Les socialistes s’interrogent. Certains disent qu’il leur faut une nouvelle tête, d’autres une nouvelle ligne idéologique pour s’opposer plus efficacement à la droite. Qu’est-ce qui mènent les électeurs ? Qu’est-ce qui peut les convaincre aux prochaines élections ?

Les socialistes désorientés par leur défaite s’interrogent : " L’idéal, ce serait une autre femme. Il nous faut quelqu’un à poigne. Je regarde avec intérêt les personnes de 40 ans. Il faut recommencer à zéro avec des gens neufs. Sur les plateaux télés, les invités de la gauche étaient déjà présents il y a vingt ans. À droite, ils ont sorti de nouvelles figures. Royal ne semble pas avoir la stature. Son caractère l’a fait passer pour quelqu’un de froid. " On croirait entendre les caquètements affolés d’un poulailler où le renard vient de faire une apparition.

Heureusement certains semblent moins décontenancés : " Nous ne sommes pas allés au bout de notre réflexion politique. On n’a plus su faire rêver. Les gens ont envie d’entendre des choses carrées. Le problème est de proposer un projet cohérent par rapport au projet libéral de la droite. Je suis plus attaché au projet qu’aux personnes. Il manque au PS un fond idéologique et quelqu’un pour le porter. Il faudrait qu’un jour, on soit capable d’analyser les raisons de nos défaites. La refondation passe par un travail sur les idées. "

Dans toute cette cacophonie se dessine deux tendances : pour faire du nouveau, que faut-il préférer ? De nouvelles têtes ou de nouvelles idées ? La personnalité charismatique d’un dirigeant, son allant, sa détermination, ses qualités télégéniques ou bien la qualité et la cohérence des idées, leur originalité et leur nouveauté, leur abondance, leur forme verbale.

Mais qu’en pense l’électeur français ? À quoi est-il sensible ? S’il était réceptif à l’allure physique d’un candidat, il est clair que l’actuel président n’aurait pas été choisi. Sont-ce les qualités scéniques, déclamatoires, phraséologiques de ce dernier qui l’ont fait élire ? Il est évident qu’elles ont joué, mais, en élargissant l’analyse, on s’aperçoit qu’elles ne sont pas déterminantes.

Si l’on considère qu’une société se choisit un style de gouvernement comme elle se choisit une mode vestimentaire ou un style d’expression picturale, on s’aperçoit que le choix se fait en considérant son pouvoir évocateur et novateur, ceci malgré tout dans les limites de son réalisme, de sa viabilité. Cela voudrait-il dire que l’imagination et les idées mènent le monde ?

Ce qui est certain, c’est qu’elles peuvent nuire au développement individuel ou social. Ainsi en est-il des castes en Inde. Les idées peuvent être une entrave au développement économique, mais elles peuvent en être un accélérateur. Certain sociologue, Max Weber, considère que la predestianation est à l’origine du dynamisme économique des États-Unis.

Mais l’originalité d’une idée n’est pas non plus suffisante. Le chaman le sait qui préfère évoquer la puissance des dieux que les invoquer directement. Ainsi, pour ne citer que celle-là, l’idée "d’un ministère de l’immigration et de l’identité nationale " a une apparence bénigne et administrative mais évoque en réalité des armées de barbares affamés et ignares aux portes de notre pays. Celui qui l’a lancée doit beaucoup à son scribe qui, d’une certaine manière a pu devenir son maître à penser. Cet homme de l’ombre avait besoin, pour se réaliser, d’un média que constitue magistralement le transformiste que nous connaissons.

Certains socialistes ont heureusement compris que le combat est avant tout idéologique et ne s’en remettent pas à l’apparence ou au caractère particuliers d’une personne. Si, pour leurs opposants, le mal est personnifié par les paresseux et les étrangers, ils devront à leur tour définir très précisément où il se situe au risque, dans le cas contraire, d’apparaître vagues et indéterminés. Le style de société qu’ils proposeront devra avoir de l’ampleur, de l’ingéniosité, être moins étriqué que "les trente-cinq heures" qui par leur énonciation même sont pauvres et ne donnent que peu à imaginer.