On dit souvent que le meilleur moyen de dégoûter les gens sur un sujet, c'est de trop en parler. Mais on dit aussi que c'est le meilleur moyen pour marquer les esprits.

On dit de certaines choses qu'attendre suffira, qu'il faut relativiser, que beaucoup sont bien moins lotis. On dit aussi que ce n'est pas en restant assis à ne rien faire que les choses changeront.

Je suis né dans cet environnement hypocrite où l'on pouvait penser mais pas parler, et j'ai rencontré le rejet pour la première fois quand j'avais dix ans. Je suis né dans cet environnement hypocrite qui n'a jamais changé depuis.

Autour pourtant, certaines choses ont changé. En grandissant, j'ai appris que ce qui était mal considéré chez moi, l'étais mieux ailleurs.

Pourtant, ça n'a pas été aisé. Pendant l'adolescence, ce n'était des choses dont on ne parlait surtout pas ! Aujourd'hui, certains disent que c'est un effet de mode. Si c'était réellement le cas, je ne savais pas que la mode pouvait causer autant de suicides. J'étais un collégien et lycéen "timide". Je n'avais cependant pas besoin de raser les murs et je n'étais pas battu pour une bonne raison : j'avais appris à mentir, à cacher celui que j'étais. Je m'étais inventé un personnage plutôt macho qui passait son temps à parler des filles.

Quand j'avais dix-neuf ans, mon père nous a quitté. Cette épreuve, cette proximité avec la mort et le sentiment que la vie n'étais pas éternelle m'a fait réfléchir et j'ai réalisé que je ne pouvais pas continuer à vivre en cachant mes vrais sentiments, ma vraie personnalité. Cet été là, j'ai profité (un peu trop, mais j'étais jeune) des nouvelles libertés et des nouvelles rencontres qu'offraient ma sortie du placard. Aujourd'hui, trois ans plus tard, je suis un jeune adulte stable, heureux en amour. Cet amour, cette préférence-même qui posait tant problèmes durant l'enfance et l'adolescence, si "honteuse" qu'elle devait être tue, est aujourd'hui pleinement acceptée par ma famille, après une période d'adaptation pas toujours facile.

Le futur reste cependant incertain et ombragé. Quel est l'avenir d'un couple sans possibilités d'épanouissement dans la fondation d'une famille ? N'est-ce pas une des plus belles choses, que d'élever des enfants ? J'ai l'impression de me retrouver devant les mêmes choix qu'avaient fait tant de gens avant moi : partir pour un avenir meilleur ou rester pour se battre, sans garanties.

Quand j'avais dix ans, dans la cour de récréation de mon école primaire (privée et catholique), j'avais entendu pour la première fois un de mes camarades me dire "espèce de pd !" Le 27 juin prochain, à Paris, aura lieu la 30ème Gay Pride avec comme thème : "1969-2009 : Fier-e-s de nos luttes. A quand l’égalité réelle ?"

Dans trente ans, quand j'en aurai cinquante, serais-je encore en France, à attendre que mon pays m'autorise à fonder une famille avec l'homme que j'aime ? Je ne sais pas.