Le mouvement Baye Fall est un culte musulman dérivé du mouridisme. Il a été créé par Cheikh Ibrahima Fall, lui même adepte de cheikh Ahmadou Bamba. Jadis, l’esprit du mouvement Baye Fall était une forme d’ideologie détachée de toutes possessions matérielles, en se soumettant totalement aux recommandations de son marabout qu’il vénére plus que tout au monde.
Tout se partageait, le don de soi était naturel, et la foi en l’humain était essentielle. Le travail était pour eux une valeur très importante.
Les baye Fall ont un mode de vie totalement différent du notre, à tel point qu’on pourrait les qualifier de marginaux. Mais sont-ils vraiment des marginaux ?
Un marginal par définition est toute personne qui se retire par choix ou obligation du mode de vie commun à un groupe de gens, il existe deux types de marginaux :
– Ceux qui le sont par obligation : perte d’un emploi et chute dans le niveau social, et en découle un comportement qui par obligation vous oblige a vous marginaliser
– Ceux qui le sont par choix : Par rébellion le plus souvent.
En analysant bien la situation actuelle des baye fall, je ne pourrais pas les classer dans ces deux groupes, puisque la plupart d’entre eux ont hérité de leur mode de vie, ce qui marque une absence de choix. Dés lors, le Baye Fall n’est pas complètement écarté de la société, au contraire il s’est noué une relation étroite avec la société en créant avec celle-ci une sorte de contrat à titre gratuit.
La communauté des Baye Fall s’est multiplié ces dernières années, ils sont présents dans toutes les régions du Sénégal, mais surtout à Dakar qui est leur fief et qui représente pour eux un espace paradisiaque pour leurs dérives mais aussi pour la quête de l’aumône qui est plus fructueuse dans la capitale du fait de la présence importante de touristes étrangers qui leur servent de trappe nigaude.
Devenu aujourd’hui une attraction touristique, le mouvement Baye fall est sorti de son contexte religieux pour devenir un mode de vie d’où l’expression « on ne née pas Baye Fall, on le devient ». Le Baye Fall actuel s’identifie sur le look du mauvais garçon négligé, avec ses rastas mal entretenus, son ensemble de boubous en loques multicolores, sa petite calebasse, son gourdin tagué et ses bottes poussiéreuses de couleurs noires contrairement à leurs ainés qui marchaient pieds nus. Il s’est forgé un style bien revisité avec une allure brutale, une attitude sympathiquement agressive, une démarche boiteuse qui rappelle celle du petit voyou du quartier. La majorité ont adopté une façon de parler le wolof bien différente de leurs anciens qui parlaient un wolof pur, très peu altéré par les langues étrangères, certainement victime des tendances juvéniles, le Baye Fall moderne a américanisé son wolof de manière Baol Baolique, avec une voix de rogomme qui fait penser à un abus d’alcool d’excessif. Il est insistant dans sa quête de l’aumône, je me remémore encore de mon dernier séjour au Sénégal au mois de Mai de cette année, au cours de laquelle je me baladais avec beaucoup de nostalgie dans les rues de Sandaga, quand soudain je me suis fait importunée par un Baye Fall qui me poursuivait en me demandant de lui acheter un sac de riz avec tous les meilleurs vœux au monde qui allaient avec, et dont je me foutais complètement. Pour me débarrasser, je lui donnai finalement une pièce, il refusa et continua à me poursuivre et à m’attendre même devant les magasins, mais malgré son insistance démesurée il resta sur sa faim, ce fut vraiment un après midi pénible ce jour là.
Au-delà de leur changement comportemental, les Baye Fall se sont détournés de leur mission première qui était de travailler, apprendre le coran et solliciter l’aumône au nom de leur marabout et pour le compte de celui-ci. Maintenant leur mission est pourvue de vices, désormais ils font la manche pour leur propre compte, ils s’adonnent à la drogue, au vol, à l’intimidation avec leur gourdin qu’ils peuvent utiliser comme arme blanche à tout moment. Ils ne maitrisent plus le coran comme leurs anciens, d’ailleurs la plupart ne s’y connaissent pas mieux que moi. C’est la raison pour laquelle on les octrois le surnom de « Baye Faux » dans les quartiers populaires.
Mais le pire encore, c’est que devant les difficultés de la vie qui rongent le quotidien des sénégalais où chacun cherche tant bien que mal à sortir de cette marée de merde noire, leur présence est de moins en moins souhaitable. Ils sont maudits par la majeure partie des sénégalais dans la plus grande conspiration à cause des tabous. Ils ont été la terreur de notre enfance et certainement encore les enfants qui vivent dans les quartiers, du fait de leur attitude agressive qu’ils dégagent.
D’ailleurs qui n’a jamais eu peur des Baye Fall dans son enfance ?
Derrière cette conspiration ou cette forme de respect peu sincère envers les Baye Fall se cache une peur qui anime la société sénégalaise au plus profond d’elle même, qui, avouons le, nous empêche de dire nos cris de cœurs et nos ras le bol à ces rastaquouéres bien bâtis, imprévisibles, menaçants et toujours armés de gourdins. C’est ce qui oblige la plupart d’entre nous à céder à leur quémande. Le Baye Fallisme est devenu un phénomène de société, qui est une aubaine pour beaucoup de jeunes sénégalais aspirants à la facilité sous prétexte qu’ils se consacrent à leur marabout.
Ce qui est plus dangereux, c’est hormis l’attraction touristique, les Baye Fall ne participent pas de manière active à l’avancement de la société sénégalaise. La plupart d’entre eux vivent dans la pauvreté et l’assistanat en grignotant les petits sous des pauvres sénégalais, leur communauté augmente de manière considérable les chiffres du chômage et de l’analphabétisme. Ils sont conservateurs et souhaitent perpétuer leurs traditions sur leurs futurs héritiers qui deviennent de plus en plus altérés. En plus, leurs enfants ne sont pas scolarisés, ils n’ont aucune notion de l’éducation et ne sont même pas identifiables dans le secteur administratif car la plupart d’entre eux n’ont pas de fichier d’état civil.
Les problèmes qui subsistent au sein du mouvement Baye Fall sont plus que sérieux et constituent un frein sur l’épanouissement et le développement économique et social du Sénégal. L’état et le peuple doivent agir contre ce calamité sociale, ne serait ce que pour sauver l’avenir de leurs progénitures.