Deux ans après, le monde a oublié le scandale Politkovskaia. La mort de cette journaliste qui dénonçait les méthodes Poutine devait pourtant symboliser la situation de la presse en Russie. Les coupables vont enfin être jugés. Mais quels coupables vont payer pour la mort d’Anna Politkovskaia ?
L'affaire Politkovskaia touche à sa fin. Après vingts mois d'investigation, les quatre suspects détenus par les autorités russes vont être jugés. Djibrail et Ibrahim Makhmoudov, Sergueï Hadjikourbanov et Pavel Riagouzov restent donc seuls pour payer la mort de la journaliste russe. Pour Dmitri Mouratov, rédacteur en chef de Novaïa Gazeta, le journal pour lequel travaillait Anna Politkovskaia, la conclusion de l'enquête est loin d'être satisfaisante. S'il reproche à la police les « nombreuses fuites d'informations qui ont permis à de nombreuses personnes impliquées […] de prendre le large à temps », il s'interroge surtout sur la crédibilité des conclusions des enquêteurs. Finalement, Roustam Makhmoudov, soupçonné d'avoir tiré sur la journaliste, n'a pas été retrouvé. Il n'y a pas non plus eu de conclusions sur les commanditaires de cet assassinat.
« Il ne doit pas rester impuni ». C'est ce qu'avait décrété Vladimir Poutine trois jours après la mort de l'une des journalistes les plus sévères envers sa politique, en parlant de son meurtre. Le 18 juin, les mises en examen prononcées semblent pourtant laisser croire que seuls les exécutants paieront l'addition. Les éléments sont pourtant bien réunis pour laisser présager d'un commanditaire puissant : trois frères tchétchénes chargés de tuer Anna Politkovskaia et un membre du FSB, le service russe de sécurité qui leur aurait donné l'adresse de la victime. Pour beaucoup de Russes, le gouvernement est responsable de la mort de la journaliste. Pourtant, deux ans après, les esprits ont peu à peu effacé Anna Politkovskaia de leur mémoire.
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Au cours de sa carrière, elle est plusieurs fois menacée. En 2001, elle est emprisonnée par des militaires russes en Tchétchénie qui la menacent de viol, de mort et de représailles sur ses deux enfants. En 2002, elle assiste au gazage des otages du théàtre de la rue Melnikov tandis qu'elle participe aux négociations. En 2004 elle est empoisonnée alors qu'elle se rend aux négociations de la prise d'otage de Beslan. Les preuves disparaissent et le SPD est soupçonné d'y avoir joué un rôle important. Malgré les nombreuses menaces qui pèsent sur elle, elle refuse l'asile que lui offre l'Europe et préfère rester en Russie pour défendre les intérêts de son peuple.
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Après la mort d'Anna Politkovskaia, deux de ses collègues continuent son travail. Le premier travaille dans le Caucase, le second enquête sur sa mort. Tous deux recoivent très vite des menaces par téléphone, sous la même forme que celles que recevaient la journaliste russe. Dmitri Mouratov rend l'affaire publique et dit se reposer sur les autorités, sans grande conviction, pour protéger la vie de ses journalistes.
Les droits de la presse sont toujours controversés en Russie. Derrière ce fait divers, ce sont des luttes de pouvoirs qui apparaissent entre les différentes forces politiques et financières du pays. Le prix payé pour la perte d'Anna Politkovskai semble peu élevé et ses collègues continuent de travailler dans un climat médiatique maîtrisé par le Kremlin. Pourtant ils continuent de dénoncer la situation du Caucase et la violence du gouvernement russe, comme en hommage aux mots de leur ancienne consoeur.
« Les mots peuvent sauver des vies ».
Il faut peut être essayer de voir sous un autre jour et se dire que même s’ils sont victimes de menaces les journalistes en Russie font leur boulot ou du moins essaient.
[b]Puis, les journalistes russes seront très certainement les artisans d’une nouvelle démocratie en Russie[/b]