La décision devait être rendue par la Cour constitutionnelle roumaine le 2 septembre, puis en fin de mois… Réunie ce jour à 10 heures, elle n’a délibéré que deux heures pour déclarer, à la majorité des deux tiers (six voix contre trois) que le quorum du référendum visant à destituer le président roumain suspendu, Traian Basescu, n’avait pas été atteint. Du coup, ce dernier pourrait bientôt rejoindre la Cotroceni (l’équivalent de l’Élysée français). Est-ce la fin de la crise politique en Roumanie ? Tout dépendra des attitudes de Victor Ponta, de l’ex-président intérimaire, Crin Antonescu, du président réinstallé, et peut-être, aussi du climat qui s’instaurera lors de l’ouverture de la campagne des législatives… Pour le moment, le gouvernement Ponta ne s’estime pas tout à fait battu, car laisse entendre que la décision de la cour est entachée d’illégalité, et il propose une profonde réforme constitutionnelle.

Lors du référendum qui devait décider de sa destitution, le 29 juillet dernier, près de 88 % avaient répondu « oui » (qu’il parte), et les bulletins nuls et blancs étaient restés marginaux. Mais il fallait que la participation égale 50 % des inscrits, sous peine de nullité de la consultation. Le président Basescu et sa formation avaient appelé à l’abstention, et les premiers résultats donnaient seulement 46 % de participation. Du coup, le référendum devait être déclaré nul, et Basescu retrouver ses fonctions.

Mais le gouvernement de Victor Ponta, dont le ministre de l’Intérieur, démissionnaire depuis (ou démissionné), avait garanti l’actualisation des listes électorales, remettait ces dernières en cause, assurant qu’elles étaient largement gonflées, et que par conséquent le quorum avait été atteint.
La Cour constitutionnelle a finalement statué en partant de l’hypothèse que ni les fraudes, ni la réelle validité des inscriptions, n’étaient vraiment de son ressort.

Donc, d’ici peu, comme l’a souhaité la Commission européenne par la voix d’Olivier Bailly, Basescu devrait rentrer dans ses meubles.

Cela n’a pas empêché le leu (le lion, la monnaie nationale) de se déprécier d’encore 0,5 bani (centimes), soit que l’euro frôle désormais les 4,50 lei (et 3,60 pour l’USD). Cela n’empêche pas non plus que le rapport de forces reste incertain. Selon le gouvernement, plus de 512 000 personnes n’auraient pas jugé utile de renouveler leurs papiers d’identité – en dépit de pressants appels à le faire avant le référendum, et donc pouvoir voter – et on ne sait trop si l’abstention est bien un soutien au président « sorti et rentré » ou la marque d’un ras-le-bol de la politique politicienne. Par ailleurs, près de 35 000 inscrits décédés auraient éventuellement pu « voter » ou évidemment s’abstenir contraints et forcés. La question des trois millions de Roumains résidant à l’étranger – dont certains ne sont pas forcément recensés dans les consulats – a bien été évoquée, mais le gouvernement n’a pas fait savoir, hier, à la veille de la décision, s’il persistait à penser que le quorum avait été de fait atteint ou non. Nombre de personnes dont les papiers d’identité étaient expirés figuraient pourtant sur de nombreuses listes électorales.

Jusqu’au dernier moment, chaque camp a accusé l’autre de mettre la Cour sous pression. 200 manifestants (ou 300 ?) s’étaient d’ailleurs rassemblés ce jour devant son siège.
Mais Bruxelles a mis en garde : la décision juridique doit être respectée par toutes les formations politiques.

Pour Euronews, la lutte pour le pouvoir réel risque de se poursuivre. Le terme du mandat du président s’achève en 2014, mais les législatives devraient être organisées au plus tard le 2 décembre 2012. Les prochains mois pourraient donc réserver des surprises.

