Pécresse : pas de sous pour les banques… ce dimanche

Mais lundi, ben, on verra. Ce qui se rit dimanche, lundi pleurera… C’est ainsi qu’il faut interpréter la « femâle » assurance de la ministre du Budget, Valérie Pécresse, qui déclare ce dimanche que « l’État ne mettra pas d’argent dans les banques françaises. ». D’une certaine manière, elle a raison : au lieu de remettre de l’argent de la main à la main aux banksters, on le fera porter chez le voisin, à leur disposition. Mais dire que les banques françaises peuvent faire face seules à leurs besoins de financement, c’est tout simplement répéter ce qu’elles veulent faire croire. Oui, mais, si elles sont les seules, avec Pécresse, Noyer ou Baroin, à le faire croire ?

Ne rentrons pas dans les détails du Tier-1, des accords dits de Bâle III, &c. Que dit, par exemple, parmi d’autres, Charles Wyplosz, du Graduate Institute de Genève ? « De fait, la France a perdu de longue date son triple A (…) la restructuration des dettes ne sera pas volontaire. Des banques feront faillite, dont sans doute nombre de banques françaises très exposées aux risques grec, portugais, italien et espagnol… » (rapporté ce dimanche par The Independent). Ce renchérissement du crédit découlant d’une dégradation des notes (Moody’s a pris les devants, Standard & Poor’s ne devrait guère tarder à suivre…) peut entraîner, estime The Independent, un troisième plan de rigueur.

Les banques, comme les assurances (Groupama vient d’être dégradé), détiennent des dettes, mais aussi des avoirs, notamment des actions… qui ont chuté et qui risquent de chuter davantage (pas forcément dans l’immédiat, les traders voulant assurer leurs primes de fin d’année, estime par exemple, Jean-Marie Colombanie, dans El Pais et Slate).

Que dit Pécresse ? Que les banques françaises peuvent se recapitaliser « avec leurs fonds propres, leur propres bénéfices… ». De même, Christian Noyer (Banque de France), ne voit pas où est le problème. Parce que l’Autorité bancaire européenne (EBA) a considéré qu’il ne faudrait plus que 7,3 milliards d’euros aux quatre principales banques françaises pour rentrer dans les cordes… fin juin.

Et d’ici juillet 2012, il n’y aurait pas… la seconde semaine de janvier ?

Trop grosses pour chuter ?

Le graphique du Financial Times Deutschland date du début du mois. Soit très peu avant l’audit de l’EBA (publié quatre jours après). Effectivement, il ne faut plus aux banques françaises « que » 7,324 milliards d’euros (contre 8,8 précédemment)… aux termes de l’EBA.

Mais elles les trouvent où ? Avec les seules cessions d’actifs et un moindre versement de dividendes ? Sur leurs seuls renforcements de bénéfices ? La hausse de la valeur de leurs actions ?

Elles restent exposées à des dettes souveraines étrangères et aux faillites des sociétés françaises qui ressentent déjà les effets de la récession rampante. Et pour leurs opérations en dollars, elles font comment ? Ah, la Fed et diverses banques centrales sont intervenues, ce qui a peut-être sauvé de la faillite immédiate le Crédit agricole. Pendant que l’État peine à payer les soldes des militaires et des gendarmes à temps (en revanche, on vient de les revaloriser, fortement, pour les officiers supérieurs), la Caisse des dépôts a dû venir au secours de l’assureur Groupama, en urgence.

En fait, l’État aurait sans doute bien du mal à renflouer les banques une nouvelle fois.

Le Trésor britannique l’avait fait pour la Bank of Scotland (et National Westmister Bank). Un rapport de l’Autorité de contrôle britannique (la FSA) sera diffusé demain, lundi. Les mots qui fâchent, tels « pari » (gambling) auraient été expurgés de la version initiale. Les paris ont porté sur un bilan d’un total égal au PIB britannique. Eh oui, un peu partout, les bilans des très grandes banques sont d’un montant égal ou dépassant le PIB du pays de leur siège. Un seul bilan. Cumulez-les, et comparez.

Le PIB français, en 2010, approchait 2 000 milliards d’euros. Moins que la somme des actuels bilans du Crédit agricole et des Banques Populaires et Caisses d’Épargne (plus de 2 600 milliards). Ajoutez les bilans cumulés de la SocGen et de la BNP (plus de 3 000 milliards). Total, plus de trois fois le PIB français actuel, sans doute.

Pour Werner Faymann, le ministre autrichien des Finances, « un parefeu a été dressé à Bruxelles (…) il n’est sans doute pas assez solide ou étendu pour repousser la spéculation… ».

