L’Anjou veut les bijous de la Queen !

La Ville d’Angers, qui réclame depuis mai dernier les bijoux de la reine Elizabeth au Royaume-Uni, fait enfin vraiment parler d’elle outre-Manche. Les Rosbifs, très fair play, ont attendu le retour du beau temps pour vraiment faire part de cette initiative, donnant un coup de pouce à cette opération de promotion du tourisme angevin.

 

Un Angevin de toujours, qu’il soit d’Anjou ou d’Angers même, n’est pas vraiment un quidam comme un autre, et depuis mai dernier, toutes les Angevines doivent se considérer des princesses. En tout cas, c’est ce qui découle de la Pétition Plantagenêt, qui dispose d’une page Facebook, et d’une autre, tout à fait officielle, sur angers.fr, le site de l’hôtel de ville.

Sacrés édiles socialistes…
Doublement « sacrés » car la municipalité PS dénonce un crime d’État, celui d’Édouard Plantagenêt, dont la dynastie a été éclipsée depuis par celle des Tudor, puis des Windsor, et s’en considère l’héritière.

L’affaire n’est pas nouvelle, mais ce dimanche, le site du Daily Mail, l’un des plus visités au monde, relaye cette opération de promotion touristique.

Les faits – atroces – sont les suivants : le 28 novembre 1499, le fourbe Henri VII Tudor, qui s’est emparé de la couronne d’Angleterre, fait décapiter Édouard Plantagenêt, son prisonnier depuis l’âge de dix ans.
À 25 ans, Édouard est trucidé muni de toutes ses dents.
Il était comte de Warwick, de Salisbury, et dernier descendant direct des « Rois angevins ».

« Aujourd’hui, l’héritage des Platagenêts doit revenir à ses héritiers et les joyaux de la couronne d’Angleterre doivent revenir aux Angevins, » proclame le texte de la pétition qui exige de les exposer en plein cœur piétonnier de la ville, dans la tour Saint-Aubin…

La ville du « bon roi René » ne manque pas d’atouts touristique, en premier lieu sa forteresse (aux tours rasées, sauf la plus petite, sur ordre de Richelieu). L’Anjou, région viticole et comptant quelques autres « châteaux de la Loire », n’a peut-être pas très foi dans le devenir de sa réclamation, mais sait-on jamais ? Sa Très Gracieuse Majesté, ou plutôt son gouvernement, qui a par le passé restitué des œuvres patrimoniales ou artistiques pillées à l’étranger, pourrait au moins consentir à un geste : peut-être une copie conforme en zyrkon et plaqué or ?

Or donc, les héritiers d’Édouard, né à Warwick, fils de Georges Plantagenêt et d’Isabelle Neville, devint prétendant au trône à la déposition de son cousin Édouard V. Son père ayant été un temps considéré traître, son héritage sera par la suite capté.

De manière très cricket, le Sunday Mail reconnaît que la maison d’Anjou a bien donné 14 rois à l’Angleterre, de 1154 à 1485, dont Richard the Lionheart.

Le dernier descendant, Édouard, décapité dans la London Tower, n’a pas eu l’occasion de faire des bâtards angevins, mais bon, 513 années plus tard, il doit bien compter des arrière-arrière-petits-cousins en Anjou, admettons-le.

En fait, Angers se contente de fort peu. Son héritage serait sans doute estimé par les historiens à des milliards d’euros mais les joyaux du couronnement de la reine d’Angleterre la contentera, une paille, mais fortement symbolique.

La Reine recevra la pétition, rédigée en français (qu’elle parle fort bien), début septembre, date coïncidant avec l’ouverture du festival de rue angevin des Accroche-Cœurs. Pas de quoi lui arracher le sien… D’une part parce que la cour des Plantagenêt préférait largement séjourner en Aquitaine – mais on enterra Richard Cœur de Lion à l’abbaye de Fontevraud, près de Montsoreau, qui jouxte l’Indre-et-Loire – et d’autre part car elle s’en amuse sans doute.

La bataille d’Agincourt scellera le sort d’Henri V. Quant aux joyaux, leurs premiers exemplaires apparurent lors du couronnement de Charles II. Les actuels se composent aussi d’ornements plus récents.

L’essentiel est que le Sunday Mail ait publié, faute d’avoir trouvé une photo de la tour Saint-Aubin peut-être, une autre, fort pittoresque, des logis et de la forteresse.

Pas de raid angevin sur Londres

Ce 2 août 2012, la municipalité angevine, constatant le succès de l’initiative, a publié une mise au point.

