Emmanuel Macron a qualifié Russia Today et Sputnik d’« organes d’influence qui ont répandu des contre-vérités infamantes sur ma personne » sans que Vladimir Poutine réagisse. Les deux « organes » ont pris leur temps pour digérer tant les propos du président français que le silence du président russe…
C’est en réponse à une question de Xenia Fedorova, de Russia Today France, qu’Emmanuel Macron a exposé que les journalistes étrangers, y compris russes, sont bienvenus, mais que les représentants de ces deux titres ne peuvent être considérés membres de la presse internationale. Il a fallu attendre un long moment pour que le « fil » anglophone de RT fasse état, de manière fort succincte (deux phrases, quatre lignes), de cet échange. Quant au direct de Sputnik News, version française, il restait bloqué, à 18 h 15 (heure de Paris), sur le commentaire, prononcé à 17 h 44, sur les hackers : « selon le président russe, les accusations sur l’ingérence présumée de pirates informatiques russes dans l’élection présidentielle françaises sont infondées et ces spéculations de mènent à rien. ». Sputnik avait habitué son lectorat à plus de pugnacité, notamment en plaçant sur sa page d’accueil une rubrique satirique intitulée « La Main de Moscou » tournant en dérision ce type d’accusations. Elle a subitement disparu – brièvement – de l’édition française mais demeurait (The Russians dit it) en version internationale anglophone.
Procédés détournés
En fait, ni Sputnik, ni Russia Today ne s’étaient prononcés frontalement sur les mœurs du candidat Macron, son prétendu compte offshore, ou encore sur ses soutiens censés appartenir à la « finance internationale ». Les deux rédactions déléguaient ce soin à des intervenants extérieurs – notamment Jacques Sapir – ou répercutaient des tweets et commentaires d’internautes, pour la plupart liés au Front national ou plus largement à la fachosphère. Avant la rencontre Poutine-Macron, Sputnik titrait « les internautes trépignent et conjecturent ». Suivait une ribambelle de visuels détournés ou non montrant Vladimir Poutine en judoka ou lutteur ne faisant qu’une bouchée de son homologue français. Ou par exemple un Vladimir Poutine tenant un serin dans ses mains, ou donnant le biberon à un jeune veau… Aussi le portrait de Pierre Le Grand tenant dans ses bras le très jeune Louis, futur Louis XIV. Commentaire de Sputnik : « la comparaison est évidemment en faveur de Vladimir Poutine » (plus âgé et plus expérimenté politiquement et sur le plan international). 18 h 30, sur Sputnik édition française, le direct restait figé, mais divers articles reprenant les points positifs de la rencontre étaient mis en avant (page d’accueil, pages France et International). Cependant, la rubrique « Main du Kremlin » ressurgissait, avec un billet daté d’hier dimanche se gaussant des « tentacules du Kremlin qui s’étendent vers les gorges des capitales-clés de l’Europe et de ses alliés de l’Alliance. ». Mais lors de la campagne présidentielle française, il n’y eut pas que ces deux « organes » russes à faire fête à François Fillon, puis Marine Le Pen, tout en dénigrant systématiquement Emmanuel Macron. Divers titres et chaînes russes, pas vraiment indépendantes, n’ont pas vraiment lésiné sur la dezinformatsiya. Le général Valéry Guérassimov n’avait-t-il pas estimé que « la valeur des outils non militaires dans la réussite d’objectifs politiques et stratégiques s’accroît… » ? Finalement, RT (pages France) est revenu sur « les accusions sans preuve du camp Macron depuis le mois de mars ». Mais, visiblement, l’heure n’est plus aux réactions indignées… Et sur RT, Jacques Sapir conclut : « ces deux dirigeants doivent tirer sur le dogmatisme qui imprégnait les relations franco-russes du temps de François Hollande. Le fait que l’un et l’autre soient des pragmatiques est plutôt de bon augure. ». Fermez le ban. Passons au réel.