernant la Tunisie

Par : Abdelkarim Harouni*

Tandis que le prochain rapport périodique de la Tunisie est prévu pour le 31 Mars 2012, le présent rapport a été présenté après 13 ans d’absence de dialogue avec le Comité des droits de l’homme de l’ONU, 13 ans de violation des libertés et des droits hors contrôle des institutions internationales et en l’absence de toute référence au rapport précèdent ou évaluation des résultats concrets obtenus. Le Comité a évoqué dans son introduction du présent rapport le recours de l’Etat tunisien à : « des explications additionnelles qui lui ont été fournies au préalable et au cours de l’examen du rapport, même si certaines des réponses ont été incomplètes » et a noté en fin de rapport que « L’État partie s’est engagé à s’efforcer de donner au Comité des renseignements plus détaillés sur les résultats concrets obtenus ».

Le bilan établit par le rapport du Comité sur la situation des droits de l’homme en Tunisie est nettement négatif d’abord parce que quatre points seulement sont considérés positifs contre quatorze points négatifs. Et que ces quatre points sont essentiellement d’ordre juridique concernant la garde des enfants, la transmission de la nationalité par la femme et des règles de succession et l’adhésion au Protocole facultatif se rapportant à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et à la Convention relative aux droits des personnes handicapées et l’intention de l’Etat de lever ses réserves à la Convention sur les droits de l’enfant mais dans la pratique, il se limite à la satisfaction sur le moratoire sur la peine de mort depuis 1991. A ce niveau du rapport, l’état a fait deux engagements : « l’engagement solennel renouvelé par le Président de la République affirmant qu’aucune condamnation à la peine capitale ne sera exécutée » ainsi que « l’engagement de la délégation de l’Etat partie d`inviter divers rapporteurs spéciaux des Nations Unies, à entreprendre, dans le cadre de leur mandat, des missions en Tunisie, y compris le Rapporteur Spécial sur la torture ». Ces engagements seront ils respectés ? Alors que les 14 points négatifs sont d’ordre pratique et reflètent que la situation des droits de l’homme en Tunisie est loin d’être compatible avec le respect des libertés et des droits garantis par la constitution et les conventions internationales.

Ces points concernent : le fonctionnement du Comité Supérieur des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales, l’adhésion au premier Protocole facultatif se rapportant au Pacte, la violence conjugale, la torture et les traitements cruels inhumains ou dégradants, l’usage d’aveux obtenus sous la torture et ce devant toutes juridictions, la garde à vue, l’abolition de la peine de mort, la définition des actes terroristes et les mesures prises au titre de la lutte contre le terrorisme, le contrôle des prisons et l’accès des ONG aux lieux de détention, l’indépendance de l’appareil judiciaire en particulier vis-à-vis du pouvoir exécutif, les restrictions directes et indirectes à la liberté d’expression, le Code électoral, les actes d’intimidation et de harcèlement des défenseurs et des organisations des droits de l’homme et les restrictions imposées au droit de réunion et manifestation pacifique et l’enregistrement des associations des Droits de l’Homme.

A partir des préoccupations, le rapport démontre l’existence de problèmes majeurs, structurels et durables en Tunisie liés aux libertés individuelles et collectives et aux droits de l’homme notamment :

I. le problème de la transparence

Par l’absence de statistiques détaillées comme dans les cas de torture, de violences contre les femmes, condamnations prononcées par les tribunaux à l’encontre d’agents de l’Etat reconnus coupables d’actes de torture ou de mauvais traitements, et des réparations octroyées aux victimes, à cet effet, « le Comité regrette l’absence de données statistiques sur le nombre de plaintes pour torture soumises aux autorités et enregistrées par ces dernières ». A ce niveau, « L’État partie s’est engagé à s’efforcer de donner au Comité des renseignements plus détaillés sur les résultats concrets obtenus ». D’autres part, le rapport souligne l’absence de visites des ONG nationales que dire des ONG internationales et recommande de leur permettre d’avoir un accès aux lieux de détention, à l’exception du C.I.C.R. qui n’a obtenu l’autorisation de visites qu’en 2005. Et enfin, le Comité prie « l’État partie de publier et de diffuser largement le texte du cinquième rapport périodique et des présentes observations finales auprès du grand public ainsi qu’auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives du pays et de faire distribuer le sixième rapport périodique auprès des organisations non gouvernementales qui travaillent dans le pays » car ce genre de rapports n’est ni publié ni diffusé, ni commenté en Tunisie.

