Pour une droite qui, enfin, s’assume !

Ils sont fous ou quoi, à Atlantico ? Voilà un site qui se veut de droite libérale et qui, dès à présent, ne passera plus rien au nouveau pouvoir politique (pour peu qu’une cohabitation ne brouille les pistes), traquera le moindre impair du président François Hollande, du gouvernement de Jean-Marc Ayrault et c’est fort bien, fort salutaire… On pourra compter sur Atlantico comme sur le Canard enchaîné (et sans doute, dans une moindre mesure, sur Mediapart, Bakchich.info et d’autres…). Mais d’un autre côté, c’est mal jouer les Afflelou que de prôner une voie de sortie de crise à la « Frangela » avec beaucoup plus de Fran que de Gela dedans. Sociaux-traites (à l’UMP et autres), va !

Il fait quoi, le commissaire politique d’Atlantico, Jean-Sébastien Ferjou, pour qui « libéralisme et capitalisme ne sont pas de gros mots » ? Son boulot : ébranler le nouveau pouvoir socialo-communiste, déjà à la présidence et au sénat, peut-être bientôt à l’assemblée et donc, partant, au gouvernement.

La page d’accueil du site met en valeur que Pierre-René Lemas (sec. gén. de l’Élysée) a une petite casserole aux fesses (du côté de Paris Habitat), que la gôche batave va rapidement renier, bafouer, ses promesses (« le reniement, c’est maintenant ? »), que le Flamby serait un faux-mou fort autoritaire, je ne sais quoi…

Et là, j’applaudis. C’est de bonne guerre de dénoncer « une passation de pouvoir sans élégance » (pour ma part, je regrette que François Hollande ait pu serrer la main d’un éventuel délinquant, mais, bon, chacun son truc) et d’en remettre quelques couches : à chacun son rôle… Et puis, il est nécessaire qu’une presse d’opposition tape là où cela fait mal…

 

Mais quand même… Le redchef devrait consulter le « camarade » Alain Krivine (pas le mien même si j’ai toujours apprécié humainement l’ancien chef de file trostkard, parfaitement affable en privé) qui émarge curieusement (non, ce n’est pas le Souvarine du moment) à la liste des contributeurs d’Atlantico. En matière de réclame et propagande, il en connaît un rayon.

Car enfin, quoi ? C’est vraiment se tirer une balle dans le pied que de laisser Jean-Luc Schaffhauser, ancien des Forums d’opposition au communisme, titrer « Les Allemands sont-ils donc totalement incapables de comprendre que leur vision de la rigueur pousse les autres pays européens à la faillite ? ». Tout comme il y a des maisons pour la tolérance, il y a des Jean-Luc Mélenchon pour tenir de tels propos.

L’argumentation de Schaffhauser est tellement proche de celles des travaillistes britanniques (en tout cas Ed Balls & Peter Mandelson) que pour un peu, on croirait lire le manifeste du Front de gauche ? Encore un effort, Atlantico, pour voir l’avenir la rose au poing ! 

 

Schaffhauser recense des évidences. Seuls les dirigeants de la bancassurance, les banksters, et quand même un peu les actionnaires de la finance, profitent – fort copieusement – de la crise, qui finira peut-être aussi par se retourner contre eux. Mais quoi ? lls ont leurs arches de Noé, et le but, c’est de profiter, et gros, et vite, oui ou non ? Que l’élite, les plus malins, les plus forts, gagnent…

Social-traitre

« Le calcul allemand de la rigueur fut stupide, car à la fin tous ces pays devront quand même faire défaut sur leurs dettes pour des raisons tant économiques – la récession -, mais aussi et surtout sociales… ». M’enfin pour le social, il n’y a pas une police et une armée rétribuées pour cela ?

Quoi le chômage ? Mais il en faut, au moins un cinquième du salariat pour tirer les salaires vers la baisse et mieux faire suer le burnous. «  On ne peut demander, en effet, aux peuples de travailler pour les banquiers et les rentiers de la finance. » Oh, mais, que si ! D’ailleurs, qu’a-t-on fait d’autre et « la profonde injustice » dénoncée est la condition même du profit. N’est-ce pas des riches que peut provenir toute richesse ? Et pour faire des riches, il faut fabriquer des pauvres, comme les deux dernières décennies l’ont fort bien démontrer. 

