J’étais jeune, au milieu des années 1960, et je traînais à Piccadilly Circus, poussant parfois jusqu’à Trafalgar Square, désœuvré ou ayant « revêtu » les panneaux du Conduit Employment Bureau (une boîte d’intérim qui m’employait en tant qu’homme-sandwich) et sur le parcours, je voyais des Cockneys gruger les touristes au bonneteau ou en manipulant des cartes.
Bah, lorsqu’il s’agissait de touristes fortunés, je m’en contrefichais, mais voyant un autre semi-beatnik s’y laisser prendre, je suis intervenu. Il a conservé son argent mais je n’avais pas réalisé à quel point les guetteurs étaient nombreux, et j’ai failli dérouiller…
Le bonneteau, avec des gobelets renversés et une muscade (boule), ou les jeux de passe-passe avec des cartes, soit le jeu de Find the Lady (trouver la dame de cœur), commençaient à faire vraiment trop de victimes, surtout parmi les touristes, ces derniers temps, à Londres. Et notamment sur Westminster Bridge. Boucler le pont à ses deux extrémités pour opérer une rafle classique aurait sans doute été possible, mais (New) Scotland Yard a préféré un autre mode opératoire : guetter à bord d’un bus à impériale, un double-decker rouge, et se déployer rapidement tout le long du pont.
En planque dans le bus vers midi, les 30 policiers ont attendu que les équipes d’escrocs, toutes composées de Rroms ou de Roumains, affluent avec leurs manipulateurs, intimidateurs et guetteurs (ou même une guetteuse avec poussette et enfant), et hier soir, peu avant 18 heures, ils se sont lancés… dans l’embouteillage habituel.
Une trentaine de personnes a été placée en garde à vue et une douzaine formellement pris sur le fait, en possession d’argent, de matériel (gobelets ou cartes pliées), voire d’objets subtilisés. De plus, trois à quatre centaines de policiers étaient à l’œuvre en divers quartiers touristiques de Londres et ils ont procédé à 54 autres arrestations (généralement pour vol à la tire). Par ailleurs, une surveillance intensive de la prostitution se poursuit.
On ne sait pas quand la presse avait été alertée et si des photographes se trouvaient à bord du bus mais le but consistait visiblement aussi à faire largement savoir, gros plans des délinquants à l’appui, que les JO n’allaient pas être l’aubaine espérée pour des tirelaines ou des escrocs.
Autre cible : les vacataires quelque peu agressifs des organisations humanitaires ou associations caritatives qui « alpaguent » véritablement le chaland pour qu’il consente à un don et surtout à se faire prélever régulièrement une somme par virement automatique.
« Bus-ted » (chopés, cuits…) a titré le Daily Mail en publiant une photo montrant le London Eye (la grande roue de la rive de la Tamise) en arrière-plan : Big Brother tient à l’œil qui s’en prend aux touristes…
P.-S. – l’expression « passer muscade » vient de la manière dont les manipulateurs escamotent la boule sous les gobelets.