II. le problème de la crédibilité

les contradictions entre le discours officiel et la pratique, entre l’état légal et l’état réel renforcent la crédibilité des informations parvenues au Comité de sources non gouvernementales, le rapport donne beaucoup d’exemples tels que :

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La Cour européenne des droits de l’homme interdit à l’Italie d’expulser un Tunisien

La Cour européenne des droits de l’homme interdit à l’Italie d’expulser un Tunisien soupçonné d’activités terroristes vers son pays d’origine. La Cour estime qu’il s’agirait d’une violation de la Convention européenne des droits de l’homme qui interdit la torture, la Tunisie pratiquant la torture, selon plusieurs ONG ou encore le département d’Etat américain.

Soupçonné de participation à un complot terroriste et de liens avec Al Qaïda, Nassim Saadi a été arrêté en octobre 2002 pour n’être condamné, le 9 mai 2005, qu’à quatre ans et six mois de prison pour association de malfaiteurs, l’accusation de terrorisme étant tombée. Il a également été jugé par défaut en Tunisie et condamné à 20 années d’emprisonnement le 11 mai 2005 pour appartenance à une organisation terroriste. (JDD – 28/02/2008)

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Sihem Bensedrine lauréate de la Fondation danoise pour la Paix (Fredsfonden)

Le 7 février,  la Fondation  danoise pour la Paix (Fredsfonden) a déscerné  son Prix de la paix 2008 à la journaliste tunisienne et défenseur des droits de l’homme Sihem Bensedrine.

Le prix de la Paix a été décerné 14 fois depuis sa création en 1986. Parmi les personnalités qui l’ont reçu on comte : la journaliste russe Anna Politkovskaja (2005). L’expert nucléaire israélien Mordechai Vanunu (1988) et l’écrivain hongrois György Konrad (1986).

D’après le site de la fondation le prix est doté d’une prime d’un montant de 100 000 couronnes danoises.

Dans un interview accordé en Autriche à la journaliste ALEXANDRA SANDELS et publié sur le site Menassat le 22 fevrier, Sihem Bensedrine s’explique : (Voir aussi: la version Arabe)

Sihem Bensedrine: ‘Don’t believe the pretty postcard image’

Sihem Bensedrine has been harassed, assaulted, imprisoned and called a prostitute by Tunisia‘s government-run newspapers. Still, she refuses to keep quiet. Earlier this month she was given the 2008 Peace Prize by the Danish Peace Foundation for her lifetime achievement. MENASSAT spoke with Bensedrine about Tunisia‘s oppressive media environment and her ongoing plans to change it.

Editor’s Note: During the ‘Jahiliah,’ the days of ignorance before the coming of the Prophet, the poets were the media. While some sang the praises of whoever was in power, others refused to sell out and vowed only to tell the truth. They were the ‘saalik’ or ‘tramps.’ In this series, MENASSAT profiles people who we consider to be the modern-day ‘saalik.’ Our ‘Saalouka #5’ is Tunisian journalist and activist Sihem Bensedrine.

A veteran journalist and a human rights activist, Sihem Bensedrine has paid a high price for her work. Over the years, she has been subjected to constant harassment, surveillance, and even physical assault and temporarily imprisonment for speaking out against Tunisian President Ben Ali’s regime and the country’s poor human rights conditions. She has been depicted as a prostitute and a spy in Tunisia‘s state-run media. She has been banned from writing in her home country. She maintains numerous email addresses to trick the cyber police from eavesdropping on her work and life. Still, she refuses to keep quiet.