Le président du groupe parlementaire PNL (Puiu Hasotti, membre de la coalition parlementaire USL au pouvoir), s’est aussitôt exprimé pour dire que 90 % des Roumains, en dépit de la décision juridique, considéraient que Crin Antonescu était le véritable président de la Roumanie et que la décision de la cour était « antinationale, contraire à la réalité et aux chiffres. ». Antonescu s’inclinera, certes, mais devrait pouvoir rester à la présidence de son parti. Radu Stroe, ministre délégué aux Affaires administratives, lui aussi PNL, a critiqué la décision : la cour n’aurait pas tenu compte du vote majoritaire.

Rien de sûr ?

On se demande si la majorité gouvernementale ne veut pas réduire Basescu à un statut de chef de l’État dépourvu des prérogatives présidentielles, soit à des fonctions de potiche. Dans une conférence de presse, Antonescu s’est certes dit respectueux formellement de la décision mais que la cohabitation de son prédécesseur et successeur « avec la majorité du corps électoral » restait illusoire. Il a repris l’antienne que la politique roumaine ne pouvait être dictée par l’étranger.
Pour lui, Basescu doit se retirer de la vie politique active. Il considère toujours que, comme hier, Basescu n’est plus légitime.

 

Rodomontades ou non ? L’avenir proche l’établira. La sécheresse inquiète certes plus les producteurs, les prévisions économiques (croissance de 0,9 % seulement envisagée) sont sans doute plus menaçantes qu’une persistance de la crise. Mais elle n’arrange rien. Dan Bucsa, économiste d’Unicredit pour la Roumanie, une bataille s’achève, mais non pas la « guerre ».
Basescu et le gouvernement pourraient continuer à s’affronter lors de nominations d’officiels (notamment de magistrats), les autorités départementales pourraient contester les décisions gouvernementales.

On notera aussi que l’une des dernières phrases prononcées par Antonescu lors de sa conférence de presse a mentionné Mugur Isarescu. Ce dernier, ancien et actuel gouverneur de la banque nationale roumaine, puis négociateur de l’entrée de la Roumanie dans l’Union européenne, membre de la Commission trilatérale, et du Club de Rome, avait refusé l’offre de redevenir Premier ministre. ll est considéré proche du FMI et de la Commission européenne. « Nu ma intereseaza nici chiar ce spune Mugur Isarescu, » a conclu l’ex-président intérimaire. Cela veut-il dire que ce désintérêt pour l’opinion du gouverneur vaut déclaration d’indépendance par rapport au FMI ? Sans doute pas autre que verbale.
Mais alors que la Roumanie vient d’être rétrogradée dans la liste des pays classées selon l’état sanitaire (passant à la 69e place sur 145), c’est aussi un indicateur : la politique d’austérité drastique de Basescu aurait fait son temps, et démontré sa faillite, l’USL approfondira une autre voie. Il n’est pas sûr que la crise de la zone euro laisse beaucoup de marge de manœuvre.

Bataille d’arrière-garde ?

On en était là, cet après-midi, quand tout à coup, après avoir participé à la réunion des chefs de file de sa coalition, au palais Victoria (érigé sous Ceaucescu), le chef du gouvernement s’est exprimé de nouveau pour annoncer une « ample réforme constitutionnelle ».

Invoquant la loi 370, Victor Ponta a critiqué la décision de la Cour – que ses partisans estiment avoir été adoptée grâce à des manoeuvres d’Aspazia Cojocaru, nommée sur proposition du PSD, le parti de Basescu – et l’a même déclarée « illégale », « improvisée », « injuste ». Le gouvernement se verrait dans l’obligation de respecter la volonté populaire exprimée lors du référendum tout en étant contraint de se plier à la décision de la Cour constitutionnelle.
Mais il a surtout annoncé une réforme constitutionnelle de grande ampleur pour mieux définir les pouvoirs respectifs du parlement, du gouvernement, et de la présidence. Cela laisse présager de vifs échanges entre majorité et opposition.