L’Iowa donne aujourd’hui le départ de l’élection présidentielle américaine. Durant dix mois, le monde va avoir les yeux rivés sur les Etats-Unis.
Les caucus s’annoncent déjà serrés dans cet Etat rural du centre.
Tout commence dans l’Iowa, petit Etat du centre d’à peine 3 millions d’habitants. C’est là que se tiennent les premières primaires, où plutôt caucus des élections américaines, ces nombreux tamis avant la Maison-Blanche. Pour l’instant, seuls les militants des partis démocrate et républicain sont invités à voter. Ils doivent choisir, avant le grand rendez-vous de novembre, le candidat qui représentera leur parti.
Les résultats de l’Iowa, s’ils ne sont pas décisifs, donnent toujours une première tendance qui influence forcément les primaires suivantes. The Tall Corn State (l’Etat du grand maïs), comme on le surnomme, est pourtant loin de représenter la totalité des Etats-Unis. 93 % de ses habitants sont blancs, contre 74 % à l’échelle nationale. Les minorités sont très peu représentées : l’Etat compte seulement 2 % de Noirs et 4 % d’hispaniques. Mais l’emporter en Iowa donne un certain avantage psychologique avant le fameux Super Tuesday du 5 février où plus d’une vingtaine
d’Etats devront choisir le favori de leur parti.
Dans ce caucus de l'Iowa, Mike Huckabee serait en tête, selon un sondage du Des Moines Register et Barack Obama y devancerait Hillary Clinton.
Le jeu des présidentielles en Iowa consiste avant tout à chercher et à trouver des électeurs. Dans ce petit État de moins de 3 millions d'habitants au cœur de l'Amérique profonde, on se passionne pour la politique qui, tous les quatre ans, vient animer les mornes plaines plantées de maïs et de soja à perte de vue. Durant l'été et l'automne, on se presse aux débats avec les candidats. L'hiver venu, et avec lui le rendez-vous crucial qui place l'Iowa en tête du calendrier des primaires, jamais plus de 10 % de l'électorat n'a participé à cette élection qui tire son nom d'une réunion de chefs indiens. Même si le record devrait être battu cette année.
D'abord parce qu'en cette saison l'Iowa est souvent recouvert de neige et de glace. Cette année, le scrutin tombe, en plus, le soir du Rosebowl, la finale du championnat universitaire de football américain. La première gageure est donc de motiver les gens à sortir de chez eux. Ensuite, le mode électoral retenu par la tradition a de quoi rebuter : tout le monde doit voter en même temps, devant ses voisins et selon des procédures inhabituelles.
Ce soir, les 1781 écoles, gymnases et autres casernes de pompiers retenus comme bureaux de vote ouvriront leurs portes à 18h30 (minuit et demi en France). Elles se refermeront à 19 heures, au nez des retardataires. Les participants peuvent se déclarer démocrates ou républicains à l'entrée. Côté républicain, on vote en un tour, en inscrivant le nom de son candidat sur un bulletin blanc. Côté démocrate, des groupes se forment dans la salle : chaque groupe doit atteindre un seuil (en général 15 % des présents) pour que son candidat soit jugé «viable». À défaut, les éliminés peuvent exprimer un «second choix» en ralliant un autre groupe. Cela se fait souvent à l'issue de discrètes tractations, sur la grande politique ou la vie de quartier.
Toutes ces particularités rendent l'exercice difficile à gérer pour les prétendants à la Maison-Blanche. Si l'Iowa ne figurait pas en tête du calendrier des primaires (une «tradition» qu'il a réussi à imposer il y a trente ans), la plupart l'esquiveraient sans doute. Mais, après des mois de précampagne dominés par les sondages, ignorer le premier verdict des urnes représente un risque que très peu osent prendre. Du coup, le petit État sort de l'ombre tous les quatre ans, pour devenir le théâtre de la plus imprévisible des foires d'empoigne politiques.
Au bout du compte, la différence se fait sur la personnalité des prétendants et sur l'enthousiasme qu'ils sont capables de susciter. Mike Huckabee, inconnu et sans moyens il y a encore deux mois, a fini la course hier comme le favori dans le camp républicain. «Ce pays appartient encore aux gens comme nous !», a-t-il lancé au public assez jeune venu l'encourager à Des Moines. Combinant la défense stricte des valeurs chrétiennes avec de l'humour et des manières simples, l'ancien pasteur a damé le pion à beaucoup plus riche et plus connu que lui. C'est à cela que sert l'Iowa : donner sa chance à celui qui va à la rencontre des électeurs. Une démarche supplantée par le matraquage télévisé dans des États plus grands comme la Californie et New York. Contrairement à ses rivaux, Huckabee avait l'air détendu à la veille du verdict, entouré de l'acteur Chuck Norris et du groupe de rock dans lequel il joue de la guitare basse. «Il est parti de rien, c'est un des nôtres», explique dans l'assistance Louise Smith.