Si, pour la crise financière, des têtes doivent tomber, ce sont celles de nos gouvernants. Mais avant de les faire tomber, interrogeons nous sur ce qu’elles contiennent.
Demander que « les responsables soient puni » relève du populisme le plus primaire. Il me paraît pourtant sain, lorsqu’un pépin d’importance nous arrive, de faire son examen de conscience, de chercher les causes éventuelles qui ont pu fausser notre action et faire en sorte qu’elle échappe à notre contrôle. Car, si je ne me trompe, il y a bien eu erreur de conduite : le conducteur s’est laissé distraire, n’a pas assumé complètement sa tâche et sa responsabilité de guide. Or qui tient les rênes… si ce ne sont les chefs d’états élus par le peuple dans nos démocraties ?
Donc si des têtes doivent tomber, c’est bien celles-ci. Mais avant de reporter toute la responsabilité de la crise sur leurs épaules, interrogeons-nous sur ce que peuvent être nos chefs d’accusation. Que peut-on leur reprocher ? Pour le moment ils se démènent comme de beaux diables pour éviter que le bateau chavire. Mais avant cela qu’ont-ils fait ou que n’ont-ils pas fait qui a permis cette déroute financière ? Et pour revenir à cette distraction qui pourrait être la cause d’une mauvaise conduite, quelle pensée parasite s’est glissée dans la tête de nos chefs d’états pour que cette embardée se produise ? Quelle névrose a entravé leur action ?
Puisque le libéralisme est ce qui imprègne leurs mentalités, analysons-en les prémisses. « Les opérations de gouvernement sont nécessairement dirigées par une théorie » nous dit Turgot, l’utopie les guette, il convient donc « d’abandonner l’intérêt particulier à lui-même », car, nous dit Montesquieu « chacun va au bien public, croyant aller à ses intérêts particuliers ». Ne voit-on pas là qu’en cherchant à fuir une chimère on se précipite dans les bras d’une autre ?
Ce système fonctionne dès lors que cet intérêt particulier ne représente qu’une force minime, mais dès qu’il égale et surpasse celui de l’état, ce que l’on croyait au plus près de la réalité devient une idéologie aussi déconnectée que le communisme qui lui aussi mélange intérêt général et intérêt particulier en octroyant sans contrôle le destin d’une nation à un seul, en affirmant qu’une dictature puisse être libératrice. Dans l’un et l’autre cas, une égocratie prenant la place d’une démocratie, une responsabilité collective ne peut être assumée.
Donc plutôt que faire tomber des têtes, il faudrait plutôt songer à les purger de ce qui les infecte : toutes ces idéologies qui ont horreur de la réalité comme on disait autrefois de la nature qui a horreur du vide. Car c’est la tendance des êtres vivants de s’associer en se complexifiant, la réalité pourrait être ces groupes, famille, nation ou gouvernance mondiale, dont il faudrait préserver la cohésion. Tant que les idéologies sociales ne les menacent pas, elles peuvent être conservées.
Au moins pourrait-on atténuer leurs effets en les associant. De même que des avis bien qu’opposés peuvent être la perception d’une même réalité, plusieurs causes peuvent se combiner pour un même effet. Pourquoi dirigisme et libéralisme ne pourraient-ils se conjuguer ? C’est d’ailleurs ce à quoi nous assistons… malgré et souvent à l’opposé de ce qu’en pensent nos dirigeants. Il conviendrait donc à l’avenir, si l’on veut mieux maîtriser le cours des choses, de ne pas enliser son esprit dans une seule théorie… ou de chercher une application à chacune de ces théories. Dans la conduite d’une nation, seul l’immobilisme est condamnable.