De toute façon, que faire produire aux pauvres que des machines – qui ne font jamais grève – ne peuvent générer en valeur ajoutée ? Et enfin, tout le capitalisme libéral est axé sur la possibilité de faire porter sur les plus pauvres le poids des services et investissements nécessaires pour que les élites fassent encore plus de profits. Tout le reste est fariboles et calembredaines.

Il est bien évident que « la Grèce et le Portugal auraient déjà remboursé plus de la moitié de leur dette si la Banque centrale avait pu procéder à des avances de 1 % au budget de ces États. ».
Mais qui en aurait pâti ? Les investisseurs les plus malins. D’ailleurs, bien stupides ont été ceux qui ont consenti, pour la Grèce, une perte de 70 % de leurs avoirs tandis que d’autres, plus futés, se voient rembourser rubis sur l’ongle, et non pas par anticipation (quand on doit saigner, il faut le faire le plus longuement possible), mais à échéance, comme de normal. Or, la règle n’est-elle pas que le plus retors et le plus implacable gagne ?

Cette droite qui ne s’assume pas est lamentable. On est de droite non pour le cœur mais pour que ses actes charitables vous apportent des crédits d’impôts, une notoriété et mise en valeur qui en impose aux moindres riches qu’on pourra mieux rouler dans la farine. Il faut qu’ils soient flattés et redescendent épatés du yacht sur lequel ils viennent de signer des contrats quasi léonins, et qu’ils s’en félicitent.

La crise, et alors ?

Que l’Allemagne perde à terme 60 milliards de PIB (2,4 points) et connaisse aussi la récession n’a aucune importance. Les pays du sud (et de l’est, donc !) ont été portés à enrichir les plus riches des Allemands qui, à présent, s’en lavent les mains. Depuis quand la droite devrait-elle se montrer patriote ? Le profit n’a pas de frontières. Sa jouissance non plus.

Faire gagner (ou moins perdre) les moins bien nantis des riches aux dépends des plus fortunés, c’est du socialisme. Certes, entre « soi ». Mais tout progrès n’implique-t-il pas qu’il y ait des perdants et des gagnants ? Bien sûr que la crise des dettes a été étendue « à toute la zone euro ». Elle peut même s’étendre au monde entier, mais ce qui est engrangé est engrangé, et rien d’autre ne doit compter.

Ce discours béni-oui-oui risque de faire perdre des voix à l’UMP et au Front national, et des profits aux avocats d’affaires Sarkozy ou Borloo qui peuvent resservir et resserviraient mieux s’ils pouvaient pousser une chambre de droite à bloquer toute mesure contraignante. Et surtout empêcher que l’on s’attaque aux profits financiers. Les seuls qui vaillent et rapportent vraiment. Car qui peut devenir super-riche de par son seul individuel travail ? Un peintre ? Un sculpteur ? Rarement de son vivant : aux plus rusés de spéculer en maintenant les artistes dans une misère décente et de revendre à leur décès aux musées (donc aux gogos) en ayant fait exploser les cotes.

Pour faire de l’argent, il faut d’abord faire travailler les autres. C’est le principe de base. Certes mieux, si possible, en leur concédant des miettes, copieuses au besoin, si et seulement si ils rapportent davantage qu’ils ne coûtent. C’est le b-a-ba de la bonne gestion. Comment en imaginer une autre ?

Schaffhauser, dans d’autres articles, plaide pour des investissements dans des économies d’énergie. Suicidaire. Pour les compenser, il faudra bien augmenter les tarifs en proportion pour conserver les mêmes marges bénéficiaires. Sinon, les investisseurs fuiront. Mais si on augmente trop les tarifs, on casse la consommation. Il est certes possible de la relancer et gonfler ailleurs, mais pourquoi ne pas s’en tenir au statut quo ?

Je comprendrais encore si Schaffhauser avait placé beaucoup de billes dans des sociétés proposant des solutions d’économies d’énergie, mais ce n’est même pas sûr. En revanche, proposer une TVA à 25 % pour tous (et tant qu’à faire un impôt sur le revenu à tranche unique, avec un plafond aussi bas que possible) est une très bonne idée : la TVA, c’est l’entreprise qui la paiera pour les frais de bouche et autres (jets, yachts, voitures de luxe) du dirigeant-propriétaire.

