à Marie Curie et à Jules Ferry ?
Les présidents de la république nouvellement élus se doivent d’honorer une figure de notre république représentant une action qui marqua la vie républicaine de notre nation. Quand Valéry Giscard d’Estaing fut investi, il ne dédia pas son septennat de l’époque à une quelconque figure de notre histoire républicaine. Son investiture refléta en 1974 le 27 mai le signe de la simplicité, il ne voulut faire grandiose. Il marqua, à pieds, le passage du ministère des finances qu’il occupait avant d’être élu président de la république, jusqu’à l’Élysée. Cette marche fit qu’il fut applaudit par la foule derrière des barrières tout le long du parcours. Arrivé à l’Élysée il fut accueillit par Alain Poher président du sénat et second personnage de l’État, le président Pompidou ne put passer le témoin par suite de son douloureux décès. Le 21 mai 1981 c’est au tour de François Mitterrand de faire son geste symbolique qu’il voulut solennel, c’était la première fois qu’un homme de gauche accédait à la magistrature suprême. Il se rendit au Panthéon. Son cortège s’arrêta rue Soufflot et descendant de voiture, il remonta seul à pieds la rue qui mène au Panthéon deux roses à la main, laissant la foule derrière lui. A l’intérieur du Panthéon, il se recueillit devant les tombes du fondateur du socialisme Français Jean Jaurès, du grand résistant que fut Jean Moulin et de Victor Schoelcher qui participa à l’abolition de l’esclavage en France. Le 17 mai 1995 ce fut Jacques Chirac qui plaça cette journée sous le signe du gaullisme. Tôt le matin, il se rendit à Colombey-les-Deux-Eglises pour y déposer une gerbe de fleurs. Le 16 mai 2007 Nicolas Sarkozy rendit hommage aux 35 jeunes résistants Français qui furent fusillés au Bois de Boulogne en août 1944 par les nazis, une semaine avant la libération de Paris.
Pour François Hollande ce sera Marie Curie et Jules Ferry.
Marie Curie est née Maria Salomea Skłodowska à Varsovie au sein du Royaume du Congrès, actuellement la Pologne, et mourut le 4 juillet 1934 au sanatorium de Sancellemoz situé à Passy en Haute-Savoie. Elle fut une grande physicienne et chimiste Française. Avec son époux Pierre Curie ils reçurent en 1903 une moitié du prix Nobel de physique avec Henri Bequerel pour leurs recherches sur les radiations. En 1911 elle reçut le prix Nobel de chimie pour ses travaux sur le polonium et le radium. Elle est à ce jour la seule femme à avoir reçu deux prix Nobel et la seule parmi tous les lauréats à avoir été récompensée dans deux domaines scientifiques différents. Elle donna sa vie à la science. François Hollande célèbre en elle l’immigrée qui fut une gloire de la science Française. En ce moment ou les immigrés sont vilipendés et accusés de tous nos maux, ce geste symbolique envers cette femme montre à la fois qu’ils peuvent apporter une valeur d’exemple à notre pays, mais avec Jules Ferry, il place la femme au même niveau que l’homme.
Jules Ferry est né le 5 avril 1832 à Saint-Dié, Vosges, et mourut le 17 mars 1893 à Paris. Membre du gouvernement provisoire en 1870 et maire de Paris en 1871, il fut l’auteur des lois de la IIIème République rendant l’instruction obligatoire gratuite et l’enseignement laïc. Considéré comme le promoteur de «l’école gratuite, laïque et obligatoire», il est devenu plusieurs décennies après sa mort, une figure emblématique de la laïcité Française et l’un des pères fondateurs de l’identité républicaine. En fait il fut un défenseur de l’école mais pas exclusivement laïque. La loi du 28 mars 1882 porta sur l’enseignement primaire obligatoire mais non de scolarisation, et ne fit pas mention directe à la laïcité, mais de façon implicite, comme on peut le remarquer sur la référence citée.
«Cette loi ne fait mention ni de la laïcité, ni de la neutralité. Les premiers programmes de l’éducation morale laïque, parus au Bulletin administratif du 27 juillet 1882, ne font mention ni de la laïcité, ni de la neutralité. On ne trouve nulle part non plus, dans cette période, l’expression de «morale laïque», autant dire qu’on n’en trouve pas, à proprement parler, l’affirmation. La loi du 28 mars 1882 s’intitule sobrement, «loi relative à l’obligation de l’enseignement primaire». Le principe de laïcité, tout en n’étant ni évoqué, ni explicité, est implicite dans la mention de l’abrogation des articles 23, 18, 44, et du § 2 de l’article 31 de la loi Falloux du 15 mars 1850. L’article 23 de la loi Falloux mettait en tête des programmes de l’école primaire l’instruction morale et religieuse. Dans la loi du 28 mars, elle est remplacée par l’instruction morale et civique. Les articles 18 et 44 de la loi du 15 mars 1850 qui donnaient aux ministres des cultes un droit d’inspection, de surveillance et de direction dans les écoles primaires publiques et privées et dans les salles d’asile, ainsi que le § 2 de l’article 31 de la même loi qui donnait aux consistoires le droit de présentation pour les instituteurs appartenant aux cultes non catholiques, sont abrogées par la loi du 28 mars 1882». Ce texte est tiré, de Laurence Loeffel, Université de Picardie Jules-Vernes, Faculté de Philosophie, Sciences Humaines et Sociales, et que j’ai corrigé et complété.
