En France, l’action de la justice pénale s’éteint avec le décès du criminel ou du délinquant (pour la justice civile, les descendants ou ayant-droits restent civilement responsables en tant que consorts, et ils peuvent d’ailleurs aussi être partie civile contre ceux d’une morte ou d’un décédé). Pas question de faire le procès d’épouvantails ou de mannequins représentant un défunt. Mais en Russie, de façon à ce que les consorts d’innocents puissent obtenir que leur réputation soit rétablie ou que les victimes puissent voir la justice reconnaître leurs griefs (un peu comme les frères Spanghero si jamais le responsable de la carambouille de viande de cheval vienne à décéder…), un procès posthume est possible. Du coup, un avocat, supposé mort en détention pour des raisons politiques, se verra accusé de fraude fiscale… trois ans après son décès. Sergei Magnitsky aura-t-il droit à un procès posthume équitable ?
Voilà de quoi édifier Gérard Depardieu. Sergei Magnitsky, mort en détention à 37 ans, le 16 novembre 2009, après avoir été torturé et laissé mourir d’une pancréatite non soignée, va-t-il être condamné à titre posthume pour évasion fiscale ?
De son vivant, avocat pour Hermitage Capital Management Ltd., une société britannique, il avait dénoncé la corruption d’agents du fisc et de la police russes.
Aux États-Unis, une disposition surnommée le Magnitsky Act prive les fonctionnaires russes présumés corrompus de visas pour ce pays.
Le procès, selon le président de HCM, Bill Browder, vise surtout à empêcher que d’autres pays prennent des mesures similaires.
Ce qui est reproché à l’avocat, c’est d’avoir « optimisé » les déclarations fiscales de diverses sociétés. C’est d’ailleurs le chef d’accusation qui lui a valu d’être emprisonné en 2008. Selon un tel principe, en France, Nicolas Sarkozy serait déjà en prison…
En fait, comme aux « bons temps » de Staline, il avait été tenté de lui extorquer des aveux et surtout la réfutation qu’il aurait existé tout un circuit de fonctionnaires corrompus, dont des policiers.
En général, en Russie, ce type de procès posthumes est tenu en faveur de familles estimant qu’un des leurs, décédé, avait été injustement condamné, et ils sont rares.
Les consorts Magnitsky refusant de comparaître, des avocats commis d’office seront nommés.
Serguei Leonidovitch Magnitski (ou Magnitsky) défendait HCM, l’un des plus grands fonds étrangers détenant des parts dans des société publiques russes. Son président, Bill Browder, assez bien en court longtemps auprès de Poutine, finira par dénoncer une oligarchie kleptocrate. En 2007, il est tenté de le discréditer. Toutes les sociétés d’HCM saisies, tous les titres de propriétés (authentiques ou ultérieurement trafiqués) seront transférés au bénéfice d’un ex-condamné pour meurtre.
Selon l’avocat, la mafia russe aurait falsifié des documents tendant à prouver que la société conservait d’énormes arriérés d’impôts (alors qu’auparavant l’administration fiscale n’avait à « reprocher » à la société qu’un… trop perçu).
Dans un premier temps, la justice russe fournit des avocats à la société à son insu, lesquels plaident coupable pour elle. Le nouveau propriétaire, qui n’est autre que Viktor Markelov, convaincu de meurtre, n’avait passé que deux ans en prison. Il avait pu empocher en 2007 le trop perçu fiscal. Mais les faits ayant été rendus publics, le ministère public russe poursuivra Magnitsky.
Placé dans des conditions sordides destinées à ébranler sa santé, Magnistky sera considéré tel un simulateur. Le jour de sa mort, un chirurgien ne lui administrera qu’un analgésique. Selon le journal qu’il tenait en prison, il était régulièrement tenté de lui extorquer des aveux et des accusations contre son client.
Dimitri Medvedev ordonnera une enquête et sanctionnera des responsables de la pénitentiaire. La suite de l’enquête s’enlisera. On sanctionnera deux médecins qui avaient subi des pressions. Puis les médecins seront rétablis dans leurs droits.
Lors du prochain procès, William F. Browder (dit Bill Browder) sera jugé par contumace (in absentia).
Aux É.-U., le Serge Magnitsky Rule of Law Accountability Act a été adopté en juin 2012. C’est peu après qu’il a été décidé de juger le défunt. Les procédures de préparation de son procès posthume ont débuté ce jour à Moscou.
Hermitage ayant été reprise par la banque HSBC, les autorités russes ont réclamé que des documents relatifs à HCM Ltd leur soient communiqués, a-t-on appris d’HSBC le 15 février dernier. Si HSBC s’y refusait, sa filiale russe serait perquisitionnée. Bill Browder avait désigné nominativement près de 60 fonctionnaires russes, de la police, du fisc, de la magistrature, &c., et suggéré que leurs avoirs à l’étranger soient gelés.
On espère que Gérard Depardieu saura choisir les bons partenaires pour investir en Russie… Pour son information, signalons-lui qu’il sera le bienvenu à l’audience fixée au 4 mars prochain. Pour le moment, les audiences préliminaires se tiennent à huis-clos. L’identité des avocats de la défense commis d’office n’a pas été divulguée.
Le procès pourrait avoir pour conséquence une demande à la Suisse la levée du blocage des fonds de ressortissants russes par le ministère public confédéral. D’autres enquêtes sont en cours en République de Moldavie et En Lituanie.
Mardi dernier, Vladimir Poutine a proposé au parlement russe, la Douma, une loi interdisant aux fonctionnaires russes (hors diplomates) de détenir des fonds à l’étranger (comptes bancaires, actions, obligations).
[b]Un directeur d’une société russe spécialisée dans les travaux publics a mis fin à ses jours. Motif: il ne pouvait plus supporter la corruption mise en place par de hauts fonctionnaires. [/b]
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