Dans son ouvrage La Méprise, la journaliste Florence Aubenas décrit l'univers des protagonistes de l'Affaire d'Outreau. Une description sobre qui permet de comprendre le mécanisme de ce dossier devenu aujourd'hui l'icône de l'erreur judiciaire.

Outreau. Autrefois peu connue, cette ville du Pas-de-Calais incarne désormais l’erreur judiciaire. Avec pour figure de proue, le jeune et désormais célèbre juge Burgaud engagé dans un procès contre dix-sept adultes accusés d’abus sexuels envers des enfants.

La journaliste Florence Aubenas couvrait le procès en 2004 pour le quotidien Libération. Et à la différence de nombreux autres collègues, elle sentit rapidement l’erreur judiciaire se profiler à l’horizon. Aussi, à son retour à Paris, décida-t-elle d’écrire un livre sur le procès d’Outreau. La méprise aurait dû voir le jour plus tôt, mais son expérience personnelle de journaliste reporter en décida autrement. Comme elle l’explique dans sa préface, Florence Aubenas recommença son livre une fois rentrée de son épisode irakien. Et avec le recul que lui conféra sa tragique expérience, coucha sur papier le procès d’Outreau.

 


La journaliste ne s’attarde pas à développer ses ressentiments, se contentant d’une description sobre pour comprendre le mécanisme de l’erreur judiciaire. Les mots sont justes, les scènes réalistes. Tellement réalistes que la lecture rappelle un roman. Mais les faits n’ont malheureusement rien d’une fiction. D’où ce sentiment de gêne éprouvé, mêlé à une immanquable réflexion : « Comment n’ont-ils pu rien voir ? ».

Au fil des chapitres, Florence Aubenas explique la construction de la rumeur, les mensonges des enfants, les surenchères des accusateurs et les appels désespérés de ceux qui se disent innocents. Outreau naît de la parole d’enfants. Outreau naît de l’imagination de Myriam Delay, qui dénonça ses voisins, ses proches et des notables qu’elle fréquentait à peine. Outreau naît de la misère humaine, de ces familles qui vivent reclus dans leur quartier, avec pour seules sorties les courses au grand supermarché en début de mois. Outreau naît de la persévérance d’un juge, persuadé d’être face à un réseau international pédophile. Outreau naît de l’engouement des médias.

Ils étaient treize à revendiquer leur innocence. Personne ne les a entendus. Personne ne les a écoutés. Chacun semble avoir sa responsabilité dans le dossier. Pourtant, Florence Aubenas ne propose pas un pamphlet. Juste une description qui interpelle quant à la cécité des différents acteurs. Et si ce livre ne peut pas réparer l’attitude de chacun, du moins peut-il éviter une nouvelle erreur judiciaire similaire.

 

Florence AUBENAS, La Méprise. L’Affaire d’Outreau, Paris, Seuil, 2005, 255 p.