« Tout d’abord, qu’il soit bien clair que nos intentions sont pacifiques. Il ne s’agit pas là, malgré ce que l’on a pu en dire, d’une déclaration de guerre faite aux Anglais. La France n’envisage pas de traverser la Manche avec quelques régiments de chars Leclerc pour marcher sur Londres, mettre à feu et à sang Buckingham Palace et, le couteau entre les dents, séquestrer la Reine Elizabeth II pendant que l’on fouille sa cassette personnelle pour en arracher les bijoux. Nous ne sommes animés par aucune haine anglophobe, ne cherchons à venger aucun Fachoda, aucun Waterloo, aucune défaite d’un match France/Angleterre, aucune humiliation au concours Eurovision de la chanson…

Ensuite, NON, il ne s’agit pas d’une campagne de publicité habilement orchestrée pour faire parler d’Angers Loire Valley ou pour lancer la nouvelle ligne aérienne Angers/Londres (qui, pourtant, dessert les deux cités, dans des conditions extrêmement confortables et pratiques, à raison de 3 vols Aller/Retour par semaine pour des tarifs extrêmement abordables, renseignement sur demande auprès de l’office de tourisme d’Angers) bref, d’une manœuvre de communication, avançant masquée pour, perfidement, faire du « buzz » (il faut bien lâcher le mot !) en manipulant l’opinion. Non ! ».

On jugera sur place, lors du festival des Accroche-Cœurs, du 7 au 9 septembre prochain. Comme il avait été procédé pour Bernard-Henri Lévy, une sorte de tribunal populaire international se prononcera sur « les chances de succès de la pétition ». Ambition angevine : 800 000 signatures.
Verra-t-on la tête de la Queen au bout de piques ? Eh non, c’est comme « une réunion de famille, une cousinade, qu’il faut l’envisager, manière de retrouvailles entre lointains parents qui se sont perdus de vue, » qu’il faut envisager cette pétition.

Le communiqué officiel conclut que s’il s’agissait d’un n’importenawak, cela pourrait rester un prétexte pour faire la fête, diront des détracteurs. « Peut-être, mais si c’était le cas, jamais nous ne le dirions ! ».

En tant qu’ex-responsable de la presse municipale et de la communication d’une ville moyenne (Belfort), je ne peux que saluer l’imagination des responsables municipaux angevins. C’est bien moins coûteux que le Tour de France (remporté par des Britanniques cette année), et surtout, beaucoup, beaucoup plus efficace. Quoi d’autre ? Un jumelage avec une ville du Tibet ? Un lâcher pacifique de crémets d’Anjou nocturne sur la tour Eiffel ou le Memorial de Saint-Louis (Missouri) ? Des faîtes en ardoise de Trélazé pour les piles du Golden Gate Bridge ? Une coiffe angevine au prochain défilé Dior ? La boule de fort aux Jeux olympiques ?

 

 

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !

2 réflexions sur « L’Anjou veut les bijous de la Queen ! »

  1. Félicitation, cette info qui s’inscrit dans une longue et riche histoire. Angers, ville de tradition si discrète qu’on oublie qu’elle était toute puissante il y a un peu moins de mille ans. Elle régnait sur un territoire allant de l’écosse à la sicile !
    J’avoue qu’il y ait un côté glamour de voir les bijoux de la reine (heureusement que ce n’est pas un roi !) exposés à Angers et non à Paris.

  2. Merci de votre appréciation, Stratologie.
    La bonne ville d’Angers, avec ses quartiers autrefois médiévaux rénovés et piétonnisés, ne manque pas de charme (beaucoup de monuments de la Renaissance aussi, beaux paysages alentours, &c.) et fut longtemps assoupie.
    La nouvelle vocation de l’Université catholique, qui attire de nombreux étudiants étrangers et propose des disciplines tournées vers la pratique, le renforcement de celle d’État, qui forme à présent des docteur·e·s en presque toutes disciplines, la création d’un pas si petit espace « nautique » et de détente – le lac de Maine –, &c., ont considérablement renforcé son attractivité.
    Dommage que le TGV s’arrête au Mans ou à Sablé (bon, le gain de temps ne serait pas fantastique), mais elle pourrait rivaliser avec Orléans ou Reims si c’était le cas (nombreux cadres faisant la navette).
    Nouveau sur place : le retour en vogue des crémets d’Anjou, qu’on ne trouvait plus ou presque (délicieux dessert). Il y avait un restaurant médiéval qui a été hélas remplacé, dans une ex-église couventine en plein centre-ville, par un truc genre branché. Vous trouverez, sur [i]C4N[/i], un autre article sur Angers (mot-clef : Angers).

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