Kien Khleang, orphelinat d’Etat à Phnom Penh, Cambodge

 

Kien Khleang orphanage center

L’orphelinat de Kien Khleang se situe sur la rive droite du Tonlé Sap, ce long fleuve qui flirte avec le Mékong. Pour s’y rendre, il faut traverser le pont Japonais, offert par ces derniers et baptisé Pont de l’amitié Cambodge-Japon, en 1990. Ironie du sort, actuellement, un nouveau pont est en train de voir le jour, cette fois-ci mis en oeuvre par les Chinois…

Sitôt le pont traversé, il faut virer à gauche et longer le fleuve, emprunter une route en terre rouge pendant un bon kilomètre, nous sommes sur la presqu’île de Chroy Chamgvar. On tombe alors sur un ancien couvent où cloître et église ont bravé le temps et la guerre, que beaucoup aujourd’hui espèrent voir tenir tête aux appétits de la finance et d’un immobilier ne cessant de croître. L’endroit a un charme désuet d’ocre et de fissures, de coulures mêlées à la végétation. On peut se prendre au jeu du passé, imaginer le temps où la célèbre tante Jeanne, débarquée de sa Bourgogne natale, au début du XXe siècle, remplissait la mission qu’elle s’était octroyée à l’âge de 60 ans.

C’est dans ce lieu chargé d’histoire, qu’aujourd’hui, vit une autre communauté, faite d’enfants et de vieillards. Le couvent abrite maintenant bien autre chose qu’un orphelinat. Je me souviens d’en avoir parlé à un collègue de travail, il était étonné qu’il existe encore, presqu’un demi-siècle après le génocide, de tels lieux. Sur le coup je n’avais pas su quoi répondre.

La pauvreté est telle dans ce pays où sur l’échelle des malheurs il se situe à la septième marche, que toutes les solutions sont mise en oeuvre. De nos jours ces « orphelinats » ressemblent plus à des lieux où cohabitent un pensionnat et une maison de retraite, accueillant ainsi ceux et celles que la vie chavire. Nombre de famille ne peuvent subvenir à l’éducation, aux soins élémentaires de leur progéniture. Il en va ainsi pour tous ces poulbots. Selon les estimations gouvernementales, « seuls » 26% des enfants ont perdu leurs deux parents. Au bal des démunis, les anciens sont assis sur les bancs et regardent les rires graver le temps. Les vieux et les vieilles qui n’ont plus toute leurs têtes et qui plus est, vivent dans les grandes métropoles, ne trouvent plus refuge dans les pagodes alors qu’à la campagne, la solidarité bat son plein. Ici, à Phnom Penh, c’est à Kien Khleang qu’ils viennent finir leurs jours. En France, pays placé je ne sais où sur je ne sais quelle échelle, les vieux atterrissent aussi dans ces fameux Sonacotra, initialement nommés foyers pour jeunes travailleurs.

Mais j’oubliais, tante Jeanne qui a du quitté ce joli lieu, le coeur brisé par la cruauté humaine, ses larmes enlaçant des au revoir déchirants. Que penserait-elle aujourd’hui ?

Je n’ai toujours pas la réponse. Kien Khleang semble figé dans le creux d’une histoire qui semble piétiner. Seuls les regards échappent au destin qui se joue comme autant de papillons qui s’envolent alors que le jour paraît.