Jean-Marie Le Pen vient de donner sa propre vision du film qui représente l’un des plus gros succès du cinéma français :
" La France, c’est l’infirme qui se trouve dans le fauteuil et donc il va falloir tabler sur l’aide que vont nous apporter les jeunes des banlieues et l’immigration en général. Je ne souscris pas du tout à cette manière de voir. Je crois que c’est un film, c’est un roman, il faut le prendre comme tel et pas du tout comme un exemple futur. Ce serait dramatique si la France était dans l’état de ce malheureux handicapé. " (1)
On se rend compte que, depuis la sortie d’Intouchables, les avis sont partagés. Loin de la vision idyllique d’une histoire d’amitié improbable entre un vieux riche blanc et un jeune immigré, une interprétation plus profonde émerge.
Pour Elisabeth Lévy et Pascal Riché, ce film parle d’une France vieillissante qui attend qu’on vienne la sortie de sa léthargie.(2)
C’est un monde totalement fictif, idéalisé, aux allures de conte de fée. On est bien loin de la réalité concrète des Français confrontés aux 1800 milliards de dette ! Non, les personnes handicapées ne sont pas toutes riches, les jeunes des banlieux ne sont pas tous des délinquants qui ne peuvent rien faire d’autre que garder des malades. De ce côté le film, très caricatural, est presque insultant et ne peut en aucun cas refléter la réalité.
Au début, la polémique était surtout centrée sur le handicap et l’éternel conflit entre les générations/races. Dans une société civilisée, je trouve choquant qu’on parle encore de couleur de peau ou d’origine ethnique : on nous apprend depuis tout petit à ne pas prendre cela en considération, or pour les jeunes cela semble le premier critère d’évaluation. D’ailleurs, si on avait vraiment voulu dénoncer des problèmes de discrimination, on aurait préféré à Oma Sy un comédien d’origine asiatique, immigrés dont on parle le moins mais qui sont tout autant victimes de discrimination que les autres !
Mais passons car la polémique autour du handicap est vite apparue : on accuse ce film de servir de prétexte pour encourager les gens à ne pas chercher à intégrer les personnes handicapés. On se donne bonne conscience en allant voir ce film, mais pas besoin d’en faire plus car de toute façon les handicapés ne vivent pas si mal !(3)
C’est vrai que dans le film, on parle d’un adulte frappé par le malheur suite à un accident. Un handicap physique mais pas mental. Un handicap moins lourd à porter que beaucoup d’autres et plus facile pour l’entourage également. Physiquement, François Cluzet ne fait pas peine à voir : si seulement les handicapés pouvaient tous lui ressembler ! On ne montre pas un enfant sourd et aveugle depuis la naissance, ou des handicapés mentaux lourdement atteints qu’il faut surveiller/stimuler en permanence. On ne montre pas les corps meurtris et brisés par les maladies, les malformations, les accidents graves ayant nécessités une ou plusieurs amputations. On ne parle pas des conditions de vie difficiles, de la précarité du plus grand nombre. Encore moins de leurs souffrances aussi bien physiques que morales.
La dimension sociale de la personne handicapée n’est pas abordée ici : on est dans une bulle feutrée où le quotidien est doux. Généralement, les familles devant s’occuper d’un handicapé n’aiment pas ce film car il donne une image fausse de leur vie, de leur calvaire. Le même genre de reproches qu’on avait fait à Prison Break qui véhiculait une image totalement erronée de l’univers carcéral français mais que le grand public prenait pour argent comptant.
Puis les associations se sont rendues compte de la manne financière incroyable que ce film représentait : 5% des bénéfices, cela ne se refuse pas! (4) Alors tout le monde crie au génie, personne n’ose émettre une seule critique négative afin de toucher le plus possible. Mais le but du film n’est-il pas de faire parler des problèmes des handicapés pour tenter d’apporter des solutions, quitte à déplaire ? Là, on fait tout le contraire. Mieux, on se fait une fortune sur leur dos sans rien leur donner en retour.
Car les sommes perçues ne serviront pas uniquement à les aider : les associations ont des frais (publicité, salariés, fonctionnement) que cet argent va servir à couvrir. Ne parlons même pas des caisses noires de certaines associations (même les grosses) qui servent surtout à remplir les poches des dirigeants. Mais chut, restons dans le domaine du rêve et de l’illusion et vendons de l’espoir !
Au final, on retiendra surtout l’énorme carton du film qui tombe à point nommé, ce qui explique une partie de son succès.
Sans la crise, peut-être serait-il passé totalement inaperçu. L’approche des présidentielles, période propice au retour des chocs entre les classes et les générations, favorise aussi la publicité autour du film. Mais quel est le réel message du film et en quoi aide-t-il les handicapés ? Ca, personne ne s’en préoccupe !
(1) http://www.premiere.fr/Cinema/News-Cinema/Jean-Marie-Le-Pen-a-une-vision-tres-etroite-d-Intouchables-3097968
(2) http://fr.news.yahoo.com/blogs/rue89-causeur-la-battle/septi%C3%A8me-round-peut-toucher-%C3%A0-intouchables-173112384.html
(3) http://www.rue89.com/2011/11/26/parents-dun-handicape-le-succes-intouchables-nous-inquiete-226852
(4) http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2011/11/30/01016-20111130ARTFIG00757-les-handicapes-benecieront-du-pactole-d-intouchables.php
Un peu choquante la phrase de Le Pen, pour un homme cultivé comme lui ! cette histoire n’est pas un roman au départ, même si le film peut romancer l’histoire. Il s’agit d’un vécu !
sinon, je relève dans votre article cette phrase, tout aussi choquante:
[i]les jeunes des banlieux ne sont pas tous des délinquants qui ne peuvent rien faire d’autre que garder des malades
[/i]
« rien faire qu’autre que » !!!!!!
ce n’est pas une honte ! ce n’est pas un métier honteux ! il y en a besoin !!!
cette tournure est bien dévalorisante…
Mais ce n’est qu’un film, ce n’est même qu’une histoire vraie parmi tant d’autres qui ne peut effectivement pas du tout être généralisée… c’est juste l’histoire humaine d’une rencontre exceptionnelle!