Les premiers textes institutionnels qui encadrent l’école primaire dans la république sont plutôt sibyllins dans le sens de la laïcité et par voie de conséquence sur la neutralité de l’école publique.
La notion moderne de la laïcité apparaît quand la théorie politique et celle de l’État deviennent capables d’une pensée autonome sur la question religieuse. En 1792, Condorcet présente à la Convention un plan d’organisation de l’instruction publique basé sur les principes de la laïcité. Son Rapport sur l’instruction publique postule comme élément fondamental de l’éducation «la libération de l’esprit». Il tient ainsi à bannir de l’école toute doctrine politique, toute autorité religieuse et tout dogme intellectuel ou pédagogique,
«la Constitution, en reconnaissant le droit à chaque individu de choisir son culte, en établissant une entière égalité entre tous les habitants de France, ne permet pas d’admettre dans l’instruction publique un enseignement qui donnerait à des dogmes particuliers un avantage contraire à la liberté des opinions».
Les philosophes des Lumières au XVIIIème siècle comme Voltaire, se sont mis à parler de prêtres ou de missionnaires laïques pour désigner la vocation morale hors du clergé et des doctrines religieuses. Les termes «laïcué», «laïciser», «laïcisation», ne sont attestés qu’à partir de la chute du Second Empire, en 1870, le terme «laïcité» est contemporain de la Commune de Paris qui vota en 1871 un décret de séparation de l’Église et de l’État. Jules Ferry fut un adversaire résolu des Fédérés ce qui l’obligea à prendre la fuite de Paris étant encore maire. Il fut donc un homme politique très controversé puisque aussi partisan de l’expansion coloniale ce qui lui donna le surnom «Tonkinois» par ses adversaires politiques et une partie de l’opinion publique hostile à l’expansion coloniale. «Jules Ferry fut non seulement un grand colonisateur, mais c’est quelqu’un qui fonda la colonisation sur une vraie théorie raciste. De même qu’il faut éduquer les enfants, il faut éduquer les Africains, c’était cela l’idée». Les conservateurs comme Adolphe Thiers sont opposées à la colonisation qu’ils accusèrent de détourner hors du territoire les investissements, tandis que les progressistes y furent favorables pour des questions idéologiques. Mais la gauche républicaine de Georges Clemenceau y fut opposée également parce que les aventures colonialistes détournaient l’attention des provinces perdues d’Alsace-Lorraine.
Ces hommes des Lumières sont liés, sous la Troisième République, à la mise en place progressive d’un enseignement non religieux mais institué par l’État. Le substantif «la laïque», sans autre précision, désignait familièrement l’école républicaine. La laïcité sécularise alors la puissance publique et renvoie l’activité religieuse à la sphère privée.
En fait c’est Ferdinand Buisson qui crée le mot «laïcité». Député très proche de Jules Ferry, il présida en 1905 la commission parlementaire de séparation des églises de l’État. Il fut un personnage clé de la rénovation de l’école primaire. De 1879 à 1896, il fut appelé par Jules Ferry, successeur de Jules Simon, à la direction de l’Enseignement primaire. Au cours de cette période Ferdinand Buisson mit en œuvre le chantier remarquable du Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire, pour la rédaction duquel il s’entoura de plus de 358 collaborateurs. La première édition fut publiée par Hachette entre 1882 et 1887. En 1890, il devint professeur de pédagogie à la Sorbonne. Puis supervisa le travail d’écriture et de conception des lois sur la laïcité. Autant dire qu’il fut le maître de la rénovation de l’école primaire.
Pourquoi François Hollande a-t-il voulu honorer Jules Ferry en lui dédiant comme à Marie Curie son quinquennat ? Pour l’école probablement certainement pas pour l’expansion colonialiste qu’il développa. Cette référence à Jules Ferry va donner à ses opposants du grain à moudre l’accusant de commémorer le racisme, ce serait vil et malhonnête. Il n’a pas cherché à approfondir le personnage, qu’il faut reconnaître avoir entrepris, avec d’autres, la longue marche vers l’école républicaine et laïque.
[b]Excellent rappel Anido, avec l’objectivité qui sied.
Amicalement.[/b]
La neutralité de l’école publique ? J’ai bien des doutes, puisque je suis moi-même passé par des écoles dites laïques. Toutes ne sont pas aussi neutres qu’on le prétend. On devrait, à mon avis, enseigner ce que recouvre véritablement toute la dimension de la laïcité.
Hé oui, Jules Ferry fut aussi cet homme ! Mais les grands hommes ont aussi leur part d’ombre…