La paternité est une question qui préoccupe tous les hommes, sauf ceux qui se sont dévoués à servir le Christ dans ses bonnes œuvres. Devenir père, comme devenir mère, est un passage irrévocable de la vie humaine.
Le costume de papa est un habit que l’on ne peut quitter le soir en se couchant, il nous colle à la peau et ce, jusqu’à ce que la mort nous en sépare. Un lien bien plus fidèle que le mariage. « Papa », une syllabe répétée, sortie de la bouche d’un enfant, qui transforme n’importe quel homme en quelqu’un d’autre. Sur ses épaules repose dès lors, une responsabilité à toute épreuve, c’est sans aucun doute le plus beau, le plus fatiguant et le plus émérite de tous les CDI du monde.
Des films sur cette question, dans l’histoire du cinéma, il y en a eu à la pelle, citons par exemple : le dramatique Extrêmement fort et incroyablement près de Stephen Daldry, le poignant Tree of life de Tarence Malick ou bien encore, l’émouvant La chambre du fils de Nanni Moretti. Les œuvres évocant les liens père-fils sont généralement sérieuses, certainement pour souligner l’importance d’un tel rôle à ne pas prendre à la légère. Heureusement, le Québec, qui ne livre pas que des chanteurs et chanteuses à forte voix, nous fait gentiment don de ces comédies douce-amères que ses réalisateurs savent si bien filmer. Ainsi, nous avons pu avoir droit à la projection, dans nos salles obscures, à un petit bijou cinématographique de nos cousins outre-atlantique, j’ai nommé : Starbuck.
Tout commence à la fin des années 1980, David Wosniak (interprété par Patrick Huard), alias Starbuck, donne régulièrement son sperm à une clinique sans se soucier des conséquences que ce geste de jouissance égoiste serait susceptible de provoquer par la suite. Nous voilà ensuite dans les années 2010, à notre époque, David a veilli et approche la quarantaine. Livreur de viande pour la boucherie familiale, il magouille à droite à gauche avec des gens peu recommandables, qui aiment lui donner des séances d’apnées inopinées car il leur doit de l’argent. Bref, David n’a pas une vie stable, c’est un grand adolescent.
Un jour, alors qu’il se croit pourchassé par ses créanciers, c’est un avocat qui se dresse droit devant lui. Sa révélation est atterrante, David, l’homme a la vie désorganisée, est le père biologique de 533 enfants, dont 142 souhaiteraient connaître son identité. Ces derniers se sont réunis en comité et font pression sur la clinique pour qu’elle divulgue l’information. Ainsi commence réellement le cœur du film. Parallèlement à ces enfants, déjà grands, le personnage principal entretient une relation assez houleuse avec une femme. Il l’aime, sans doute, d’autant plus qu’elle attend un enfant de lui. Deux type de paternité à assumer, c’est le défi qu’il devra relever.
On suit alors, son histoire, ses tracas, ses rapprochements auprès des ses fils et filles, sans jamais dire vraiment qui il est. Il les observe de loin, leur vient en aide de près, se fait passer pour un bon samaritain, leur donne des conseils, les amuse, se soucie de leur tracas, en fin de compte, il agit tel un père sous couvert de l’anonymat. Le film narre la progressive évolution vers l’age de la maturité, une prise de conscience personnelle et constructive.
Le personnage qui paraît désarçonné au début du film, remonte rapidement sur sa monture en emportant avec lui le public. Le film est une vraie réussite qui nous fait passer du rire aux larmes, qui sait nous émouvoir. En outre, il possède un charme indéniable, dont personnellement je rafole, l’accent et les expressions quebecoises. Pendant, plus d’une heure et demie, nous ne sommes plus en France, dans une salle de cinéma à regarder un écran, mais dans la vie de cette homme au Canada.
L’histoire, signée Martin Petit et Ken Scott (l’homme aux manettes également), est de qualité, cela n’est pas a prouvé vu le nombre de récompenses qu’il a obtenu à travers le monde et les semaines où il continue d’être à l’affiche en France. Sorti en juin, il est encore visible dans les bonnes crémeries. Pour conclure, la petite anecdote veut que le pseudo, emprunté par le personnage du film en tant que donneur de sperm, soit inspiré du célèbre taureau Hanoverhill Starbuck, une légende dans le domaine de l’insémination artificielle, pour son profil génétique quasi-parfait.
La paternité ou la maternité restent toujours dans l’inconscient collectif une chose vue positivement alors qu’individuellement les choses sont souvent bien autres dans les sociétés. Vous soulevez déja le fait que ce serait plus important que la relation avec le compagnon ou la compagne, qui resterait par déduction juste un étranger n’ayant pas une part physique de soi en l’autre. Alors que l’amour au sens universel humain n’a strictement rien à voir avec les gènes. Aimer l’étranger pour ce qu’il est quand il n’est pas « une propriété » issus de soi est une chose parfois comprise par certains religieux que vous soulevez aussi et qui se sont occupés pendant leurs vies de dizaines, de milliers d’enfants au delà d’eux et de leur corps. (Même si le célibat n’est pas vraiment une raison à leur imposer).
D’ou cette obsession parfois pour certains couples de passer par la science avec de trés grandes difficultés absolument pour avoir « quelque chose » d’eux au lieu de donner plus facilement l’amour dans l’adoption…
PH