Allons bon, voici que les médecins se plaignent que les pharmaciens, euh, les dentistes, puissent piquer autour de la bouche pour combler des rides. Les médecins ont gagné une manche, les dentistes répliquent en invoquant les pratiques européennes. Et les ridés se taisent, comme d’hab’.

Franchement, trouvez-vous normal qu’un dentiste puisse vous faire une piqure anesthésiante avant une intervention ? Ce devrait être réservé à un anesthésiste, non ? Ah non, dans la bouche, c’est le dentiste, hors la bouche, c’est le médecin.

Ainsi vient de le rappeler l’ordre des médecins, et bonne fille, Nora Berra, secrétaire d’État à la Santé, leur a donné raison.
Du coup, l’ordre des chirurgiens-dentistes et l’Association dentaire française protestent.
C’est pour les bouches édentés qu’il faut intervenir, et injecter, rapido-presto, soit chez l’arracheur de dents, de l’acide hyaluronique pour faire gonfler la lèvre qui risque de s’affaisser dans la seconde.

La bonne blague. Comme si la plupart de leurs intervention sur le pourtour de la bouche des patientes s’effectuait en tournée des maisons de santé du quatrième âge ! On a compris l’immense portée de l’argument.
Plus sérieusement, on se demande pourquoi les infirmières ne pourraient pas être formées à ce genre d’intervention. Ah non, les vilains technocrates européens l’interdiraient et d’ailleurs, ils pourraient donner raison aux dentistes : il paraît qu’en Europe, partout, les dentistes se livrent à ce genre d’injection.

Très bon argument, l’Europe

Tiens, justement, les pratiques européennes. Il ne revient guère plus cher, en soi, d’aller au Danemark se faire réaliser des prothèses dentaires qu’en Hongrie, Roumanie et Bulgarie. Enfin, en s’y télétransportant aller-retour dans la journée, et en ne consommant rien d’autre sur place que de la dentisterie, au sens large (car le coût de l’hôtellerie-restauration au Danemark, bonjour).

 

Car, bizarrement, au Danemark, ou en Norvège, le dentiste traite la dent et le prothésiste dentaire, la prothèse. C’est ce dernier qui la pose, l’ajuste, &c. Et comme par hasard, le prothésiste est beaucoup moins cher que le dentiste.

Aux États-Unis, vous avez même des dentistes-prothesticiens…

En France, un dentiste peut surfacturer des prothèses dentaires. Si pas trop vu, pas pris. Pas comme le dentiste antillais de Dillon, près de Fort-de-France, qui avait fini placé sous contrôle judiciaire. Pas comme le dentiste axonais de Saint-Quentin qui avait surfacturé à hauteur de plus de un million d’euros au fil des ans (et aussi déclaré des actes fictifs ou établi deux fois des factures pour des soins réels.

Espérons que l’Europe va obliger à publier les tarifs des prothésistes, importateurs, &c. Et faire en sorte que la facture du prothésiste soit communiqué au patient.

 

Partout en Europe, il est question de déréguler un peu tout, comme les taxis en Italie ou en Grèce, et en particulier, en Grèce, les professions juridiques, médicales et pharmaceutiques, &c. Mais, en France, pays sans la moindre dette, comme on sait, il n’est nul question d’invoquer les notaires ou d’autres professions libérales. Comme c’est bizarre…

Bon, on comprend Nora Berra. Il doit y avoir, en France métropolitaine, dans les 43 000 dentistes (les chiffres divergeaient en 2005 entre l’Adeli, donc la Dree, et l’Ordre, la moyenne s’établissant à près de 41 000). En général, les dentistes votent davantage que, mettons, les vendeurs de primeurs. Il doit y avoir, en 2012, largement plus du double de médecins généralistes (115 300 en 2006), qui votent assez fréquemment. Le calcul est vite fait, on a compris.

 

Remarquez que, pour une fois, ce n’est pas vraiment la santé des patients qui est en jeu. Les dentistes veulent bien admettre (en tout cas, je n’ai rien lu allant dans le sens contraire), qu’un médecin est aussi qualifié qu’eux-mêmes. Mais, attention, pour injecter du Botox dans des rides du front, par exemple, si jamais les dentistes s’y mettaient…

 

 

 

Ah ma brave dame, tiens, on ne devrait jamais vieillir. Plus cela va, pire c’est la même chose… 

P.-S. – l’inventeur américain du Botox, Alan Scott, a vendu ses brevets au groupe Allergan. Il se plaint auprès du Times of India qu’il avait eu en vue (c’est le cas de le dire, car c’est un ophtalmologue) la résolution de problèmes neurologiques. À présent, c’est surtout utilisé en chirurgie esthétique. Au fait, un ophtalmologue qui se préoccupe de neurologie, c’est une totale anomalie, cela ! Pourquoi pas un pharmacien se préoccupant de parasitologie (voir notre autre article : « Santé publique : la prime à l’incompétence »).