La fin imminente de l’exception algérienne

La « Moubayâa » pour un troisième mandat en faveur de Abdelaziz Bouteflika qui fuse sur un ton monocorde des bouches de tous les responsables du pays est un signe qui ne trompe pas : l’Algérie version Bouteflika aura rattrapé les pays arabes les plus arriérés en termes de pratique démocratique.

Désormais, le principe de l’alternance au pouvoir, si cher à Montesquieu, est déclaré hérétique par les nouveaux « prophètes » de la République. Le tandem Abdelkader Bensalah, président du Sénat, et Abdelaziz Ziari, président de l’APN, nous apprend que la limitation des mandats présidentiels à deux est en soi une atteinte à la démocratie ! Faut-il remarquer, soit dit en passant, que c’était sous les ordres du même Bensalah que fut adoptée l’actuelle Constitution, aujourd’hui décriée, qui limite justement le règne présidentiel à seulement dix ans, sous l’impulsion de l’ex-président Liamine Zeroual. Mais les temps ont changé, et M. Bensalah semble avoir mis à niveau ses « convictions » selon l’ego du maître du moment.

Le président Zeroual, pourtant général de l’armée, avait donné une formidable leçon de démocratie et de sens de la mesure en se retirant avant même que son mandat ne s’achève. Son geste hautement politique devrait paraître ringard, voire risible aux yeux de ceux qui lui tressaient alors les lauriers et font aujourd’hui la claque à celui qui s’apprête à faire exactement le contraire, c’est-à-dire prolonger, à l’infini si possible, son sultanat. C’est que les soutiens ex cathedra prononcés par le duo Bensalah-Ziari censés représenter le peuple constituent incontestablement un acte fondateur d’une République héréditaire à la tunisienne et à l’égyptienne. Ceux qui rêvaient encore des lendemains qui chantent pour la démocratie devraient maintenant faire le deuil de l’exception algérienne.

Cet îlot de liberté, qui illuminait durant les années 1990 la grisaille despotique des potentats arabes, sera envahi par la mode de gouvernance anachronique façon Moubarak, Benali, Ali Abdellah Salah, El Gheddafi, El Assad et autres roitelets arabes. Fatalement, l’Algérie rejoindra, sans gloire, des pays comme l’Egypte, la Tunisie, le Yémen, la Syrie dont les régimes dictatoriaux y sont proverbiaux aux yeux du monde entier. Et pour notre pays qui aura payé un très lourd tribut pour la démocratie avec les émeutes d’octobre et la décennie du terrorisme barbare, la régression sera sans doute abyssale. L’équation en gestation se décline ainsi : l’Algérie est appelée à faire table rase de ses acquis et ses conquêtes démocratiques – pluralisme politique, ouverture médiatique, liberté d’association… – au profit d’une mise au pas de la société via un régime omnipotent et omniprésent.

Mise à niveau arabe

Curieusement, cette sombre perspective reçoit une standing ovation de pratiquement toute la « classe » politique invitée à rentrer, de gré ou de force, dans les rangs à la queue leu leu. Et malheur aux derniers, aux hésitants… Ce bel unanimisme aurait pu rasséréner s’il s’agissait d’un projet politique progressiste dans une Algérie en plein doute. Or nous sommes véritablement face à un attentat politique en bonne et due forme contre la démocratie, la liberté et plus généralement le principe d’autodétermination.

On ne peut soupçonner le peuple algérien frondeur d’être à ce point arriéré pour donner son onction à un dessein politique qui le renvoie tout droit vers la période de la glaciation de feu Boumediène. La gifle du 17 mai renseigne au demeurant sur l’incroyable fossé séparant les Algériens de ceux qui les gouvernent, à quelques niveaux qu’ils soient. Mais rien ne semble, hélas, pouvoir arrêter cette marche inébranlable de l’Algérie version Bouteflika acte III, vers le cercle très fermé des régimes autocratiques arabes.

Triste sort que celui d’une Algérie démocratique qui, au lieu de contaminer ses voisins – le Maroc et la Tunisie – dont les peuples nous enviaient la liberté, a fini par (re)choper le virus de la dictature civile par le fait d’une vision messianique d’un Bouteflika « sauveur » que les metteurs en scène de la République se chargent de vendre au peuple par de théâtrales prières à une « Ouhda Thalitha » relayées par l’ENTV.

Tout se passe comme si, en Algérie, il n’y aurait pas de vie sans Bouteflika. Ce procédé, qui ne fait même pas rire, aura achevé de discréditer la politique dans un pays où le Président s’apprête à changer de statut en recevant la couronne du roi ou du sultan à la faveur d’un troisième puis, qui sait, un quatrième mandat. Et ceux qui contestent à Bouteflika ce règne sont évidemment estampillés ennemis de la République ou ce qui en reste, par les thuriféraires du régime. « L’Algérie libre et démocratique » restera un slogan creux au soir d’avril 2009.

Notre pays cédera sa place à la… Mauritanie, au Mali et au Sénégal qui ont désormais les yeux rivés vers le Nord. Quant à l’Algérie, le soleil brûlant de l’Orient rétrograde a fait perdre la boussole de la démocratie à ses dirigeants si tentés par une autre traversée du désert, plus confortable celle-là. Et pour longtemps si possible…

Hassan Moali – El Watan – 30 janvier 2008

La « Moubayâa » pour un troisième mandat en faveur de Abdelaziz Bouteflika qui fuse sur un ton monocorde des bouches de tous les responsables du pays est un signe qui ne trompe pas : l’Algérie version Bouteflika aura rattrapé les pays arabes les plus arriérés en termes de pratique démocratique.