S’il falllait chercher des messages dans tous les films… ça serait bien fatiguants…
Il faudrait mieux lire, sur le même sujet, le livre de ce milliardaire frappé lors d’un de ces loisirs!
;D
Bonjour titepom,
Cette phrase est volontaire. Je ne fais que reprendre les avis, les interprétations des gens/critiques sur ce film. Et c’est bien ce qui a été dit : ce film a été considéré pour certains comme de façon trés réductrice : en gros un jeune des cités n’est qu’un voyou sans instruction et ne peut que faire des métiers dont personne ne veut.
C’est réducteur et choquant aussi bien pour ceux des cités que pour les handicapés. Mais c’est ce qui a été dit.
[u]Cela me rappelle l’article que j’ai fait autour du film [i][b]Bienvenue chez les Ch’tis[/b][/i][/u] :
[quote][quote][quote][b][i]Lettre ouverte à Jean-Marie Le Pen, Président du Front National[/i]
[url]http://www.come4news.com/lettre-ouverte-a-jean-marie-le-pen,-president-du-front-national-812691[/url]
Comme quoi, [i]et mon article, qui m’a valu une bordée de commentaires « malveillants », est toujours d’actualité[/i], [b]Jean-Marie Le Pen[/b] ne changera pas !
[/b][/quote][/quote][/quote]
[quote]La dimension sociale de la personne handicapée n’est pas abordée ici : on est dans une bulle feutrée où le quotidien est doux. Généralement, les familles devant s’occuper d’un handicapé n’aiment pas ce film car il donne une image fausse de leur vie, de leur calvaire.[/quote]
C’est vrai ce n’est pas si marrant d’être handicapé!
Je ne comprends pas ce besoin de chercher dans le film des choses bien au-delà du but initial : trouver un prétexte à une comédie destinée à plaire.
Alors, les scénaristes ont fait des choix, pour que la sauce soit agréable.
Le film n’a pas vocation à être militant, à changer le monde, mais il a pour but de distraire en échange de bon et bel argent. Manifestement, la recette est bonne.
Après, le débat, pour ceux qui le souhaitent,c’est autre chose, et le film n’est qu’un point de départ, pas une synthèse.
Il y a tentative de récupération de ce film, et ce n’est pas bien. Si des gens ont été soulagés, tant mieux, et dommage si d’autres ne l’ont pas été. Mais si je devais aller au cinéma (je n’y vais pas), ce ne serait certainement pas pour me farcir un documentaire sur les multiples causes de handicap, sur les banlieues, sur les hauts revenus et leur façon de dépenser leur fric, sur l’homosexualité féminine, sur l’intégration et tutti quanti.
Le film a plusieurs défauts ; il est populaire, il rapporte du fric, et ce n’est pas des « chéris » de la grande famille du cinéma qui en profitent. A cause de lui, quantité d’autres films ont bu le bouillon pendant la période de Noel, parce qu’il n’y a pas eu tant que ça de spectateurs en plus. Même « en chute libre », il est encore troisième dans un mois de janvier creux. On a parlé des cachets de Omar Sy et François Cluzet, mais ceux-ci auraient dû être dérisoires par rapport à ceux des « bankables » qui sont censés déplacer les foules, sans le succès du film.
Que d’envieux, de récupérateurs, de salisseurs, qui s’appuient sur ce succès pour se faire entendre, lâcher leur petite merde.
J’ai pas vu « intouchables », parce que l’état, le distributeur, la SACEM et plein d’autres gens que je n’aime pas gagnent avec n’importe quel film diffusé plus que les réalisateurs ou que les petites vedettes sans rien risquer dans la création d’une oeuvre, en se gavant de subventions… mais ce que je sais, c’est que François Cluzet est un artiste qui réfléchit et parfois s’engage à contresens des masses, que Omar Sy avait piscine pour respecter diplomatiquement et courageusement ses idées, et que rien que pour ça, et bien, je défends pour ce film son droit d’être apprécié pour ce qu’il est, et non pour ce que certains voudraient qu’il soit, et je me réjouis de son succès
Bonsoir à tous,
Je ne critique pas le film mais je résume les différentes interprétations, les polémiques/débats qui existent/ont existé.
Personnellement, je ne suis pas allé voir ce film car il ne m’intéresse pas du tout, surtout en faisant du social et en ayant fréquenté des personnes handicapées, je ne veux pas me retrouver face à des événements caricaturaux qui frisent le ridicule. Il y a aussi la mauvaise expérience des Ch’tis, que j’ai fini par voir de nombreux mois après sa sortie mais qui ne m’a jamais fait rire du tout, que j’ai même trouvé plutôt nul alors que tout le monde s’accordait pour dire que c’était un film génial.
Il est vrai qu’on peut dire ce qu’on veut à un film, un poème, un livre, une oeuvre d’art mais ce qui m’intéresse ce sont les différences de point de vue qui peuvent témoigner de l’évolution de la société ou de l’époque contemporaine au film. Cela n’a peut-être pas beaucoup d’importance maintenant mais dans plusieurs années, qui sait ?