Roumanie et Moldavie : les églises orthodoxes à la manoeuvre

La fin des régimes communistes n’a pas été une bénédiction que pour l’église gréco-orthodoxe en Roumanie et en République moldave voisine. Les églises orthodoxes nationales autocéphales ont largement bénéficié des largesses des partis politiques au pouvoir. Mais, à présent, elles sont encore plus gourmandes et veulent mettre en coupe réglée les fidèles…

L’église orthodoxe de Bessarabie, en République moldave, liée au patriarcat autocéphale roumain, ne peut, tout comme sa maison mère, que se féliciter de ses bonnes relations avec les partis dominants du pays. C’est relativement simple, tout ce que proposent les églises nationales (ainsi, en République moldave, celle du patriarcat de Moscou) est pain béni pour les politiciens des partis dominants, qu’ils soient au pouvoir où dans l’opposition.

C’est ainsi que ces églises vont sans doute obtenir le monopole de la vente des cierges utilisés lors de rites religieux, que ce soit dans leurs enceintes (églises, cloîtres, lieux consacrés), où sur la voie publique.

Cela peut sembler insolite à qui ne connaît que les églises catholiques romaines, mais en Moldavie (tant en République moldave que dans la province et région roumaine homonyme) comme en Roumanie, il était possible de se fournir en cierges chez, par exemple, des fleuristes. Puis de les apporter dans les biserici (églises). Ou de les faire brûler en plein air, autour d’un calvaire, comme celui jouxtant, à Timisoara, le parc du Peuple (et de la reine Maria).

Cela représentait l’avantage, pour un baptême, de choisir des cierges roses ou bleus, de varier les couleurs pour les mariages et les enterrements. Bientôt, c’est déjà le cas en Moldavie républicaine, plus question, et l’église orthodoxe détentrice d’un monopole fixera ses tarifs, et sans doute pour la couleur la moins chère, le blanc, unique choix proposé.

L’une des astuces nouvelles de la BOR (l’église orthodoxe roumaine), c’est de se montrer très stricte sur l’appartenance des mariés, de leurs parents et parrains et marraines, à son obédience. La plupart des jeunes adultes et leurs ascendants ne disposent pas de certificat de baptême. Qu’à cela ne tienne, pour 50 lei par personne, soit le dixième d’un petit salaire mensuel (de 130 euros environ), un certificat tout neuf, tout rutilant, sera délivré. Une dizaine d’euros, c’est quand même le prix d’un repas dans un restaurant.

Cierges, certificats de baptême ne suffisent pas. Aussi, après avoir remis au goût du jour la bénédiction des logis (maisons ou appartements), ces églises sont passées aux bénédictions de véhicules. C’est plus facile d’y échapper car, pour le moment, les voisins n’épient pas sur les aires de stationnement qui servent de drive in pour les bénédictions de véhicules. Mais l’instauration d’un auto-collant certifiant que le véhicule a bien été béni ne saurait trop tarder.

Selon les chiffres des autorités publiques, moins d’un pour cent des populations des deux pays voisins se diraient agnostiques, athées, libres-penseurs. Croire ou faire semblant de professer une croyance religieuse est encore plus important qu’au Texas ou dans l’Illinois.
En Roumanie, il existe déjà une église pour 437 habitants (enfin, natifs ou rattachés, car beaucoup vivent à l’étranger). C’est encore trop peu pour l’église orthodoxe roumaine.

Son problème, c’est de conférer des paroisses pas trop minables à ses séminaristes, la plupart mariés, en fin d’études. Or, les vocations, du fait du niveau de vie des popes, n’ont guère manqué. D’où la multiplication des collectes et quêtes afin d’ériger de nouveaux lieux de culte. Mais aussi la vente de cierges, de certificats, la commercialisation à grande échelle des bénédictions. Les popes sont certes des fonctionnaires (ou retraités de la fonction publique), mais il leur faut aussi mener grand train.

