Voilà qui rajeunit : une réelle prose militante étayée, celle, sur Le Club de Mediapart (en accès libre), de Philippe Corcuff, enseignant-chercheur nîmois qui est passé du PS-Cérès au NPA et rejoint à présent la Fédération anarchiste sans détour par le Front de gauche. Ne serait-ce que pour les nostalgiques ou celles et ceux qui veulent comprendre des cheminements militants propres aux années 1970, lisez et faites lire « Pourquoi je quitte le NPA pour la Fédération anarchiste ».
« Tout est politique », hormis peut-être se curer le nez dans l’intimité et opter pour rouler entre les doigts pour éliminer ou utiliser un mouchoir en papier (en songeant bien sûr au bilan carbone de l’opération). Se dire « apolitique » (donc « de droite ») ou professer qu’on ne s’en préoccupe pas (imbécile, sauf à plonger toute veille dans la médiation transcendantale), revient à se leurrer…
On peut bien évidemment considérer aussi que la politique dite politicienne, comme l’exprimait Paul Valéry, fondée surtout sur l’indifférence des intéressés, est « l’art d’empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde ».
Philippe Corcuff délaisse le Nouveau parti anticapitaliste (NPA) pour la Fédération anarchiste sans passer par la case Front de gauche.
Long – nécessairement, son engagement remontant à 1976 – plaidoyer, qui n’est pas tout à fait exempt d’autocritique, d’un représentant de ce qu’on peut plus ou moins appeler encore la « gauche autogestionnaire », dont il est d’ailleurs issu.
Pour résumer, Philippe Corcuff rejoint d’abord la gauche du PS, le Cérès, sous l’influence de Didier Motchane. Pourquoi pas l’un des courants du PSU (Parti socialiste unifié) d’alors ? Sans doute question d’opportunité et non d’opportunisme. Puis, après un passage au Mouvement des citoyens (devenu MRC), rapprochement avec les Verts, et la LCR (Ligue communiste révolutionnaire) encore incarnée par Krivine…
Nous sommes en 2000, et la LCR s’est départie des tendances léninistes qu’elle pratique tout en se les infligeant plus ou moins (ma propre appréciation, non la sienne). À présent, au sortir de son second congrès, le NPA a perdu les trois-quarts de ses effectifs de départ. Celles et ceux privilégiant l’implication dans la professionnalisation politique ont surtout trouvé refuge au Front de gauche, et l’axe à la fois «&bnsp;libertaire et marxiste » s’est étiolé. Le NPA en reviendrait à se concevoir d’avant-garde, soit émancipateur « révolutionnariste », faute peut-être de pouvoir penser sa dissolution.
Besancenot et Poutou ne sont pas désavoués, mais leur ligne a échoué et donc fédérer « une galaxie anticapitaliste et émancipatrice » n’a pas été concrétisé. La galaxie subsiste, mais… galactique, avec grands écarts et extinction de divers astres.
La case Fdg trop étroite ?
Or, pour Corcuff, le Front de gauche n’aurait pas su non plus réellement contribuer à l’émancipation. Il se serait replié sur :
• la conquête des postes sous la bannière d’un « homme providentiel » ;
• un nationalisme délaissant l’altermondialisme ;
• l’étatisme et un conception jacobine de la laïcité.
Je condense bien sûr et ainsi donc trahis Corcuff (on gagnera à se reporter à l’original, plus détaillé).
Seul apport au final du Front de gauche, la montée au PCF comme au Parti de gauche et formation associées de « l’écosocialisme ». Sans que cela débouche réellement sur « l’expérimentation de nouvelles pratiques politiques ». Préjugé que l’avenir confirmera ou non.
Pour Corcuff, hormis les libertaires, et encore pas tous, « les forces de gauche ont tendu à faire disparaître l’individu, sous la pression du collectif, de l’horizon mental des gauches. », conduisant à la « minoration des individualités ». On peut se risquer à supputer que « la mélenchonade » a joué une grande part dans cette distanciation : la même se constate chez les militants totalement indépendants comme du côté de nombre de communistes.
Notons que nombre d’arguments de Mélenchon sont et fondés et habilement formulés (l’habileté n’étant pas dérimante) mais que l’emballage, passée la fin de campagne présidentielle, a pu lasser : l’intéressé est peut-être en phase de réflexion puisque son blogue-notes est en jachère depuis le 13 janvier dernier.
Repli tactique
« Je suis conscient de ma marginalisation dans l’espace politique », expose Corcuff, considérant qu’il s’agit d’un stade de « repli exploratoire ». Une phase pragmatique qui lui parait plus féconde que la réflexion certes collective mais trop anti-organisationnelle des « spontex » (les spontanéistes, dont ceux de certains « mouvements d’indignés »). Ah la tac-tac-tac-tique de celui qui se gendarme !