Désormais, le principe de l’alternance au pouvoir, si cher à Montesquieu, est déclaré hérétique par les nouveaux « prophètes » de la République. Le tandem Abdelkader Bensalah, président du Sénat, et Abdelaziz Ziari, président de l’APN, nous apprend que la limitation des mandats présidentiels à deux est en soi une atteinte à la démocratie ! Faut-il remarquer, soit dit en passant, que c’était sous les ordres du même Bensalah que fut adoptée l’actuelle Constitution, aujourd’hui décriée, qui limite justement le règne présidentiel à seulement dix ans, sous l’impulsion de l’ex-président Liamine Zeroual. Mais les temps ont changé, et M. Bensalah semble avoir mis à niveau ses « convictions » selon l’ego du maître du moment.

Le président Zeroual, pourtant général de l’armée, avait donné une formidable leçon de démocratie et de sens de la mesure en se retirant avant même que son mandat ne s’achève. Son geste hautement politique devrait paraître ringard, voire risible aux yeux de ceux qui lui tressaient alors les lauriers et font aujourd’hui la claque à celui qui s’apprête à faire exactement le contraire, c’est-à-dire prolonger, à l’infini si possible, son sultanat. C’est que les soutiens ex cathedra prononcés par le duo Bensalah-Ziari censés représenter le peuple constituent incontestablement un acte fondateur d’une République héréditaire à la tunisienne et à l’égyptienne. Ceux qui rêvaient encore des lendemains qui chantent pour la démocratie devraient maintenant faire le deuil de l’exception algérienne.

Cet îlot de liberté, qui illuminait durant les années 1990 la grisaille despotique des potentats arabes, sera envahi par la mode de gouvernance anachronique façon Moubarak, Benali, Ali Abdellah Salah, El Gheddafi, El Assad et autres roitelets arabes. Fatalement, l’Algérie rejoindra, sans gloire, des pays comme l’Egypte, la Tunisie, le Yémen, la Syrie dont les régimes dictatoriaux y sont proverbiaux aux yeux du monde entier. Et pour notre pays qui aura payé un très lourd tribut pour la démocratie avec les émeutes d’octobre et la décennie du terrorisme barbare, la régression sera sans doute abyssale. L’équation en gestation se décline ainsi : l’Algérie est appelée à faire table rase de ses acquis et ses conquêtes démocratiques – pluralisme politique, ouverture médiatique, liberté d’association… – au profit d’une mise au pas de la société via un régime omnipotent et omniprésent.

Mise à niveau arabe

Curieusement, cette sombre perspective reçoit une standing ovation de pratiquement toute la « classe » politique invitée à rentrer, de gré ou de force, dans les rangs à la queue leu leu. Et malheur aux derniers, aux hésitants… Ce bel unanimisme aurait pu rasséréner s’il s’agissait d’un projet politique progressiste dans une Algérie en plein doute. Or nous sommes véritablement face à un attentat politique en bonne et due forme contre la démocratie, la liberté et plus généralement le principe d’autodétermination.

On ne peut soupçonner le peuple algérien frondeur d’être à ce point arriéré pour donner son onction à un dessein politique qui le renvoie tout droit vers la période de la glaciation de feu Boumediène. La gifle du 17 mai renseigne au demeurant sur l’incroyable fossé séparant les Algériens de ceux qui les gouvernent, à quelques niveaux qu’ils soient. Mais rien ne semble, hélas, pouvoir arrêter cette marche inébranlable de l’Algérie version Bouteflika acte III, vers le cercle très fermé des régimes autocratiques arabes.

Triste sort que celui d’une Algérie démocratique qui, au lieu de contaminer ses voisins – le Maroc et la Tunisie – dont les peuples nous enviaient la liberté, a fini par (re)choper le virus de la dictature civile par le fait d’une vision messianique d’un Bouteflika « sauveur » que les metteurs en scène de la République se chargent de vendre au peuple par de théâtrales prières à une « Ouhda Thalitha » relayées par l’ENTV.

Tout se passe comme si, en Algérie, il n’y aurait pas de vie sans Bouteflika. Ce procédé, qui ne fait même pas rire, aura achevé de discréditer la politique dans un pays où le Président s’apprête à changer de statut en recevant la couronne du roi ou du sultan à la faveur d’un troisième puis, qui sait, un quatrième mandat. Et ceux qui contestent à Bouteflika ce règne sont évidemment estampillés ennemis de la République ou ce qui en reste, par les thuriféraires du régime. « L’Algérie libre et démocratique » restera un slogan creux au soir d’avril 2009.

Notre pays cédera sa place à la… Mauritanie, au Mali et au Sénégal qui ont désormais les yeux rivés vers le Nord. Quant à l’Algérie, le soleil brûlant de l’Orient rétrograde a fait perdre la boussole de la démocratie à ses dirigeants si tentés par une autre traversée du désert, plus confortable celle-là. Et pour longtemps si possible…

Hassan Moali – El Watan – 30 janvier 2008

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