« Le dernier voyage du juge Feng »: fable sur la justice chinoise dans les campagnes

Le cinéma chinois est à la mode depuis un certain temps maintenant. Bien loin des grosses productions aux faux décors somptueux et au casting de premier ordre (par exemple, "la cité interdite", "le secret des poignards volants"), il existe un autre cinéma chinois, plus modeste, plus vrai, qui passe totalement inaperçu en Chine, mais sait se faire remarquer en Europe, en France surtout, friande de cinéma plus "alternatif". "Le dernier voyage du juge Feng" (en chinois "马背上的法庭") fait partie de la seconde catégorie. Le film traite d'un sujet plutôt méconnu: la justice en Chine, et plus précisément la difficulté de l'administrer dans l'un des plus grands pays du monde, à la population la plus nombreuse, et au territoire parfois hostile. C'est l'histoire du Juge Feng, juge proche de la retraite, et de son tribunal ambulant: lui, une greffière issue d'une minorité ethnique, un cheval capricieux, et un jeune étudiant en droit. Ensemble ils parcourent les villages de la région reculée du Yunnan, dans le but d'administrer la justice et de régler les différents de ces villageois de la Chine ethnique.

 


Pendant un peu moins de deux heures, le réalisateur Liu Jie, qui signe là son premier film, nous entraîne au cœur de la chine rurale, et plus symboliquement, nous montre comment le pouvoir central, ici incarné par le tribunal et l'insigne de l'Etat voyageant sur le dos du cheval (cet insigne prendra une importance tout particulière pendant une scène du film), se confronte à la réalité de la chine pluriethnique. Certaines situations sont drôles et cocaces, et le film sait trouver le ton juste (sans l'aide de paroles le plus souvent, comme c'est le cas pour beaucoup de films chinois) pour faire passer les émotions, notamment entre le juge et la greffière. Enfin les paysages sont magnifiques. Pour Liu Jie c'est donc un excellent premier film, à recommander chaudement, d'autant plus que la plupart des acteurs ne sont pas professionnels: qui aurais crû que l'interprète de la greffière, véritablement issue d'une minorité ethnique de la région, est en fait une préposée aux impôts!