Incidente : j’en profite pour signaler que Philippe Poutou appelle à un rassemblement « contre la guerre française au Mali », samedi prochain, à 15 heures, devant le siège d’Areva. Dur, dur pour les automobilistes tentant d’emprunter l’axe de la rue Lafayette, et on ne voit pas trop en quoi cela aidera les Nigériens à mieux négocier des redevances avec Areva ou les civils touaregs… ou même les Maliens à s’émanciper de la tutelle de leurs politiciens. Cela étant, le NPA appelle aussi à participer aux manifestations dénonçant l’exécution du Tunisien Chokri Belaïd, qui avait déjà fait le 2 février « l’objet d’une agression par des salafistes ». C’est bien de dire « c’est au peuple malien de chasser les bandes islamistes armées », mais encore fallait-il pouvoir expliquer comment. Fin de l’incise.
En tout cas, je ne vais pas me prononcer sur la démarche de Corcuff, du point de vue de son efficacité aléatoire, car là n’est pas le propos.
Mais si vous voulez tenter de comprendre ce qui se trame à la gauche de la gauche institutionnelle, il faut aller voir : non seulement le texte de l’auteur, mais les déjà très nombreux commentaires. Je me permets de recommander la lecture de la réponse à Corcuff à Lucas Martin (sur l’étique de conviction et celle de la responsabilité ; lire Max Weber pour prolonger).
« Le pragmatisme, si on le prend au sérieux, c’est compliqué », consigne Corcuff. Mais non, mais non, il suffit de s’en remettre à… Marine Le Pen ou Jean-François Copé… Pragmatiques en diable ! Ce qui n’empêche pas quelques réserves non seulement mentales, mais aussi des refus de suivre tous les mots d’ordre, selon ses convictions. En dépit de réflexes acquis, Poutou n’incite pas trop à le suivre aveuglément, c’est déjà cela (et je doute un peu du succès de la manif contre l’intervention française au Mali…).
En tout cas « celui qui n’essaye pas ne se trompe qu’une seule fois » (album Exclusivement féminin de Véronique Sanson). Certain·e·s préfèrent se tromper avec le plus grand nombre, d’autres avec des minorités (et la Fédération anarchiste compte sans doute plus de divisions que de régiments). Mais tant qu’à se fourvoyer… autant tenter de le faire en conscience qu’à contre-cœur ou impulsivement, quand ce n’est pas l’un et l’autre.
Bonsoir !
Je fais de curieux constats :
[url]http://unpetitcoucou.over-blog.com/article-la-guerre-au-mali-115097280.html[/url]
[url]http://unpetitcoucou.over-blog.com/article-visiteurs-non-definis-du-golfe-de-guinee-le-detail-de-ces-derniers-jours-115046436.html
[/url]
???
éclaircissement:
« La catastrophe que l’on nous dit d’attendre est déjà advenue ». Guy Debord, (Lettre à Annie Le Brun)
« L’humanité se situe en dehors de l’économie politique, l’inhumanité au dedans. » Karl Marx
addendum
« Aucune règle n’est absolument définitive et l’on peut toujours se jouer des règles que l’on croit immuables. Seuls les révolutionnaires de la vie sachant [i]métacommuniquer[/i] sur le système peuvent comprendre son fonctionnement global dans son contexte et toutes ses interactions. S’inclure dans ses observations comme être vivant dans sa situation particulière, permet de devenir le sujet agissant de sa vie occupant son propre monde. » Stella Lukas
???
éclaircissement:
« La catastrophe que l’on nous dit d’attendre est déjà advenue ». Guy Debord, (Lettre à Annie Le Brun)
« L’humanité se situe en dehors de l’économie politique, l’inhumanité au dedans. » Karl Marx
addendum
« Aucune règle n’est absolument définitive et l’on peut toujours se jouer des règles que l’on croit immuables. Seuls les révolutionnaires de la vie sachant [i]métacommuniquer[/i] sur le système peuvent comprendre son fonctionnement global dans son contexte et toutes ses interactions. S’inclure dans ses observations comme être vivant dans sa situation particulière, permet de devenir le sujet agissant de sa vie occupant son propre monde. » Lukas Stella
Des idéaux…
[i]Quand tous les détails confirment un fonctionnement d’ensemble, l’imbécile expert n’y voit qu’une succession de détails bien séparés. Le spectacle est l’unité fictive, perdue et oubliée, de ce monde fragmenté, où s’accumulent les séparations.[/i]
[i]La régulation du système financier n’est qu’un leurre. La puissantissime haute finance des marchés s’adaptera et ne sera jamais contrôlée. Ces quelques spéculateurs ont chacun des revenus annuels supérieurs au huit chiffres. Cette nouvelle aristocratie financière domine le monde et maîtrise l’information spectacle dont elle est propriétaire.