Baroin, Pécresse, en rajoutent dans les déclarations rassurantes, mais de fait, comme le conluent Les Échos, « reste désormais à attendre le verdict des agences de notation. ». Dire, en interne, qu’elles exagèrent, c’est une chose. Allez en convaincre les marchés asiatiques et américains…

La réalité, c’est, comme en 1930, que personne n’est vraiment « trop gros pour chuter ».

Les banques américaines soutenues

Il est généralement considéré que les banques américaines sont plus solides que les européennes. Certes. Grâce à la Fed qui aurait injecté, en 2008, progressivement, sans l’annoncer, 7 770 milliards d’USD sous forme de rachats de crédits, de garanties et de reports d’échéances de prêts. Ce que la BCE ne peut faire. Les six principales banques américaines se sont vues prêter 460 milliards d’USD par la FED, trois fois plus que ce que le plan Paulson (officiel, lui) leur accordait. À des taux largement en-dessous de l’inflation, ridiculement bas (0,01 %), tandis que la BCE prête à 1 %. C’est la moitié du PIB américain qui a ainsi renfloué les banques américaines (mais aussi, des européennes, et de ce fait, le montant dissimulé au Congrès aurait généré 1,3 milliard de bénéfices pour ces institutions financières, selon Bloomberg Magazine).

Ce sont en fait les contribuables qui renflouent les banques.

La Deutsche Bank est la seconde banque mondiale de par ses avoirs, derrière BNP Paribas. Mais en fonds propres, c’est tout autre chose. Elle détient de la dette souveraine française et italienne. Et via Taunus, sa filiale américaine, elle est en fait très mal en point. La Fed a donc soutenu la Deustche Bank. Suffisamment ?

Pas sûr du tout. Que les banques françaises soient un peu moins mal en point que d’autres, cela ne garantit rien. Tout est interconnecté, tout reste fragile.

La Chine qui, voici quelques jours, annonçait qu’elle mettait fin à ses lucratives emplettes en Europe (soit des achats industriels) et n’allait plus venir au secours de l’Union européenne, semble se raviser. C’est du moins ce qu’annonce Fu Ying, le secrétaire d’État aux Affaires étrangères. Mais de manière très prudente. D’autant que la croissance chinoise pourrait fléchir. L’austérité européenne affecte les résultats des entreprises transnationales, et cela se fait déjà sentir.

En fait, la RTBF résume bien les interventions de Pécresse, Baroin, Noyer : « Triple A en danger : offensive médiatique du gouvernement Sarkozy ».

Car derrière, Fidelity Cash Reserves, JPMorgan, Vanguard Prime, et cinq autres des plus importants fonds américains se sont désengagés en novembre des banques françaises au profit d’autres, en Suède, Suisse, au Canada et au Japon, leur apportant 68 % de leurs avoirs en France, rapporte Bloomberg. Les investisseurs fuient l’Eurozone, France incluse. D’ailleurs, la Royal Bank of Scotland, tenue hors de l’eau par le Trésor britannique, fuit la dette souveraine française. Le veto de Cameron aura sans doute d’autres répercussions que politiques.

Quand la RBS a fait appel à la Banque d’Angleterre, Mervyn King, son gouverneur d’alors, a réagi parce que, sinon, dans les dix minutes suivantes, Barclays, HSCBC, les banques américaines et françaises, soit se précipitaient à la curée, soit étaient trop fortement affectées.

Pécresse rit dimanche ce qu’elle reniera, sans pleurer, peut-être lundi, ou mardi. Peut-être pas en paroles, mais dans les faits. Les contribuables, les électrices et électeurs de Sarkozy, Hollande, Marine Le Pen ou d’autres, finiront par payer… ainsi que leurs enfants…

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !

3 réflexions sur « Pécresse : pas de sous pour les banques… ce dimanche »

  1. Euro : l’Union Européenne unie par une expérimentation économique complètement ratée. [url]http://zebuzzeo.blogspot.com/2011/12/euro-lunion-europeenne-unie-par-une.html[/url]

  2. et dexia et groupama ?
    quels menteurs, et c’est vérifiable : la caisse des dépots et consignation c’est bien l’état non ?
    [url]http://zebuzzeo.blogspot.com/2011/12/le-duo-merkel-sarkozy-peut-il-vraiment.html[/url]

  3. Pecresse et baroin ne sont pas a la hauteur c’est sur il n’y connaisse rien en économie et en fait il ne font que suivre les ordres du patron comme la plupart des ministres

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