Tout le monde s'inquiète du devenir des centaines de milliers de paysans sénégalais… enfin j'ose supposer que même notre gouvernement est un peu inquiet.
Pour sortir les paysans de leur marasme, on ne parle que d'argent et de mécanisation, comme si cela pouvait résoudre tous nos problèmes agricoles.
D'évidence ce n'est pas vrai. L'agriculture de capital, avec la création d'une agriculture industrielle, peut augmenter la valeur ajouté du secteur primaire, mais en aucun cas transformer le quotidien des paysans. Pourquoi?
Parce que cette agriculture, dévoreuse de surface, grande utilisatrice de machines n'a besoin que de peu d'hommes, hormis peut être de travailleurs saisonniers. Cette agriculture enrichit le capitalisme agricole, en aucun cas les paysans.
Cette agriculture n'est pas faite pour les paysans, qui justement manquent de capital!
Cette agriculture n'est pas faite pour les paysans qui ne peuvent être que paysans faute d'autres débouchés.
Or, jusqu'à ce que l'industrie puisse offrir des débouchés suffisant à la main d'oeuvre sénégalaise, la masse de la paysannerie devra vivre de la terre. La population double tous les 25 ans, la terre n'est pas extensible et la surface disponible pour nourrir une famille diminue inxorablement.
Pendant encore au moins une génération, la population agricole va augmenter, à supposer que l'industrialisation démarre réellement.
On peut donc formuler le problème agricole d'une manière assez simple : comment faire vivre plus de personnes sur de plus petites surfaces
D'évidence l'augmentation du revenus des paysans ne passe pas par le labourage au tracteur des champs de mil ou d'arachide, mais par la mise en place de cultures à plus forte valeur ajoutée, peu exigentes en capital et si possible à haute intensité de travail. Cela ressemble un peu à la quadrature du cercle. Il n'en est rien.
Ces cultures existent, des méthodes culturales innovantes, restauratrices de la fertilité des sols sont utilisées dans de nombreux pays, des modèles d'agriculture/élevage intégrés performants (dans nos pays) ont été mis au point.
Pourquoi n'utilise t on pas ces méthodes éprouvées qui ont permis d'améliorer les conditions de vie des agriculteurs dans de nombreux pays? Pourquoi pas au Sénégal?
Les cultures d'arbres fourragers peuvent résoudre, en grande partie, le problème de l'embouche intensive, les techniques sont connues, mais personne ne les diffuse en milieu paysan.
Des essais concluants ont été fait et dorment dans des tiroirs au ministères. Années après années, on recommence les mêmes expérimentations dont on connait parfaitement les résultats pour autant que l'on se donne la peine de consulter les archives.
Un exemple entre des centaines : depuis 50 ans, on a régulièrement étudié les capacités de prise de poids des races bovines du Sénégal. Or la première expérimentation a été effectuée bien avant l'indépendance et le compte rendu existe à la bibliothèque de l'école vérérinaire!
Qui a jamais vu un technicien agricole dans un village? une réelle campagne de vulgarisation?
Légitimement on peut même se demander à quoi peut bien servir le ministère de l'agriculture puisqu'il n'est pas capable d'aider les paysans à changer ses cultures et à faire évoluer ses pratiques agricoles.
Peut être que le ministère de l'agriculture n'a pas besoin des paysans pour exister, peut être n'a t il besoin que d'un ministre, d'une foultitude de conseillers et de fonctionnaires. Va savoir!