Le système néolibéral, construit sur la compétition permanente et la guerre généralisée, est le pire des systèmes : gagner coûte que coûte, écraser la concurrence, éliminer l’adversaire, exploiter à outrance tant qu’on le peut, tout rafler avant que d’autres ne le fassent, abandonner tous les pouvoirs aux accapareurs de richesses des mafias affairistes, piller le monde en intoxiquant toute forme de vie…
Il s’agit maintenant de sécher le cours d’un temps révolu[/i].
[i]Un espoir ? Toujours ![/i]
[i]En fait la note optimiste finale c’est que la crise présente, une de plus dans la longue histoire du capitalisme (mais non la moindre), est peut-être l’occasion de tester, en marge du système, la construction de nouveaux rapports économiques, plus humains, plus respectueux de la planète. Si je me permets d’énoncer cette hypothèse c’est parce que la porte est ouverte et que nombreux (relativement) sont ceux qui s’y sont déjà engouffrés. Cette marginalité nouvelle, en mouvement, ne doit cependant pas oublier sur le bord de la route ceux qui n’ont plus vraiment la liberté de choix, pour des raisons d’âge, de santé, ou de moyens intellectuels. Ceux-là sont dans le système ; ils en sont dépendants ; ils n’ont pas la possibilité de choisir une alternative. Il ne faudrait pas les laisser en plan. Ils sont dans la situation d’un poisson rouge dans un bocal fissuré et ils n’ont ni ailes ni poumons. On ne fait pas d’omelette sans casser des œufs… sans doute. Or, ce n’est pas d’une omelette dont nous avons besoin mais d’un monde nouveau. Signe positif, annonciateur d’un changement – peut-être ? – de nombreux documentaires (livres, vidéos, articles de journaux) sont mis à disposition du public, en général sur le web, parfois (mais bien trop rarement) à la télé. Ils témoignent avec naïveté parfois, mais toujours avec énergie, du fait qu’une partie de l’humanité n’a pas envie de se laisser noyer sans réagir. Espérons que ces exemples d’auto-émancipation feront tache d’huile le plus rapidement possible… ou amèneront au moins certains de nos concitoyens à réfléchir. Plus on est de fous, plus on délire ![/i] Paul
« Assez de faux débats, assez d’idéologies (…) tolérance pour toutes les idées, intolérance pour tout acte barbare dont le profit se veut être la seule alternative. Notre seul critère, c’est le progrès humain, c’est la [i]générosité[/i] du comportement, c’est l’enrichissement de l’existence quotidienne. Le droit à la vie garantit notre légitimité. »
La violence d’un monde à créer va supplanter la violence d’un monde qui se détruit.
Nous n’avons été jusqu’à ce jour que des hybrides, mi-humains mi-bêtes sauvages. Nos sociétés ont été de vastes entrepôts où l’homme, réduit au statut d’une marchandise, également précieuse et vile, était corvéable et interchangeable. Nous allons inaugurer le temps où l’homme va assumer sa destinée de penseur et de créateur en devenant ce qu’il est et n’a jamais été un être humain à part entière. » Raoul V
Il faut ouvrir les yeux. Y a-t’il seulement un révolutionnaire dans ce pays?
Non. Des bavards, des poseurs. Par kilotonnes.
La gauche française, du PS à la soi disant ultra gauche est TOTALEMENT innoffensive.
Des mots, toujours des mots. On dirait du Dalida.
Il n’y a probablement JAMAIS eu de période aussi calme politiquement depuis la révolution. Pas un attentat, pas une arrestation, pas une bagarre, zéro menace intérieure. Deux trois manifs poussives, une ou deux grève pépères…
Tout le monde est fondamentalement réformiste. Y a forcément une raison.
NPA, Front de gauche ou… fédération anarchiste, combat d’arrière-garde de l’arrière-garde du XIXe siècle, la France qui rêve, celle qui cite encore Karl Marx, la France qui s’accroche désespérément à un idéal anarcho-révolutionnaire, la France qui regarde le monde derrière des lunettes en peau de saucisson…
Bref Camarade, rien à attendre de ce côté-là, que des ennuis, des pleurs et du sang, beaucoup de sang et surtout pas de solution !
Eh oui, Patounet, on peut aussi le voir ainsi.
Cela étant, avec la marginalisation croissante de tas de gens, il va peut-être se produire autre chose.
Difficile de prévoir.
Non Jeff, je ne crois plus que la « crise » amène une résurgence durable de la gauche révolutionnaire. L’histoire montre que c’est au contraire dans les périodes de croissance que l’esprit révolutionnaire est dans ce pays le plus actif. Quand il y a crise, la peur y est toujours dernière conseillère. La peur empêche de penser, de s’organiser. Paradoxalement, il faut que l’idée de révolution rassure les masses au lieu de les inquiéter. Pour ça, il une organisation puissante, crédible et structurée. Je sais que ça sent bon le vieux stal ce genre de discours, mais sincèrement, je vois pas comment y couper.