Deux ans après « Amoureux de Paname » (en 1977 donc), Renaud nous livre son deuxième album. Si le ton du premier était profondément Parisien et revendicateur, il change radicalement dans celui-ci.

Un album plus léger, peut être moins « sérieux ».

Dans « Laisse béton », Renaud nous livre la panoplie complète du parfait loubard. La pochette de l’album parle d’ailleurs d’elle-même. Du loubard Parisien oui. Il ne peut tout de même pas lâcher sa ville aussi facilement.

Dans le titre éponyme, il nous raconte avec humour l’histoire d’un loubard qui se fait dépouiller des ses fringues. Le tout avec humour oui, et avec beaucoup de légèreté aussi (« la morale de c’te pauvre histoire, c’est que quand t’es tranquille et peinard, faut pas trop traîner dans les bars à moins d’être fringué en costard-quand à la fin d’une chanson, tu t’t’retrouves à poil sans tes bottes, faut avoir d’l’imagination pour trouver une chute rigolote »). Dès la première chanson, celle qui connaîtra le succès, le ton est donné.

Le loubard, on le retrouve également sur le même ton dans « Je suis une bande de jeunes », « La bande à Lucien », « Adieu Minette » ou encore « La Boum ». Les bandes de potes, les histoires d’amour entre un loubard et une bourgeoise, les boums « tristes à pleurer »,  tout y passe. Le tout est conté et chanté d’une manière détachée et désabusée.

Le loubard, on le retrouve également évoqué de manière plus tragique. Dans « La chanson du loubard », Renaud nous raconte l’existence d’un jeune de banlieue. Un jeune sans travail (« à quatorze ans mon paternel m’a fait embaucher à l’usine, deux jours plus tard j’ai fait la belle, paraît que j’suis un fils indigne….bordel »), un jeune qui ne trouve pas sa place dans la société («j’suis un loubard périphérique, j’en ai plein les bottes de ce bled, la France est une banlieue merdique comme dit mon copain Mohamed aux flic »), un jeune au quotidien pourri et sans avenir (« j’ai l’air crado, c’est pas ma faute, mon HLM c’est pas Byzance mon pote »). Un portrait au vitriol d’un petit loubard de banlieue comme Renaud devait en côtoyer tans d’autres.

Le loubard, enfin, il est évoqué dans « Les Charognards », chanson tirée d’un fait divers auquel Renaud a personnellement assisté le 5 décembre 1975. La nuit ou il a vu la « brigande anti-gag » descendre de sang froid un petit braqueur. Dans ce titre, plus que le destin tragique du loubard en question, il fustige les réactions de curieux : « il dit j’suis pas raciste mais quand même les bicauds chaque fois qu’y a un sale coup bah il faut qu’ils en soient », « ces mecs c’est d’la racaille, c’est pire que les Vietminh, fait les descendre d‘abord et discuter ensuite », « le boulanger du coin a quitté ses fourneaux pour s’en venir cracher sur mon corps déjà froid ». Une critique acerbe d’une société raciste et déjà individualiste à l’époque. Le destin d’un « voyou qui rêvait de millions » et qui n’a plus désormais que « des millions d’étoiles au fond de (son) caveau ». Dans cet album au ton léger, ce titre fait figure d’OVNI. Un titre vrai, des paroles dures pour une chanson à la fois cruelle et d’une beauté incomparable. Après « Hexagone », Renaud frappe une nouvelle fois. Pas avec l’album entier non, mais avec cette chanson. Et il frappe très fort, s’affirmant une nouvelle fois comme le défenseur et le porte parole des opprimés et des renégats de la société.