En Roumanie, les cultes reconnus sont subventionnés (mais diversement, l’orthodoxe autocéphale étant largement privilégié), mais les dons ne donnent pas droit à une formidable déduction fiscale. Elle peut cependant atteindre 5 % de la base d’imposition (pour le revenu, c’est un taux de 16 % pour tout le monde, sauf pour les TPE, entreprises individuelles ou de moins de dix salariés). 

À Timisoara, lors de la fête de la Théophanie, tous les réservoirs municipaux d’eau potable ont été bénis par un pope orthodoxe, y compris ceux qui desservent les « Maisons de dieu » (les églises évangéliques, qui ont le vent en poupe, au grand dam du culte dominant. C’est assez logique, après tout, depuis 2007, à Paris, les eaux de la Seine sont aussi bénies par des popes du même culte.

L’emprise religieuse se renforce d’année en année, de mois en mois, semaine en semaine, voire au jour le jour.

Un cheval béni par un pope roumain a peut-être fini en boeuf casher ou halal : dans les deux cas, chacun perçoit sa dîme, ce qui semble l’essentiel.

Baptistes, autres évangélistes, recrutent, et animent des chaînes de télévision (Credo, Alpha & Omega) ; par conséquent, la BOR entretien aussi Trinitas TV. Cette chaîne couvre toute l’Europe et une partie de l’Amérique du Nord. En fait, les excès temporels de l’église roumaine dominante semblent favoriser le recrutement des églises évangéliques protestantes, voire des Mormons, qui furent très présents en Roumanie (et se font plus discrets à présent).

La BOR, qui vécut en osmose avec le fascisme, puis le communisme roumain, obtenant de ce dernier le bannissement des gréco-catholiques, est à présent plus sensible au marketing. Ainsi, elle s’est opposée au projet canadien d’extraction minière du site de Rosia Montana, très polluant. Ce qu’elle ne comprend pas trop, elle feint de l’organiser, en quelque sorte.

L’Etat roumain, opposition et majorité confondues, ont fait de la BOR l’une des toutes premières puissances financières du pays. Une chose est sûre : elle n’a aucune envie d’évangéliser les Rroms ou les tsiganes. Pas question des les faire rentrer avec soi dans les Malls (les immenses centres commerciaux). D’un côté, l’église orthodoxe soutient la tradition (avec le ralliement aux adversaires du projet Rosia Montana), la rusticité, la ruralité, de l’autre, pas question de fustiger le commerce de masse et la grande distribution qui rançonne la paysannerie. Être à tous les coups gagnant et bénéficiaire, sur le mode de pile je gagne, face tu perds, c’est le grand talent de l’église nationale (dominante) roumaine.

Théophanie

Théophanie

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !

4 réflexions sur « Roumanie et Moldavie : les églises orthodoxes à la manoeuvre »

  1. Ce faisant l’église orthodoxe signe son arrêt de mort! Combien de croyants ne veulent plus de cette hiérarchie de prêtres hypocrites, égoïstes et parfois vicieux ! C’est le cas en France où beaucoup de chrétiens ne souhaitent plus avoir à faire au clergé quel qu’il soit ! tout en restant déistes … (sous mille et une formes différentes bien sûr)

  2. Oui, Zelectron, c’est aussi l’avis de Claude Karnoouh ([url]http://leblogdeclaudek.blogspot.ro/[/url]), un universitaire à la retraite qui connaît mieux que moi encore la Roumanie (et encore davantage que moi, de très loin, la Hongrie).
    Cela étant, c’est la classe moyenne intellectuelle restant en Roumanie (beaucoup partent) qui se détache de la BOR. Or, elle reste minoritaire.

  3. … Et ils passèrent des chaines communistes aux entraves religieuses…

    Maudites soient toutes les religions et les idéologies !

  4. y compris la socialiste*.
    un détail quidam, une religion (dogme) n’est pas à confondre avec les religieux qui l’ont instrumentalisée, l’instrumentalisent ou l’instrumentaliseront …
    *le socialisme c’est l’opium du peuple !

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