Bensedrine has been a reporter, editor, and publisher for the past two decades. In the 1980s, she was a reporter for the independent journal Le Phare and she later became political chief at Maghreb Réalités. She has served as editor-in-chief of the Gazette Touristique and managed opposition newspaper El Mawkif. She is also the founder of the online Tunisian magazine Kalima, which is banned inside Tunisia.

Bensedrine also serves as the spokesperson for the Tunisian human rights organization, Conseil National pour les Libertés en Tunisie, which she co-founded in 1998. The organization targets corruption in the legal system, oppression against women, torture, persecution and imprisonment of political opponents to Ben Ali’s rule. 

She has received several awards for her activism and journalism, including an International Press Freedom Award from the Canadian Journalists for Free Expression in 2004.

MENASSAT: You were recently awarded the 2008 Peace Prize by the Danish Peace Foundation for your work. Are you happy to have won the prize?

SIHEM BENSEDRINE: Yes, I am very happy with the prize. It helps shed light on Tunisiaand the country’s human rights situation.

What will you do with the money you received from the award?

S.B.: We are planning to launch an online multimedia platform on freedom of expression in Tunisiaand the Maghreb region. It will be a daily platform with information on Tunisian affairs. The Tunisian authorities have a monopoly on the press and we are trying to circumvent the censorship through this new site. It will be a public forum where journalists contribute their stories and where readers can give their comments.

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Affaire du groupe de Soliman : mobilisation contre la peine de mort

Paris, 15 février 2008 – A la suite de la condamnation à mort en première instance de deux des 30 accusés dans l’affaire dite de la bande armée de Soliman dans le cadre d’un procès entaché de nombreuses irrégularités, la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), le Barreau de Paris, la Ligue française des droits de l’Homme (LDH) et le Comité pour le respect des libertés et des droits de l’Homme en Tunisie (CRLDHT) ont mandaté une mission d’observation judiciaire, composée d’Augustin D’Ollone et Martin Pradel, avocats et secrétaires de la Conférence du Barreau de Paris.

Le procès en appel s’est ouvert le 8 février à Tunis. Ce procès a suscité une forte mobilisation, nationale et internationale et s’est déroulé en présence d’un important dispositif policier. L’exiguïté de la salle et le fait qu’un seul banc avait été prévu pour les 40 avocats de la défense, a contraint la plupart d’entre eux à rester debout au milieu du public tout au long de l’audience. Alors que la salle était sonorisée, les avocats et les accusés ne disposaient pas de micro, ce qui rendaient leurs paroles peu audibles. La FIDH, LDH, le Barreau de Paris et le CRLDHT considèrent que de telles conditions nuisent à un déroulement propre à garantir les droits de la défense.

Tous les accusés auditionnés ont déclaré que c’est à la suite de séances de torture, qu’ils ont avoué les faits qui leur sont reprochés. Après que l’un d’eux a évoqué les sévices qu’il aurait subi provoquant l’émoi dans la salle, un renvoi d’audience a été brutalement ordonné. Le 12 février, à la réouverture des débats, un autre accusé a par ailleurs déclaré avoir subi des tortures de nature sexuelle.

Nos organisations appellent les autorités tunisiennes à enquêter immédiatement sur ces allégations conformément à l’article 12 de la Convention des Nations unies contre la torture (CAT) ratifiée par la Tunisie. Elles rappellent en outre que la torture est une violation grave des droits humains et que, au regard de l’article 15 de la CAT, les aveux obtenus sous la torture ne peuvent pas être invoqués comme éléments de preuve.

Nos organisations rappellent que la lutte contre le terrorisme, légitime et nécessaire, ne peut dans aucun cas s’affranchir du respect des droits de l’Homme. C’est là que réside la condition de son efficacité.

A l’occasion de la prochaine audience qui se tiendra le 19 février, la Cour d’appel de Tunis devrait rendre son verdict, après avoir entendu les plaidoiries des avocats de la défense. Nos organisations, au regard des nombreuses irrégularités ayant entaché la décision de première instance, appellent la Cour d’appel à infirmer celle-ci.

FIDH – 15/02/2008

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