Béni oui-oui gaucho

Utopie que d’énoncer que « la bonne gestion a pour finalité l’homme avec ses besoins, la demande qui va avec l’offre. ». Tous les hommes ? Allons, restons sérieux.

Cette droite faux-cul a-t-elle été à ce point gangrénée par la gauche ? C’est ce que soutiennent le FN et la Droite populaire et d’autres factions de l’UMP. À cette aune, il n’y aurait plus de gagnant définitif au Monopoly, il resterait des joueurs appauvris indéfiniment en piste. Non seulement le chômage est nécessaire, mais l’inflation n’est bonne que si le différentiel reste juteux. Oui à l’inflation, mais pour pouvoir prêter à taux plus hauts ce qui a été ramassé chez les mêmes. Le pragmatisme doit primer.

Ce prêchi-prêcha limite communiste de Schaffhauser sert objectivement l’adversaire, en valide les thèses. Aux Bayrou de faire tampon : là, c’est aussi les laminer. Oui, comme l’exprime par ailleurs, toujours sur Atlantico, Bruno Bertez (ex-Agefi France) : « le ver est dans le fruit, le cheval de Troyes conjoint des Gauches sociales démocrates, des fausses droites et des banques que l’on appelle improprement d’investissement et que l’on devrait appeler banques de spéculation, ce cheval de Troyes à trois pattes est en place… » (à cela près que l’Agefi s’était heureusement bien gardé de dénoncer les banques les plus spéculatives, donc les plus rentables ; au contraire, elle les conseillait, à fort juste titre, aux investisseurs).

Logique de gauche

On a vu Atlantico saluer la naissance d’un syndicat de magistrats s’affirmant à droite. Bien, mais il s’agit d’une fausse droite en fait. Le rôle d’une justice de droite est d’équilibrer au plus juste l’offre des prisons privées et la croissance des profits de leurs investisseurs. Il s’agit de les remplir « just in time » de manière optimale. Un prisonnier coûte cher, peu importe, le petit contribuable, et le moyen, paieront le plus. Bien évidemment, le magistrat est aussi un contribuable. Mais cela peut s’arranger avec des colloques, des contributions versées à l’étranger. Un syndicat de magistrats, cela sert à signaler les bons conférenciers (que rien n’empêche de prodiguer des conseils rémunérés – de diverses manières non imposables – pour contourner les lois stupides en matière de droits du travail et des affaires).

Cette droite mollassonne ne joue même plus correctement son rôle de faux-nez. Comme l’exprime si bien Alain Krivine sur Atlantico, « il existe une confusion politique très forte dans la tête des gens. ». La mission d’un site tel Atlantico est de l’entretenir, et jusqu’à peu, il le faisait assez bien. Mais donner trop de gages à la bienpensance de gauche, cela mène à quoi ?

Remarquez, cela ne me gêne pas trop : l’adversaire est encore plus facile à démonter en reprenant ses propres arguments, en particulier ceux que l’on avance soi-même. Mais c’est beaucoup moins drôle. Franchement, là, vous me décevez. Je ne vais pas tarder à m’ennuyer à vous lire. Allez, un sursaut ! Je n’ai pas besoin d’un second Huffington Post, l’original me suffit.

P.-S. – un bon sujet d’article bientôt : à présent que Claude Chirac fricote avec Valérie Trierweiler, démontrez-nous qu’elle s’habille comme un sac. Si possible qu’elle se soit fait mal tirer. Et là, je vous lis, et toujours rien sur Carla Bruni-Sarkozy et son « Les diseux », titre traitant des journalistes bobos de gôche. Bon sang… vite, vite, réagissez ! Ou alors, quoi, son « Raymond » (Nicolas S.), il pue déjà du bec ?  

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !

Une réflexion sur « Pour une droite qui, enfin, s’assume ! »

  1. Il paraît que le [i]Midi-Libre[/i] avait diffusé un extrait de la chanson « Mon Raymond » (ainsi Carla Bruni évoque-t-elle Nicolas Sarkozy, l’ex-président de la France d’en bas, mais on aurait préféré « Mon Marcel » à trous-trous, évidemment…). C’est bête, je ne retrouve pas, alors que j’aurais adoré parodier.

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